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1687-1689 » ris, à Bacchus, et à Apollon.... Je concilierai tout Æt. 66-63 » cela le moins mal et le plus long-temps qu'il me >> sera possible 51.

Jugement de

Ninon Len

51

>>

Ninon de Lenclos qui étoit en correspondance

clos sur La avec Saint-Evremond, autrefois son amant, ap

Fontaine.

Son erreur à

cet égard.

prit les tentatives que l'on faisoit pour attirer La Fontaine en Angleterre : elle savoit très-bien que, quoiqu'il eût passé le temps d'aimer, il n'avoit pu encore renoncer aux femmes, et qu'avec l'âge, devenu peu délicat, il ne se refusoit pas des jouissances faciles auprès des Jeannetons et des Chloris. Comme d'ailleurs elle connoissoit peù intimement notre poëte, alors moins répandu dans le monde, parce qu'il se renfermoit dans un petit cercle d'amis, elle le jugeoit avec sévérité, et croyoit que son esprit avoit baissé. « J'ai su, écrivoit-elle à Saint-Evremond, que vous souhaitiez La Fontaine en Angleterre : on n'en jouit guère à Paris; sa tête est bien affoiblie. C'est le destin des poëtes; le Tasse et Lucrèce l'ont éprouvé. Je doute qu'il y ait eu du philtre amoureux pour La Fontaine; il n'a guère aimé de femmes qui en eussent pu faire la dépense 52. »

Mais, dans le même temps que la moderne Aspasie portoit un jugement si sévère sur l'Anacréon français, Saint-Evremond lisoit une lettre que notre poëte venoit d'écrire à Mme la duchesse de Bouillon. Cette lettre seule suffisoit pour prouver que La Fontaine n'avoit rien perdu des grâces de son esprit. Il badine sur son projet de voyage en Angleterre,

et indique assez qu'il n'a pas dessein de le réaliser. 1687-1689 Il se plaint aussi de ce que Mme la duchesse de .66-68 Bouillon reste aussi long-temps à Londres auprès,

me

dame la du

Bouillon.

de

de sa sœur. «< Mais, dit-il, on ne quitte pas Me la Lettre à Ma-
>> duchesse Mazarin comme l'on voudroit. Vous chesse
» êtes toutes deux environnées d'enchantements
» et de grâce de toutes sortes. »

Vous portez en tous lieux la joie et les plaisirs :
Allez en des climats inconnus aux zéphyrs,

Les champs se vêtiront de roses.

La duchesse de Bouillon avoit eu sans doute quelque
motif grave pour se retirer à Londres, et son voyage
en Angleterre étoit probablement un exil forcé;
car La Fontaine ajoute :

Mais comme aucun bonheur n'est constant dans son cours,
Quelques noirs aquilons troublent de si beaux jours.
C'est là que vous savez témoigner du courage :
Vous envoyez au vent ce fâcheux souvenir.
Que n'en aviez-vous un qui sût le prévenir !

Descartes n'est pas le

teur du système sur l'âme des bêtes.

D'après cette lettre, il paroît que Saint-Evremond fut fort étonné d'apprendre que Descartes n'étoit pas le premier auteur du système sur l'âme des bêtes. premier auEn effet, Bayle, à qui rien n'échappoit, découvrit qu'un médecin espagnol, nommé Gomesius Pereïra, avoit établi cette doctrine dans un livre, imprimé à Medina del Campo, en 155453. « Quand on n'en >> auroit pas apporté de preuves, dit La Fontaine, je ne laisserois pas de le croire, et ne sais que les Espagnols qui pussent bâtir un château tel que » celui-là. » On voit, d'après cela, que La Fontaine ne croyoit pas que les bêtes fussent de pures ma

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1687-1689 chines. La remarque de Bayle semble avoir diminué Æt. 66-68 le respect de notre poëte pour Descartes, car il ajoute : Réflexions de << Tous les jours je découvre ainsi quelque opi

La Fontaine

à ce sujet.

La Fontaine mêle son propre éloge à celui de Waller et de SaintEvremond.

»> nion de Descartes répandue de côté et d'autre

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dans les ouvrages des anciens, comme celle-ci :

qu'il n'y a point de couleur au monde; ce ne sont >> que de différents effets de la lumière sur diffé>> rentes superficies. Adieu les lis et les roses de nos Amintes. Il n'y a ni peau blanche ni cheveux noirs : >> notre passion n'a pour fondement qu'un corps sans >> couleur. Et, après cela, je ferai des vers pour la principale beauté des femmes ! » En effet, La Fontaine a pu trouver cette idée sur les couleurs dans Platon, et dans Plutarque, deux auteurs qu'il lisoit beaucoup, ainsi que dans Aristote qu'il ne lisoit guère 54. Notre poëte revient ensuite à l'éloge de Mme la duchesse de Bouillon, et il lui dit qu'elle vouloit tout savoir sans se donner d'autre peine, que d'en entendre parler à table.

Vous jugez de mille sortes d'ouvrages, et en jugez bien. >>

Tout vous duit, l'histoire et la fable,

Prose et vers, latin et françois.

Parmi ceux qu'admet à sa cour

Celle qui des Anglais embellit le séjour,
Anacréon et les gens de sa sorte,
Comme Waller, Saint-Evremond et moi,
Ne se feront jamais fermer la porte.
Qui n'admettroit Anacréon chez soi?
Qui banniroit Waller et La Fontaine?

Tous deux sont vieux, Saint-Evremond aussi :
Mais verrez-vous aux bords de l'Hippocrène,
Gens moins ridés en leurs vers que ceux-ci ?

Le mal est que l'on voit ici

De plus sévères moralistes...

Anacréon cité devant des Jansenistes!...

Encor

que leurs leçons me semblent un peu tristes,
Vous devez priser ces auteurs

Pleins d'esprit et bons disputeurs.

Vous en savez goûter de plus d'une manière :

Les Sophocles du temps et l'illustre Molière
Vous donnent toujours lieu d'agiter quelque point.
Sur quoi ne disputez-vous point?

On aime à voir La Fontaine s'estimer franchement
ce qu'il valoit, et se placer lui-même à côté d'Ana-
créon. Ce n'étoit pas un mal, quoi qu'il en dise, de
souhaiter de plus sévères moralistes que lui; mais
c'en étoit un réel que les misérables querelles des
Jansénistes et des Molinistes: excepté La Fontaine
qu'elles ennuyoient, tout le monde s'en mêloit,
même les femmes les moins dévotes, telle que
la
duchesse de Bouillon. Au moins ces disputes lais-
soient encore quelque place pour la littérature, bien
différentes en cela des discussions politiques qui nous
occupent depuis trente ans.

La Fontaine, continuant sur le même ton, ressuscite Anacréon, et suppose qu'il se rencontre en Angleterre avec cet ancien poëte, et avec Waller et Saint-Evremond.

Il nous feroit beau voir, parmi des jeunes gens,
Inspirer le plaisir, danser, et nous ébattre,
Et de fleurs couronnés, ainsi que le printemps,
Faire trois cents ans à nous quatre.

1687-1689

Et. 66-68

Waller, 21

Presque dans le même temps que La Fontaine Mort de traçoit ces lignes, Waller expiroit 55. Sans pouvoir octobre 1687. être comparé à La Fontaine, Waller fut un de ceux

1687-1689 qui contribuèrent le plus à donner du nombre et At. 66-68 de l'harmonie à la poésie anglaise. Il fut un poëte élégant et spirituel, mais il manquoit de force et de naturel.

La Fontaine, à la fin de sa lettre, revient sur les motifs qui l'empêchent de passer en Angleterre ; un des plus décisifs est qu'on lui a dit que Mme d'Hervart, Mmc de Gouvernet, et Mme d'Hélang n'étoient pas disposées à faire ce voyage; et il fait entendre qu'il en coûteroit trop d'efforts à son indolence, pour les convertir. « Non plus que Non plus que Perrin-Dandin, » dit-il, je ne suis bon que quand les parties sont lasses » de contester. » Enfin, après une digression en vers, sur le roi d'Angleterre, Jacques II, et sur Louis XIV, La Fontaine dit de ce dernier :

On trouvera ses leçons

Chez ceux qui feront l'histoire ;
J'en laisse à d'autres la gloire,
Et reviens à mes moutons.

<< Ces moutons, Madame, c'est votre altesse, et >> Mme Mazarin ... » Il n'y a que La Fontaine qui ait pu se permettre, avec une altesse, une si comique transition; mais il n'y avoit que lui aussi qui alors savoit écrire des choses aussi aimables et aussi spirituelles, que celles qui suivent immédiatement.

« Ce seroit ici le lieu de faire aussi son éloge (de >> Mme de Mazarin), afin de le joindre au vôtre; mais, >> toutes réflexions faites, comme ces sortes d'éloges » sont une matière un peu délicate, je crois qu'il >> vaut mieux que je m'en abstienne. »

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