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1687-1689

Æt. 66-68

La Fontaine

se déclare en faveur des An

ciens.

Épître à M. Huet, 5 février 1687

Et se contenter du respect 39

De la gent qui porte férule.

D'un savant traducteur on a beau faire choix,
C'est les traduire en ridicule,

Que de les traduire en françois.

La Fontaine fut le premier qui se déclara publiquement en faveur des anciens; non seulement il fit à ce sujet un aveu, dont Dacier 4o se prévalut depuis dans ses préfaces, mais, dix jours après la célèbre séance académique, il publia, sur une feuille séparée, une épître en vers, adressée à son ami et son confrère le savant Huet, alors évêque de Soissons, auquel il avoit donné un Quintilien de la traduction d'Oratio Toscanella. Dans cette épitre qui se ressent de la précipitation, avec laquelle l'auteur l'a composée, non seulement La Fontaine défend les anciens, mais il expose sa propre doctrine et ses goûts particuliers en matière de littérature 4.

Art et guides, tout est dans les Champs-Elysées :
J'ai beau les évoquer, j'ai beau vanter leurs traits,
On me laisse tout seul admirer leurs attraits.

Térence est dans mes mains, je m'instruis dans Horace;
Homère et son rival sont mes dieux du Parnasse.
Je le dis aux rochers: on veut d'autres discours;
Ne
pas louer son siècle est parler à des sourds.
Je le loue; et je sais qu'il n'est pas sans mérite;

Mais près de ces grands noms notre gloire est petite.

La Fontaine, en parlant de son admiration pour Malherbe, avoue qu'il fut près de se laisser égarer par le goût des antithèses et des concetti, dont cet auteur est plein.

Je pris certain auteur autrefois pour mon maître;
Il pensa me gâter : à la fin, grâce aux cieux,
Horace, par bonheur, me dessilla les yeux.

Il ne peut s'empêcher de témoigner encore ici son admiration pour Platon.

Quand notre siècle auroit ses savants et ses sages,

En trouverai-je un seul approchant de Platon?

Il ne veut pas cependant que l'on soit exclusif,
et il recommande la lecture des modernes, tant des
nationaux
que des étrangers.

Je chéris l'Arioste, et j'estime le Tasse;
Plein de Machiavel, entêté de Bocace,
J'en parle si souvent qu'on en est étourdi.

J'en lis qui sont du Nord, et qui sont du Midi.

Enfin, tout en admirant les anciens, il recommande de ne pas les imiter servilement.

Quelques imitateurs, sot bétail, je l'avoue,
Suivent en vrais moutons le pasteur de Mantoue.
J'en use d'autre sorte; et, me laissant guider,
Souvent à marcher seul j’ose me hasarder.
On me verra toujours pratiquer cet usage.
Mon imitation n'est point un esclavage :
Je ne prends que l'idée, et les tours et les lois
Que nos maîtres suivoient eux-mêmes autrefois.
Si d'ailleurs quelque endroit chez eux plein d'excellence
Peut entrer dans mes vers sans nulle violence,
Je l'y transporte, et veux qu'il n'ait rien d'affecté,
Tâchant de rendre mien cet air d'antiquité.

1687-1689

Et. 66-68

de Bonre

L'épître à M. de Bonrepaux, ambassadeur en Epitre à M Angleterre, qui fut imprimée avec la précédente, est

paus, 5 fé

vrier 1687.

de l'édit de

un éloge du roi, fait à propos de sa convalescence. La Fontaine loue le monarque de la révocation de Révocation l'édit de Nantes. Cette mesure cruelle et désastreuse Nantes. obscurcit les dernières années d'un règne, dont les commencements avoient été si brillants: cependant ceux mêmes qui se sont le plus élevés contre Louis XIV, avouent qu'il fut alors abusé par l'impi

1687-1689 toyable Louvois, qui lui cacha le véritable état des 1.66-68 choses. Lorsque l'autorité a l'imprudence de dé

chaîner les unes contre les autres des factions, ou des croyances contraires, elle s'environne aussitôt de ténèbres, ou ne discerne plus les objets, qu'à la lueur des flambeaux du fanatisme, qui, comme les torches des furies, n'éclairent que des fantômes. La Bruyère La Bruyère et Fontenelle même y furent trompés, ont comme et applaudirent au projet glorieux de réunir tous les Français par une même et seule religion. La Fontaine suivit donc en cela le torrent de l'opinion commune, et disoit du roi :

et Fontenelle

La Fontaine,

applaudi à

cette mesure.

Il veut vaincre l'erreur; cet ouvrage s'avance :

Il est fait; et le fruit de ces succès divers

Est

que la vérité règne en toute la France,

Et la France en tout l'univers.

Non content que sous lui la valeur se signale,
Il met la piété sur le trône à son tour.

La Fontaine La manière dont cette épitre se termine prouve

sollicite pour

ses vers les

bienfaits du que La Fontaine eût désiré que les bienfaits du moroi. narque vinssent remédier au mauvais état de sa

fortune.

Il faut plus de loisir pour louer ce héros :
Une Muse modeste et sage

Ne touche qu'en tremblant à des sujets si hauts.
Je me tais donc, et rentre au fond de mes retraites:
J'y trouve des douceurs secrètes.

La Fortune, il est vrai, m'oubliera dans ces lieux ;

Ce n'est point pour mes vers que ses faveurs sont faites;
Il ne m'appartient pas d'importuner les dieux....

Et, après ces mots, viennent deux lignes de points
qui terminent cette épître, dans la première édition
La Fontaine fit imprimer. Pour un homme aussi

que

me

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dame de Main

éloigner Fontaine

pour

La

de

réservé que lui, c'étoit s'expliquer suffisamment. 1687-1689 On feignit de ne point le comprendre, ou plutôt, t. 66-68 on ne fit pas d'attention à son épître. Mme de Mainte- Motifs de Manon, d'ailleurs, avoit un puissant motif pour écarter non La Fontaine de la cour; il avoit autrefois vécu dans la cour. son intimité. MTM Fouquet emmenoit souvent à SaintMandé et à Vaux la femme de Scarron; à cette époque, notre poëte eut occasion de la voir fréquemment : elle étoit brillante de jeunesse et de beauté, mais dans une situation pénible, et qui l'eût été encore davantage, si le généreux Fouquet n'avoit pas fait une pension à son mari. Le souvenir de ces temps, et de tous ceux qui l'avoient connue alors, ne pouvoit être agréable à Mme de Maintenon 43. Ce fut après la publication de l'épître à M. de Madame la Bonrepaux que La Fontaine, excité par le mauvais Bouillon veut état de sa fortune, et par l'ennui de ne plus voir que Angleterre. rarement Mme de La Sablière, qui restoit presque toujours aux Incurables, conçut le projet de passer en Angleterre, où on lui offroit un asile. Mme la duchesse de Bouillon fut sur le point de l'emmener avec elle à Londres, où elle alla voir, en 1687, Mme la duchesse de Mazarin, sa soeur 4. Mais La Fontaine sut résister à ses séduisantes instances; et il fut retenu dans sa patrie, non seulement par son attachement pour elle, mais encore par divers motifs. Les princes de Conti et de Vendôme, et le duc de Bourgogne, encore enfant, mais que guidoit le vertueux Fénélon,

duchesse de

emmener Fontaine

La

en

Les princes Vendôme, et Bourgogne,

de Conti et de

le duc de

aux besoins

taine.

surent par leurs largesses subvenir aux besoins de de La Fonnotre poëte: ils ne purent remédier au peu d'ordre

1687-1689 de ses affaires, parce que cela ne dépendoit pas Et. 66-68 d'eux, et que La Fontaine étoit un de ces hommes

qu'il est impossible d'enrichir: mais, sans être riche, il ne manqua jamais d'argent, meme pour satisfaire ses fantaisies. Au défaut de la munificence des princes, il avoit des amis qui pourvoyoient attentivement à ce qui lui étoit nécessaire : il trouva enfin dans Mr et Mme d'Hervart tout ce que le changement de vie de Mme de La Sablière lui avoit fait perdre de douceur et d'agréments.

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M. d'Hervart, conseiller au parlement de Paris, et maître des requêtes, ami intime de La Fontaine, avoit hérité d'une partie de l'immense fortune de Barthélemy d'Hervart, son père 45. Il épousa, en 1686, une des plus belles personnes, dit Marais, Amitié et que l'on ait jamais vue 46. Cette jeune beauté, non chants de M.et seulement partagea l'amitié que son mari avoit pour Fontaine. notre poëte, mais elle eut pour lui ces attentions

soins tou

Mad. d'Her

vart pour La

aimables, ces soins touchants, qui, dans les femmes, nous enchantent à tout âge, parce qu'ils semblent, en quelque sorte, le témoignage d'un sentiment plus vif, plus affectueux que l'amitié mème. Mme d'Hervart devint pour La Fontaine une seconde Mme de La Sablière. Toute jeune qu'elle étoit, elle donnoit à notre vieux poëte d'utiles conseils, qu'il ne suivoit guère. Mais il faut avouer aussi que la société qu'elle recevoit chez elle étoit peu propre à inspirer La société de à La Fontaine des pensées sérieuses et conformes à son âge. Ce Vergier, qui abandonna la soutane pour l'uniforme de la marine, qui composoit de si jolies

Mad. d'Her

vart,

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