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1684-1637 comme rien ne déterminoit les limites de la compéEt. 63-66 tence académique, on redoutoit les empiétements

fondées.

d'une compagnie constituée légalement. Aussi, le parlement n'enregistra les priviléges accordés à l'Académie, qu'avec cette clause : « A la charge que ceux de ladite assemblée et Académie ne connoitront que de l'ornement, embellissement, et augmentation de la langue française, et des livres qui seront par eux faits, et par autres personnes qui le désireront et voudront”. La suite démontra que la prévoyance du parlement n'étoit pas inutile, ni ses craintes toutElles étoient à-fait vaines. L'Académie, d'après ses statuts, devoit s'occuper à composer une rhétorique, une poétique, et un dictionnaire de la langue française; mais, sous prétexte qu'elle craignoit l'infidélité des copistes employés à transcrire ses cahiers, elle obtint, le 28 juin 1674, un privilége, signé en commandement, par lequel défenses étoient faites de publier un dictionnaire français, avant que le Torts de l'A- sien fût au jour 28. L'Académie s'attribuoit ainsi un monopole, contraire aux termes de la loi, qui l'avoit créée, et qui lui interdisoit toute juridiction sur les livres composés par des auteurs qui n'avoient point été admis dans son sein, à moins qu'ils n'eussent désiré ou voulu s'y soumettre. Ce nouveau privilége n'étoit pas moins nuisible aux lettres, qu'attentatoire aux droits de ceux qui les cultivoient. Toutefois, l'on conviendra qu'il devoit au moins être respecté par tous les membres de l'Académie. Cependant Furetière, qui en faisoit partie depuis

cadémie.

querelle de

l'Académie.

plus de vingt ans, obtint de son côté, et sans l'aveu 1684-1687 de ses confrères, le 24 août 1684, un privilége du Æt. 63-66 grand sceau, pour l'impression d'un dictionnaire Causes de la universel, dans lequel, suivant le titre qu'il avoit retiereave montré à l'approbateur, on ne devoit trouver que les termes d'arts et de science, mais qui, d'après le titre, inséré dans le privilége, devoit renfermer tous les mots français, tant vieux que modernes. Lorsqu'on apprit que le dictionnaire universel s'imprimoit, il y eut un soulèvement général de toute l'Académie contre l'auteur de cet ouvrage. Elle l'accusoit non seulement de violer les priviléges du corps, mais d'en avoir pillé le travail pour enrichir le sien. On convoqua une assemblée extraordinaire où Furetière fut interrogé. Ces procédés violents l'aigrirent contre ses confrères, et l'Académie permit que Racine, La Fontaine et Boileau, qui étoient particulièrement liés avec lui, allassent le trouver pour le disposer à la soumission, et à une réconciliation. Tout fut inutile. M. de Novion, premier président au parlement, qui étoit alors directeur de l'Académie, et qui prenoit un vif intérêt à Furetière, lui déclara qu'il ne pouvoit, ni comme juge, ni comme académicien, ni comme ami, se dispenser de le condamner. Alors Furetière ne garda plus de mesure, et publia des factums et des libelles en vers et en prose, où plusieurs membres de l'Académie, et notamment La Fontaine, étoient maltraités.

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L'Académie, dans sa séance du 22 janvier 1685, en vertu d'un des articles de ses statuts, qui l'autori

1684-1687 soit, etmême qui l'obligeoit à destituer un académicien Æt. 63-66 qui auroit fait quelque action indigne d'un homme L'Académie d'honneur, exclut Furetière de son sein. Le roi, dont sein Fureti- l'approbation étoit nécessaire, se fit rendre compte

exclut de son

re,

le 22 jan

vier 1685.

de cette affaire; et, comme on avoit mêlé la demande de l'expulsion avec celle de la réforme du privilége, le roi se contenta de répondre que l'affaire devoit suivre le cours ordinaire de la justice. L'Académie plaida donc contre Furetière, et, s'étant pourvue au conseil, elle fit supprimer, par arrêt contradictoire, rendu le 9 mars 1685, le privilége qu'il Furetière avoit obtenu. Furetière continua d'écrire, pour diffabelles contre mer ses confrères, des libelles qui furent supprimés par sentence de police "9. C'est ainsi qu'il perdit les trois dernières années de sa vie, et il n'eut pas même ment la satisfaction de voir paroître son dictionnaire, qui son diction ne fut publié, en Hollande, que deux ans après sa naire. mort, arrivée le 12 mai 1688.

écrit des li

et

avant d'avoir

vu paroître

Prétendue distraction de

à l'exclusion

On a dit que La Fontaine, à la séance qui eut lieu La Fontaine, pour l'exclusion de Furetière, avoit mis, par distracde Furetière. tion, une boule noire au lieu d'une boule blanche, et que, de là, venoit la colère de ce dernier contre lui. C'est un conte 3o, 30 inventé des hommes peu instruits des détails de cette affaire. La Fontaine

par

La Fontaine, étoit bon confrère; il crut, quoique lié avec Fure

comme mem

bredu bureau tière, qu'il étoit de son devoir de le condamner,

soutenoit les

droits de l'A

tre Furetière.

cadémie con- pour soutenir les droits du corps auquel il appartenoit ; d'autant plus, qu'alors il étoit, en quelque sorte, chargé de le représenter. L'intitulé des plaidoiries de Furetière porte contre MM. Régnier-Desmarais,

Charpentier, Tallemant, Boyer, et Jean de La 1684-1687 Fontaine, de l'Académie française, qui en tiennent Æl. 63-66 ordinairement le bureau, intimés en leurs propres

et privés noms.

pendant pen

querelles.

Cependant, La Fontaine mettoit réellement peu Ilmettoit ced'intérêt à toutes ces disputes, et probablement au d'interêt à ces dictionnaire même. Pavillon, dans une lettre à Furetière, commence de la manière suivante la description d'une des séances de l'Académie :

Troublé d'une fureur divine,
Je vois les Muses, Apollon,
Accompagnés de Mnemosyne,
Se présenter dans ce salon.
Le grec Charpentier y préside,
Le tendre Quinault y réside;
La Fontaine n'y peut parler,
Il dort; et, prêt à s'en aller,
Le chevalier de l'équivoque

Le regarde, et s'en moque.

Par le chevalier de l'équivoque, Pavillon désigne Benserade, qui dissertoit beaucoup dans l'Académie sur les divers sens des mots 31.

31

Dans ses libelles, Furetière cherche à indisposer l'autorité contre La Fontaine, relativement à la publication de ses contes : il le plaisante sur ses distractions, et il lui attribue le trait singulier de M. le comte de Brancas, qui alla pour faire visite à une personne de sa connoissance, à l'enterrement de laquelle il avoit assisté quelques jours avant. Les auteurs des notices sur la vie de notre poëte n'ont pas manqué de lui appliquer cette anecdote, ne connoissant pas la main ennemie qui la lui avoit fausse

Lâches caretière contre

lomnies de Fu

La Fontaine.

684-1687 ment attribuée 32. Enfin, Furetière s'étend beaucoup Æt. 63-66 sur l'ignorance de La Fontaine, qui, dit-il, après

contre Fure

tière.

avoir été plus de vingt ans maître des eaux et forêts, ne sait pas distinguer le bois de grume d'avec le bois de marmenteau. La Fontaine, impatienté de ce reproche, laissa échapper de sa plume une Epigramme épigramme contre Furetière 33. Ce fut ce dernier qui fit imprimer l'épigramme, avec une réponse en prose, et en prétendant que cette épigramme même prouvoit l'exactitude du reproche qu'il lui avoit adressé. Furetière ajoute à cela deux épigrammes et un bout-rimé qui sont encore de plus mauvais goût que celle dont il a voulu se venger. La Fontaine, répliqua encore au bout-rimé par un sonnet qu'il avoit sagement condamné à l'oubli 34.

Sonnet con

tre le même.

Effets de

ces calomnies dans le pu

blic.

ine

Rien ne révolta plus dans les plaidoyers de Furetière que les grossières injures qui s'y trouvoient contre La Fontaine. Bussy-Rabutin, ami de Furetière, lui écrivit pour lui témoigner combien il les désapprouvoit: M de Sévigné surtout en fut indignée; elle ne pouvoit concevoir comment Furetière, dans ses vilains factums, dans ses noires satires, comme elle les appeloit, pouvoit déprécier les écrits de La Fontaine. Ceux qui ne les admirent pas, elle les qualifie d'esprits durs et farouches; elle dit que nulle puissance humaine n'est capable de les éclairer, et qu'elle leur ferme sa porte à jamais 35. Mais les critiques de Furetière contre La Fontaine étoient l'expression de sa haine, et non celle de son jugement.

On voit en effet dans la préface d'un recueil de fables,

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