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1684-1687 sieurs lettres de divers personnages, dans lesquelles At. 63-66 on trouva des critiques amères sur le gouvernement, des railleries sur la religion, et des détails sur un genre de débauche trop commun alors, et que le roi avoit dans une juste horreur. Le cardinal de Bouillon fut disgracié, par suite de cette affaire; l'un des fils du duc de La Rochefoucauld fut exilé, un autre renfermé : le fils du maréchal de Villeroi, dont les lettres étoient pleines de sarcasmes impies, fut simplement exilé. « Il est bien moins coupable les autres, disoit malignement son père; il ne s'en est pris qu'à Dieu, et non au roi. »

prince de

que

Le second Comme c'étoit le prince de La Roche-sur-Yon Conti se reti- qui étoit regardé comme le chef de toute cette jeunesse Fontaine lui frondeuse, et que plusieurs des lettres saisies lui

re à l'Isle

Adam où La

écrit.

Epitre au prince de Conti, 1685.

étoient adressées, ce fut surtout sur lui que tomba la colère du roi. Quand ce prince fut de retour, Louis XIV ne voulut ni le voir ni lire un mémoire justificatif qu'il lui fit remettre. Alors il se retira dans son château de l'Isle-Adam, et il n'en sortit que pendant quelques jours pour aller soigner son frère, dont la mort lui causa un vif chagrin. Le prince de La Roche-sur-Yon, devenu par cette mort prince de Conti, retourna dans sa retraite de l'Isle-Adam. C'est dans ce lieu, situé sur les bords de l'Oise, que La Fontaine lui écrivit une épître pour le consoler 10.

Pleurez-vous aux lieux où vous êtes?

La douleur vous suit-elle au fond de vos retraites?

Le dieu de l'Oise est sur ses bords

Qui prend part à votre souffrance;

Il voudroit les orner par de nouveaux trésors,

Pour honorer votre présence.

Rien ne rit sous les cieux

Depuis le moment odieux

Qui vous ravit un frère aimé d'amour extrême.
Ge moment, pour en parler mieux,

Vous ravit dès lors à vous-même.

L'épître est d'un style facile, et, dans certains passages, d'une poésie assez remarquable; il se passa plus d'un an avant que le roi voulût pardonner au prince de Conti; et il ne le fit qu'à la prière du grand Condé qui, en mourant, demanda au monarque la grâce de son neveu.

1684-1687

Et. 63-66

Lettre en prose et en

mon de Troyes.

La lettre en vers et en prose que La Fontaine adressa, cette même année, à un M. Simon de vers à M. SiTroyes, est un modèle de grâce et de facilité. Notre fabuliste y fait la description d'un repas où il s'est trouvé avec le sculpteur Girardon, et où l'on mangea un pâté qu'avoit donné M. Simon". Cette lettre courut en manuscrit, et le père Bouhours l'imprima dans son recueil de Vers choisis. Elle est intéressante pour la connoissance des mœurs du temps et des faits auxquels elle fait allusion". Mais, pour bien comprendre le récit de cette conversation de table, il faut connoître tout ce qui occupoit principalement le public d'alors.

occupoit

le

De ce qui public à l'é

poque de cette lettre.

Charles II, roi d'Angleterre, venoit de mourir. Jacques II, qui lui succédoit, étoit suspect aux Anglais, à cause de son attachement à la religion catholique ; Guillaume, prince d'Orange, son gendre, Jacques II conçut le hardi projet de détrôner son beau-père,

monte sur le trône d'Angleterre.

de Guillaume

range.

1684-1687 et d'abaisser le roi de France. Il commença donc Æt. 63-66 à coaliser de nouveau les puissances de l'Europe Projets contre Louis XIV; et, déjà l'empereur, une partie prince d'o- de l'empire, la Hollande, le duc de Lorraine, s'étoient secrètement unis entre eux à Augsbourg; mais le mystère de cette coalition, dans laquelle entrèrent l'année suivante 13 l'Espagne et la Savoie, étoit déjà révélé : l'épitre de La Fontaine le prouve.

Ligue

d'Augsbourg.

La Feuillade.

Votre Phidias et le mien

Et celui de toute la terre,

13

Girardon, notre ami, l'honneur du nom troyen,
M'oblige à vous mander, non la paix ou la guerre,
Dont sur ma foi je ne sais rien;

Non la ligue d'Augsbourg, que je sais moins encore;
Non dans un bel écrit plein de moralité
Des sottises du temps le nombre que j'ignore ;

(Et sauroit-il être compté?)

Mais la défaite d'un pâté.

L'eau du sacré vallon

Auroit profané même un vin tel que le nôtre :
Pur et sans mélange on le but.

Votre pâté, dès qu'il parut,
Ramena la santé et fit naître l'envie

De boire à Chloris, à Sylvie,

A ce qu'on aime enfin : bonne et louable loi.
De la maîtresse on vint au roi.

Du duc de Alors, le duc de La Feuillade, que son héroïsme guerrier et chevaleresque avoit porté, dans les intervalles de paix, à faire la guerre aux Turcs en Hongrie, à transporter trois cents gentilshommes 11. secourt à ses frais pour secourir Candie, voulut ériger un monument à Louis XIV, auquel il avoit voué une sorte de culte : il acheta l'hôtel de Senneterre, un des plus magnifiques de Paris; il le fit abattre, ainsi que l'hôtel d'Emery et plusieurs autres maisons,

Candie,

truire la place

et élève au

milieu un monument à

Louis XIV.

la place Ven

dome.

dont il forma la place des Victoires, au milieu 1684-1687 de laquelle on éleva ce superbe monument que t. 63-66 nous avons vu détruire de nos jours. Les façades Fait consde cette place furent exécutées sur les dessins de des Victoires, Mansard, et la statue en marbre blanc étoit l'ouvrage du sculpteur Desjardin, qui avoit aussi représenté la Victoire, plaçant une couronne de laurier sur la tète du monarque, et quatre esclaves enchaînés à ses pieds dans des proportions énormes. Mais, à la même époque, le roi venoit d'acheter l'hôtel On forme de Vendôme, bâti par Henri IV, pour son fils, et on projetoit de le faire abattre pour y former une place, au milieu de laquelle on vouloit mettre la statue équestre en bronze de Louis XIV, qu'exé- On comcutoit le sculpteur Girardon. Cette place, eût désiré appeler du nom de Louis-le-Grand, mais qui a toujours conservéce lui de Vendôme, ne fut achevée que deux ans après, et ce ne fut même qu'en 1699, treize ans après la date de l'épître de La Fontaine, qu'on put y placer la statue faite par Girardon 14. Mais nous apprenons, par cette épître même, qu'on parloit déjà beaucoup alors de cette statue ; et il est bien naturel qu'il en fût question dans un repas, où se trouvoit le sculpteur qui l'exécutoit.

De la maitresse on vint au roi,

Du roi l'on vint à la statue;

De la statue on prit sujet

D'examiner la place, et cet autre projet
Où l'image du prince est encore attendue.
Il faut du temps: le temps a part

A tous les chefs-d'œuvre de l'art.

La reine des cités, daris sa vaste étendue,
N'aura rien qui ne cède à ce double ornement.

qu'on

mence la statue équestre en bronze de Louis XIV.

1684-1687

Et. 63-66

L'équestre en est encore à son commencement,
La pédestre, à la fin, le monarque l'a vue.
Desjardin, il faut l'avouer,

Mérite par cette œuvre une éternelle gloire.
Nous en louâmes tout, car tout est à louer,
Et le vainqueur, et la Victoire,

Et les captifs....

Jugement de Après un éloge du duc de La Feuillade et du roi,

La Fontaine

sur Bayle et La Fontaine raconte ce qui s'est dit dans le repas

sur Leclerc.

Naïveté de

La Fontaine

sur

ruch.

le pro

sur les journaux de Hollande, et surtout sur Bayle
et son continuateur Leclerc.

Leclerc pour la satire a bien moins d'habitude;
Il paroit circonspect, mais attendons la fin.
Tout faiseur de journaux doit tribut au malin.

Ce dernier vers est devenu proverbe. Les convives
quittèrent le repas pour aller au sermon; et ce qui
est digne de remarque dans La Fontaine, c'est
qu'il écouta ce sermon fort attentivement, et qu'il
en parle d'une manière convenable. « J'y trouvai,
dit-il, de la piété, de l'éloquence, des expres-
»sions, et un bon tour en beaucoup d'endroits,
>> tout-à-fait selon mon goût. »

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Une anecdote, rapportée par Racine le fils, phète Ba- prouve que La Fontaine aimoit la lecture des livres saints. Le grand Racine le mena un jour à Ténèbres; et, s'apercevant que l'office lui paroissoit long, il lui donna pour l'occuper un volume de la Bible, qui contenoit les Petits Prophètes. La Fontaine tomba sur la prière des Juifs, dans Baruch, et ne pouvant se lasser de l'admirer, il disoit à Racine: « C'étoit un beau génie que Baruch : qui étoit-il? » Le lendemain et les jours suivants, lorsqu'il rencontroit

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