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1684-1687

Et. 63-66

Philémon et Baucis, dédié

au

duc

Vendôme.

le duc de Ven

dôme, et sur

son frère ;

Ne verrai-je jamais rien de toi, ni la place
De ces murs élevés et détruits par les dieux;
Ni ces champs où couroient la fureur et l'audace,
Ni des temps fabuleux enfin la moindre trace
Qui pût me présenter l'image de ces lieux 67?

C'est au duc de Vendôme que La Fontaine a

de adressé le poëme de Philémon et Baucis, tiré des Détails sur Métamorphoses d'Ovide. Le duc de Vendôme, petitfils d'un des enfants légitimés d'Henri IV, obtint les honneurs de prince du sang, par sa valeur et ses services 68: il étoit adoré du soldat; mais, s'il avoit toutes les vertus, il avoit aussi tous les vices que l'on contracte dans les camps 69: son frère, le grand - prieur de Malte, lui ressembloit par ses qualités et ses défauts. Ils aimoient les lettres et ceux qui les cultivoient. L'abbé de Chaulieu étoit leur homme d'affaires, et le compagnon de leurs plaisirs. La Fare fut leur ami. Campistron, Quinault, La Fontaine, et, quelques années après, J.-B. Rousseau, Palaprat et Voltaire furent en chat sur son quelque sorte attachés à leur cour. Dans son beau château d'Anet, bâti par Henri II pour Diane de Poitiers 7o, le duc de Vendôme donnoit des fêtes splendides, et faisoit jouer la comédie et l'opéra. Il s'occupoit aussi alors à orner ces lieux célèbres par de belles plantations. C'est à cela que La Fontaine fait allusion à la fin de Philémon et Baucis.

et

château d'A

net.

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Quel mérite enfin ne vous fait estimer,
Sans parler de celui qui force à vous aimer?

Vous joignez à ces dons l'amour des beaux ouvrages;

Vous y joignez un goût plus sûr que nos suffrages.

Peu de gens élevés, peu d'autres encor même
Font voir par ces faveurs que Jupiter les aime;
Si quelque enfant des dieux les possède, c'est vous;
Je l'ose dans ces vers soutenir devant tous :

Clio sur son giron, à l'exemple d'Homère,
Vient de les retoucher, attentive à vous plaire.
On dit qu'elle et ses sœurs, par l'ordre d'Apollon,
Transportent dans Anet tout le sacré vallon;

Je le crois. Puissions-nous chanter sous les ombrages
Des arbres dont ce lieu va border les rivages 71!

1684-1687 At. 63-66

chants de La

Mais il est un passage dans Philémon et Baucis, Regrets tou que nous devons surtout faire remarquer à nos lec- Fontaine, teurs, parce que La Fontaine y a laissé échapper un des secrets de son cœur ; il y a rendu, comme il le dit lui-même quelque part, son âme visible. On y découvre que ce n'étoit pas sans repentir et sans regrets qu'il se livroit à l'inconstance de ses goûts, et que nul homme peut-être n'eût plus que lui, si le sort l'avoit voulu, savouré les délices d'un hymen bien assorti. Ce passage est celui qui suit la métamorphose de Philémon et Baucis en arbres.

Même instant, même sort à leur fin les entraîne ;
Baucis devient tilleul, Philémon devient chêne.
On les va voir encore, afin de mériter

Les douceurs qu'en hymen Amour leur fit goûter.
Ils courbent sous le poids des offrandes sans nombre.
Pour peu que des époux séjournent sous leur ombre,
Ils s'aiment jusqu'au bout, malgré l'effort des ans.
Ah! si... mais autre part j'ai porté mes présents 72.

Oui, La Fontaine! nous le répéterons après toi; ah! si le ciel t'avoit donné une compagne, qui t'eût fait connoître les tranquilles jouissances de la vie domestique, ton imagination n'eût été ni moins gaie, ni moins vive, ni moins spirituelle; mais elle

exprimés dans un passage de Philémon et Baucis.

Réflexions à ce sujet.

1684-1687 eût été mieux réglée et plus pure: tes fables seroient t. 65-66 toujours l'objet de notre admiration et de nos louanges; mais, dans tes autres écrits, la peinture des plus doux sentiments du cœur, dont tu connois si bien le langage, qui a fait des chefs-d'oeuvre irréprochables du petit nombre de contes où tu l'as employée, auroient remplacé ces tableaux licencieux, où tu as outragé les mœurs, et quelquefois le dieu du goût. Alors, ô La Fontaine! les Satyres n'eussent point mêlé de fleurs pernicieuses avec les fleurs si douces et si brillantes, dont les Muses et les Grâces ont tressé ta couronne : et ces Vierges du Parnasse ne te reprocheroient point, en rougissant, de les avoir si souvent forcées à se séparer de la pudeur, qui doit toujours être leur inséparable compagne alors il ne nous faudroit plus soustraire, comme un poison corrupteur, aux regards des jeunes gens et des enfants, aucune des pages du poëte de l'enfance et de la jeunesse !

Daphnis et Alcimadure

à Madame de

L'idylle, imitée de Théocrite, est dédiée à Mme de idylle dédiée La Mésangère, à laquelle La Fontaine demande la La Mésange- permission de partager entre elle et sa mère un peu « de cet encens qu'on recueille au Parnasse,

re.

» et qu'il a, dit-il, le secret de rendre exquis et

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doux. » Autre preuve que le bon honime savoit fort bien s'apprécier. Au reste nous ne savons rien, ni de Mme de La Mésangère, ni de sa mère 73. Il n'en est pas de même de Mme Harvay, à lanard anglais, quelle il a dédié la fable du Renard anglais, une

Fable intitulée le Re

:

dédiée à Ma

dame Harvay de celles que renferme ce recueil. Mme Harvay étoit

la sœur de milord Montaigu, ambassadeur d'An- 1684-1687 gleterre en France, et veuve de M. le chevalier Æt. 63-66 Harvay, mort à Constantinople, où il avoit été en

ne avoit de

rateurs

en

tirer dans ce

voyé par Charles II. Elle vint à Paris en 1683, et La Fontaine fit connoissance avec elle chez son frère. La FontaiNotre poëte jouissoit en Angleterre d'une grande grands admiréputation. Saint-Evremond et la duchesse de Ma- Angleterre. zarin, tous deux retirés à Londres, étoient ses grands admirateurs, et n'avoient pas peu contribué à faire connoître tout son mérite : ils avoient formé avec On veut l'atle duc de Devonshire, milord Godolphin, et mi- pays. lord Montaigu, une sorte de ligue pour l'attirer à Londres 74. Mme Harvay qui avoit beaucoup d'esprit et d'adresse, et qui étoit habituée à conduire de plus grandes intrigues, puisqu'elle eut part aux divers changements de ministère qui arrivèrent sous Charles II, s'étoit en quelque sorte chargée d'être la négociatrice du parti qui vouloit enlever La Fontaine à la France. Bernier 75 se trouvoit à Londres, en 1685, et l'on comptoit sur l'amitié que La Fontaine avoit pour lui, pour le faire céder plus facilement. Ceci explique les prévenances de l'ambassadeur anglais et de Mme Harvay envers La Fontaine, et les louanges peu françaises que dans la fable que nous avons citée, la reconnoissance arrache au poëte en faveur d'une nation, dont les hommes les plus illustres et les plus distingués, lui montroient tant de bienveillance. Les éloges qu'il donne à Mme Harvay sont assortis au rôle important que cette dame avoit joué.

L'ambassaerre et ma

deur d'Angle

dame Harvay lui font des

avances.

1684-1687

Et. 63-66

La Fontaine

loue madame Harvay,

et la duchesse de Ma

zarin.

Le bon cœur est chez vous compagnon du bon sens,
Avec cent qualités trop longues à déduire ;
Une noblesse d'âme, un talent pour conduire
Et les affaires et les gens,

Une humeur franche et libre, et le don d'être amie,
Malgré Jupiter même et les temps orageux.

A la fin de cette fable (qui n'est pas une de ses meilleures), La Fontaine prie Mme Harvay d'agréer les dons de sa Muse, et il ajoute :

Ne pourriez-vous faire

Que le même hommage pût plaire
A celle qui remplit vos climats d'habitants
Tirés de l'ile de Cythère?

Vous voyez que par là j'entends
Mazarin, des amours déesse tutélaire.

Hortense Mancini, duchesse de Mazarin, avoit été en effet la plus belle femme de son temps, et La Fare, qui en porte ce jugement, ajoute qu'elle a conservé sa beauté jusqu'à son dernier jour 76. Le cardinal de Mazarin, en l'accordant en mariage au duc de La Meilleraye, lui avoit donné pour dot tous ses grands biens, qui se montoient à des Détails sur sommes immenses". Ce mariage ne fut point heude Mazarin, reux; les galanteries de la femme 78 d'une part, les

la

duchesse

extravagances du mari de l'autre, amenèrent une séparation et des procès. La duchesse de Mazarin sortit de France, et se retira d'abord en Italie pour se soustraire au pouvoir de son mari; l'amitié qu'elle avoit contractée pour Mme Harvay ne contribua pas peu à la fixer en Angleterre : elle y trouva Saintet sur Saint- Evremond qui devint son ami, son amant, son admirateur, son poëte, son conseiller, son homme d'affaires, et celui qui gouvernoit sa petite cour: il

Evremond.

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