Imatges de pàgina
PDF
EPUB

le

He

es

ssi

de

et

et

-es

je

que

po

T'un

-im

les,

qui font de La Fontaine l'homme le plus singulier 1654-1658 peut-être et le plus original qui ait paru.

Et. 33-37

Vaux.

Ce fut en 1653 que Fouquet commença les tra- Le Songe de vaux de Vaux-le-Vicomte, situé à dix lieues de Paris, près Melun et sur les bords de la Seine. L'architecte Le Vau, que Boileau prétend être le véritable auteur de la célèbre colonnade du Louvre 30 construisit le palais; Le Nostre dessina les jardins; Le Brun et les meilleurs artistes du temps exécutèrent les peintures. Bientôt Vaux surpassa en splendeur Compiègne, Fontainebleau, et les autres palais royaux qui existoient alors. Fouquet y dépensa dix-huit millions, qui en valoient près de trente-six de notre monnoie actuelle. Toutes ces merveilles enchantèrent La Fontaine, et, autant pour céder à sa propre impulsion que par le désir de louer le goût et la magnificence de son protecteur, il entreprit de célébrer ces beaux lieux dans un ouvrage mêlé de prose et de vers, qu'il intitula le Songe de Vaux. Il avoue que cet ouvrage l'a occupé pendant près de trois ans 3, sans doute bien agréablement puisqu'il jouissoit en mêmetemps des lieux qu'il décrivoit; mais il ne l'a jamais terminé, et n'en a publié que des fragments. Le Père Bouhours, dont les décisions étoient alors une autorité en littérature, dit que ces fragments brillent d'esprit depuis le commencement jusqu'à la fin. Il 'est vrai; mais c'est de celui de Voiture et de Sarrasin, pour lequel on avoit une admiration beaucoup trop grande, et qu'on a trop rabaissé depuis. La

1654-1658 Fontaine feint, dans le Songe de Vaux, que les 1. 33-37 quatre arts qui avoient contribué à l'embellissement et à la célébrité de ces lieux enchantés, l'architecture, la peinture, le jardinage et la poésie se disputent la préséance. Ces arts sont représentés par quatre fées, Palatiane, Appellanire, Hortesie et Calliopée, qui plaident successivement leur cause en présence d'Oronte ou de Fouquet, et de force demi-dieux, pour nous servir des termes mêmes de l'auteur. On sent combien cette allégorie est froide ; l'exécution s'en est ressentie. On voit que La Fontaine, dans ce premier essai, cherchoit encore son talent; et il faut avouer qu'il le trouve quelquefois, comme dans la peinture de l'oisiveté, et dans l'invocation au Sommeil, que nous citerons, parce qu'il y saisit l'occasion, qu'il n'a jamais laissé échapper depuis, d'apprendre à ses lecteurs combien il aimoit à dormir :

Toi que chacun réclame,

Sommeil, je ne viens pas t'implorer dans ma flamme;
Conte à d'autres que moi ces mensonges charmants
Dont tu flattes les vœux des crédules amants;

Les merveilles de Vaux me tiendront lieu d'Aminte.
Fais que par ces démons leur beauté me soit peinte.
Tu sais que j'ai toujours honoré tes autels;

Je t'offre plus d'encens que pas un des mortels;

Doux Sommeil, rends-toi donc à ma juste prière 32.

les

Aucun poëte, soit ancien, soit moderne, n'a mieux que La Fontaine loué les femmes, les délices de la vie champêtre, les charmes de la solitude, douceurs du sommeil et de la paresse. Quand ces sujets se présentent sous sa plume, il est toujours

[blocks in formation]

heureusement inspiré. Dans le cinquième fragment 1654-1658
de ce Songe de Vaux, la peinture qu'il fait de la nuit . 33-37
rappelle la grâce de l'Albane et du Corrège.

Voyez l'autre plafond où la nuit est tracée :
Cette divinité, digne de vos autels,

Et qui, même en dormant, fait du bien aux mortels,
Par de calmes vapeurs mollement soutenue,

La tête sur son bras, et son bras sur la nue,
Laisse tomber des fleurs, et ne les répand pas 33.

Puis il ajoute :

Avec tous ses appas, l'aimable enchanteresse
Laisse souvent veiller les peuples du Permesse ;
Cent doctes nourrissons surmontent son effort.
Hélas! dis-je, pour moi, je n'ai rien fait encor;
Je ne suis qu'écoutant parmi tant de merveilles.
Me sera-t-il permis d'y joindre aussi mes veilles?
Quand aurai-je ma part d'un si doux entretien ?

La Fontaine avoit près de trente-sept ans lorsqu'il
se plaignoit, avec raison, de n'avoir encore rien
fait qui pût passer à la postérité 34; mais les Muses,
dont il imploroit les entretiens avec tant de charme,
devoient bientôt le combler de leurs plus précieuses
faveurs.

Cependant il paroît avoir été, à cette époque, dominé encore plus par son goût pour le plaisir que par son amour pour la gloire.

Guillaume Colletet, le père de celui que Boileau a insulté dans ses vers, étoit particulièrement enclin aux amours ancillaires, comme dit Ménage dans son langage pédantesque 35: il avoit épousé successivement trois de ses servantes; la troisième, qui se nommoit Claudine, étoit une blonde 36 fort

Liaison de

La Fontaine

avec la femme

de Colletet.

[ocr errors]

1654-1658 jolie, mais assez sotte. Colletet entreprit cependant Æt. 33-37 de lui faire une réputation littéraire. Il composoit pour elle des vers français, qu'elle récitoit à table avec assez d'agrément, et dont on la croyoit l'auteur; quelques uns même ont été imprimés sous son nom 37. Beaucoup de beaux esprits du temps furent dupes de cette ruse, et, charmés de la figure de la belle Claudine, plus encore que de ses vers, ils s'empressèrent de la célébrer. Le savant Nicolas Heinsius, qui la vit pendant son séjour à Paris, écrivoit à Colletet, dans une lettre en latin datée de Stockholm, Quand je vois ta Claudine, cet assemblage de toutes les grâces, il me semble que j'ai devant moi toutes les Muses ensemble 38. » Le Pelletier et d'autres poëtes firent des sonnets pour Claudine; et Colletet lui-même en composa pour elle un recueil qu'il intitula les Amours de Claudine. La Fontaine fut plus qu'un autre épris des charmes de la jeune Muse; il fit des vers à sa louange; et, parmi plusieurs autres, que sans doute il avoit composés sur le même sujet, il nous a conservé un Sonnet sonnet et deux madrigaux adressés à Mademoiselle Made- C. (Claudine Colletet); car alors, même parmi les femmes mariées, il n'y avoit que celles d'un certain rang à qui on donnât le titre de Madame,

et madrigaux

pour

moiselle Colletet.

Colletet voulut conserver après lui, à Claudine la réputation qu'il lui avoit acquise; et, peu de temps avant de mourir, il fit sous son nom les sept vers suivants, dans lesquels elle protestoit qu'après la mort de son époux elle renonçoit à la poésie.

t

Le cœur gros de soupirs, les yeux noyés de larmes,
Plus triste que la mort dont je sens les alarmes,
Jusque dans le tombeau je vous suis, cher époux.
Comme je vous aimai d'une ardeur sans seconde,
Comme je vous louai d'un langage assez doux,
Pour ne plus rien aimer ni rien louer au monde
J'ensevelis mon cœur et ma plume avec vous 39.

1654-1658 Æt. 33-37

Claudine ayant tenu trop exactement parole, on se douta de la ruse. Ceux qui l'avoient le plus admirée, ne trouvant plus en elle qu'un esprit vulgaire, furent entièrement désabusés. La Fontaine désenchanté, non seulement quitta Claudine, mais fit moiselle Colcontre elle des stances satiriques qui commencent ainsi :

[blocks in formation]

La Fontaine imprima dans un recueil ces stances, à la suite même du sonnet et des deux madrigaux 4°; et comme on le railloit sans doute d'avoir été pris pour dupe, il fit précéder ces pièces de vers d'une lettre à un de ses amis, qui contient de singuliers et naïfs aveux.

Stances contre Made

letet

Singulier aveu de La

« Vous vous étonnez, dites-vous, de ce que tant » d'honnêtes gens ont été les dupes de mademoi- Fontaine. >> selle C. (Colletet), et de ce que j'y ai été moi-même

[ocr errors]

attrapé. Ce n'est pas un sujet d'étonnement que » ce dernier point; au contraire, c'en seroit un si » la chose s'étoit passée autrement à mon égard. >> Savez-vous pas bien que pour peu que j'aime je

« AnteriorContinua »