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l'une 1679-1682

depuis pour Lully, deux dédicaces en vers, pour l'opéra d'Amadis, et l'autre pour celui de Æt. 58-61 Roland; la dernière est charmante, et Louis XIV La Fontaine y est loué avec beaucoup de grâce et de délica- pour Lully. tesse 6.

La Fontaine, pour s'excuser auprès de Mme de Thianges qui avoit désapprouvé sa satire, avoit adressé une épître en vers, dans laquelle il expose ce qui s'étoit passé alors dans son esprit avec sa gaieté, sa franchise et sa bonhomie ordinaires 7.

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peu de gloire ; on le lui ravira,

Et vous croyez qu'il s'en taira!

Il n'est donc plus auteur, la conséquence est bonne!
S'il s'en rencontre un qui pardonne,

Je suis cet indulgent; s'il ne s'en trouve point,
Blâmez la qualité, mais non pas la personne.
Je pourrois alléguer encore un autre point:
Les conseils. - Et de qui?

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Du public. C'est la ville,
C'est la cour; et ce sont toutes sortes de gens,

Les amis, les indifférents,

Qui m'ont fait employer le peu que j'ai de bile.
Ils ne pouvoient souffrir cette atteinte à mon nom.
La méritois-je ? On dit que non.

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fait des vers

Il amène ensuite très-naturellement les éloges du roi, de son bon goût, et de son discernement en littérature. La Fontaine désiroit que son opéra fût joué devant Louis XIV; et pour que le but de

Epitre à Madame de Thianges.

1679-1682 toutes ces louanges déjà si facile à deviner soit clai1. 58-61 rement exprimé, il termine en disant :

Déclin du cré

dit de Mon

tespan.

Retourner à Daphné vaut mieux que se venger.

Je vous laisse d'ailleurs ma gloire à ménager.
Deux mots de votre bouche, et belle, et bien disante,
Feront des merveilles pour moi.
Vous êtes bonne et bienfaisante,
Servez ma Muse auprès du roi.

Ce fut aussi à l'instigation de Mme de Thianges, que La Fontaine fit des vers pour Mme de Fontanges; mais, pour expliquer comment Mme de Thianges pouvoit engager notre poëte à chanter une rivale de sa sœur, il faut entrer dans le détail de ce qui se passoit alors à la cour de Louis XIV.

Montespan s'apercevoit de jour en jour, avec douleur, que son ascendant sur le roi diminuoit avec ses attraits. Elle auroit vu finir sans trop de regrets, un commerce, dont les plaisirs étoient émoussés par une longue habitude; mais elle ne pouvoit, sans une peine extrême, se voir dépouillée de la puissance qu'elle exerçoit dans la plus brillante cour que l'Europe eût encore vue, ni renoncer à l'éclat de la grandeur royale, dont elle étoit environnée. Elle aima mieux humilier son orgueil, que de sacrifier les intérêts de son ambition. C'est ainsi que, comme une autre Livie, elle chercha à inspirer du goût au roi pour une de ses nièces, la duchesse de Nevers, fille aînée de Mme de Thianges, jeune et belle personne, pleine de grâces et d'esprit. La duchesse de Nevers se seroit volontiers prêtée à ces projets, puisqu'elle se livra depuis à M. le

pour mainte

voir.

Prince, fils aîné du grand Condé, un des hommes les 1679-1682 plus laids de son temps, mais aussi un des plus spi- Æt. 58-61 rituels, des plus galants et des plus généreux : un ses intrigues obstacle insurmontable s'opposoit au succès de son nir son pouintrigue avec le roi. Entraîné par la fougue de l'âge, Louis XIV avoit désobéi sans pudeur aux préceptes de la religion; mais, cependant par une contradiction qui ne se concilie que trop bien avec notre misérable nature, il fut toujours sincèrement attaché à ses dogmes: il ne négligea pas ses pratiques, il ne rejeta point ses conseils. Lorsque ses directeurs spirituels, et surtout Bossuet, virent que le feu des passions s'étoit amorti en lui, et que son amour pour Maie de Montespan s'étoit presqu'éteint par une longue jouissance, ils tâchèrent de l'arracher à ses habitudes 9. Ils lui représentèrent qu'un tel commerce étoit beaucoup plus coupable avec une femme mariée, qu'avec toute autre. Ces scrupules qu'ils avoient fait naître en lui, et qui lui firent prendre la résolution de se séparer de Me de Montespan, s'appliquoient aussi à Mme la duchesse de Nevers, et empêchèrent la réussite du plan qu'on avoit formé 1o.

me

Ce fut alors que Mm de Montespan crut parvenir à son but en jetant elle-même le roi dans les bras de Mlle de Fontanges, d'une éclatante beauté, mais sans esprit, et incapable, à ce qu'elle croyoit, d'avoir aucun ascendant sur lui. S'il étoit besoin d'ajouter aux preuves que l'on a déjà que Mme de Montespan favorisoit cette liaison, ce sont les vers qui nous restent de La Fontaine, au sujet de la nouvelle maîtresse,

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1679-1682 qu'il n'eût certainement pas composés, s'il avoit Et. 58-61 cru déplaire à l'ancienne. Une de ces pièces de vers

Quatrains se compose des quatrains pour mettre au bas de

pour un alma

nach, donné

Fontanges, en

Madame de chaque saison à un almanach, que le roi donna 1680. pour étrennes à Mile de Fontanges en 1680; l'autre Epitre est une épître assez longue, que La Fontaine de Fontanges adressa à Mme de Fontanges qui venoit d'être faite

à Madame

1680.

duchesse". Cette pièce seule, lorsque tous les monuments historiques viendroient à périr, suffiroit pour conserver à la postérité le souvenir des désordres de Louis XIV, et du scandale de sa vie. Le poëte, dans cette épître, a fait entrer l'éloge de la figure noble et majestueuse du roi, de la beauté, des grâces de celle dont les Dieux ont récompensé ce dompteur des humains, et en même temps il y célèbre le mariage du prince de Conti avec Mlle de Blois, fille naturelle de Mme de La Vallière, et celui du dauphin, héritier légitime de la couronne, avec la princesse de Bavière. Ces deux mariages eurent lieu en 1680, à de mois d'intervalle : le premier le 16 janvier, et le second le 7 mars suivant 1. Si on met à part les inconvenances morales, dont on ne doit pas faire de reproche au poëte, puisqu'elles ne frappoient point la cour ni le monarque, on doit convenir que cette épître est digne de La Fontaine. Le dieu des vers, par lequel il fait prononcer les épithalames de ces deux mariages, ne l'auroit point désavoué. Il commence par celui du prince de Conti:

peu

12

Le dieu des vers lut deux épithalames;
En voici l'un Couple heureux et parfait,

Couple charmant, faites durer vos flammes
Assez long-temps pour nous rendre jaloux;
Soyez amants aussi long-temps qu'époux.
Douce journée! et nuit plus douce encore!
Heures, tardez, laissez au lit l'Aurore.
Le temps s'envole: il est cher aux amants:
Profitez donc de ses moindres moments,
Jeune princesse, aimable autant que belle,
Jeune héros, non moins aimable qu'elle ;
Le temps s'envole, il faut le ménager;
Plus il est doux, et plus il est léger.

Le poëte passe ensuite à l'épithalame du Dauphin, dont le mariage étoit arrêté, mais non encore célébré.

Puis le père des vers

Changeant de ton pour l'autre épithalame,
Lut ce qui suit: Chantez, peuples divers;
Que tout fleurisse aux célestes demeures.
Ne tardez plus, avancez, lentes heures,
Allez porter aux humains un printemps
Tel que celui qui commença les temps.
Heures, volez: hâtez, lâtez la joie
Du fils des dieux à qui l'Olympe envoie
Une princesse au regard enchanteur.

Cette épître à Mme de Fontanges n'a été imprimée qu'après la mort de La Fontaine ; mais elle circula beaucoup dans le temps, et Mme de Sévigné en parle dans une de ses lettres, en date du 22 septembre 1680 13.

Mme de Montespan s'étoit trompée dans ses calculs. Dès que Mme de Fontanges connut la passion qu'elle avoit inspirée, elle se livra à toute la hauteur qui faisoit le fond de son caractère; elle fut la dispensatrice des grâces, et donna le ton. Tout le monde sait qu'à une partie de chasse, le vent ayant détaché sa coiffure, elle se la fit rattacher négligemment

1679-1682 Æt. 58-61

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