Imatges de pàgina
PDF
EPUB

1675-1679 chevalier Paul Neal, un des membres de la Société Et. 54-58 royale de Londres, prétendit un jour avoir aperçu, Anecdote au travers de son télescope, un éléphant dans la lier Neal. lune. Le fait examiné avec l'attention qu'il méri

sur le cheva

Fable dédiée

à M.de La Ro

toit, on finit par découvrir que l'éléphant n'étoit qu'une souris qui s'étoit glissée entre les verres du télescope. Le bruit de cette singulière aventure se répandit bientôt en Europe, et l'on s'en amusa beaucoup aux dépens de la science et de ses sectateurs. Samuel Butler fit long-temps après sur ce sujet une espèce de poëme ayant pour titre : l'Eléphant dans la Lune, qui est une satire contre la Société royale de Londres. La Fontaine, lorsque ce fait venoit de se passer, versifia sa fable intitulée : l Animal dans la Lune. Mais plus philosophe que Butler, loin de se moquer de l'erreur du chevalier Neal, il en prend occasion de se répandre en réflexions pleines de justesse sur les erreurs que nos sens impriment à nos jugements, dans des vers où la mesure et la rime ne nuisent en rien à la clarté des raisonnements métaphysiques, et en ôtent seulement la sécheresse : par une transition naturelle,

il

passe du fait qui faisoit l'objet de l'apologue, à l'éloge de Louis XIV et à celui de Charles II, et enfin à des vœux pour la paix qu'il a renouvelés toutes les fois qu'il en a pu trouver l'occasion 15.

La quinzième fable de ce livre, comme les deux chefoucauld, dont nous venons de nous occuper, n'est pas une fable proprement dite, mais un discours, que La

L. x. Fab. 15.

Fontaine a adressé à M. le duc de La Rochefoucauld

qui lui en avoit fourni le sujet. Le duc de La Roche- 1675-1679 foucauld, homme aimable et penseur profond, avoit Æt. 54-58 publié son livre des Maximes, en 1665, et lorsque La Fontaine lui dédioit cette fable, ce livre, traduit dans presque toutes les langues de l'Europe, avoit déjà eu six éditions 116.

Vous.....

.....

dont la modestie égale la grandeur,

Qui ne pûtes jamais écouter sans pudeur
La louange la plus permise,

La plus juste et la mieux acquise;

Vous enfin, dont à peine ai-je encore obtenu
Que votre nom reçût ici quelques hommages,
Du temps et des censeurs défendant mes ouvrages,
Comme un nom qui, des ans et des peuples connu,
Fait honneur à la France, en grands noms plus féconde
Qu'aucun climat de l'univers,

Permettez-moi du moins d'apprendre à tout le monde
Que vous m'avez donné le sujet de ces vers 117.

Le duc de La Rochefoucauld étoit alors en Société

grande faveur auprès de Louis XIV, et depuis

du duc de

la La Rochefou

cauld et de Madame de

disgrâce de Lauzun, il étoit même regardé comme Montespan.

une espèce de favori 18. Mm de Montespan et lui formoient à la cour une société à part, qui se composoit de M. Marsillac, fils du duc de La Rochefoucauld, de Mme de Thianges, du duc de Vivonne, de Mme Coulange, et de la veuve Scarron, depuis Mme de Maintenon, alors gouvernante des enfants du roi et de Mme de Montespan qui l'aimoit beaucoup, et l'appeloit sans cesse auprès d'elle. C'est pour flatter Mme de Montespan, à laquelle il avoit dédié ce second recueil de fables, que La Fontaine composa pour son fils, le duc du Maine, la fable intitulée les Dieux voulant instruire un fils

de

Fable dédiée Maine. Fab. 2,

au duc du

Liv. 11.

1675-1679 Jupiter 119. C'est une ingénieuse allégorie entièreEt. 54-58 ment de son invention qui, si elle n'est pas trèsmorale, présente du moins un tableau plein d'imagination, de coloris et de grâce 12o.

Dédicace

de ce second

recueil à Ma

120

La dédicace de ce second recueil de fables à

dame de Mon- Mme de Montespan est remarquable par la noblesse

tespan.

du ton, et par des vers tels que La Fontaine seul en a su faire.

Le temps qui détruit tout, respectant votre appui,
Me laissera franchir les ans dans cet ouvrage :

C'est de vous que mes vers attendent tout leur prix.
Il n'est beautés dans nos écrits,

Dont vous ne connoissiez jusques aux moindres traces.
Eh! qui connoît que vous les beautés et les graces!
Paroles et regards, tout est charme dans vous;
Ma Muse en un sujet si doux,

Voudroit s'étendre davantage,

Mais il faut réserver à d'autres cet emploi,
Et d'un plus grand maître que moi
Votre louange est le partage.

in

Ce grand maître étoit Louis XIV: la louange étoit bien délicate; mais, pour qu'elle ne fût pas discrète, il falloit que la longue publicité, et l'excès même du scandale, des amours du monarque en eussent affoibli l'impression dans l'esprit des peuples.

LIVRE QUATRIÈME.

1679-1682

Æt. 58-61

gage La Fonvailler pour

LA FONTAINE, quoiqu'il eût débuté dans la littérature par la traduction d'une comédie de Térence, n'avoit pas songé cependant à travailler pour le théâtre. C'est surtout dans la poésie théâtrale qu'en Lully_enpeu d'années la gloire littéraire de la France s'étoit faine à traélevée bien au dessus de celle de tous les peuples le théâtre. modernes, et avoit peut-être surpassé celle des anciens. La variété et l'abondance se joignoient à la perfection, et il seroit difficile d'imaginer un genre de composition scénique, dont on ne pût trouver des modèles dans les théâtres de Corneille, de Racine, de Molière et de Quinault '. Ces hommes illustres avoient déjà produit la plupart de leurs chefs-d'œuvre, lorsque Lully crut qu'un poëte tel que La Fontaine pourroit facilement, et en peu de temps, composer un opéra auquel sa célébrité, bien supérieure à celle de Quinault, assureroit un succès certain. Plein de cette idée, Lully va trouver La Fontaine, le cajole, le berce des promesses les plus flatteuses, et fait si bien qu'il parvient à son but. La Fontaine se mit à composer l'opéra de Daphné. Daphne, Le musicien, pressé par le temps, obsédoit sans cesse le poëte, habitué à travailler à loisir, et pour qui toute espèce de contrainte étoit antipathique; mais le pire fut qu'habitué à la docilité de Quinault

opéra, 1679.

1679-1682 et à tout assujétir à l'effet musical, Lully tourmenEt. 58-61 toit sans cesse La Fontaine pour changer la dispo

sition des scènes, pour allonger ou raccourcir certains vers. Au bout de quatre mois de persécution, Lully peu satisfait de l'ouvrage de La Fontaine, l'abandonna sans mot dire, pour adopter l'opéra de Proserpine de Quinault, qu'il mit en musique, et qui fut joué à Saint-Germain le 3 février 16803. La La Fontaine Fontaine ne put se refuser à l'indignation qu'inavec Lully. spira ce procédé à tous ses amis. C'est alors qu'il exhala son humeur dans une singulière et comique satire, intitulée le Florentin 5.

se brouille

Le Florentin,

satire.

Thianges réconcilie La

Lully.

Le Florentin
Montre à la fin

Ce qu'il sait faire.

J'en étois averti, l'on me dit : Prenez garde;
Quiconque s'associe avec lui se hasarde.

Malgré tous ces avis il me fit travailler.

Le paillard s'en vint réveiller

Un enfant des Neuf Sours; enfant à barbe grise,
Qui ne devoit en nulle guise

Être dupe : il le fut et le sera toujours.

Je me sens né pour être en butte aux méchants tours,
Vienne encor un trompeur, je ne tarderai guère.
Il me persuada,

A tort, à droit me demanda

Du doux, du tendre, et semblables sornettes,

Petits mots, jargons d'amourettes,

Confits au miel: brefil m'enquinauda.

Madame de Mme de Thianges chercha à apaiser le courroux de Fontaine et La Fontaine, et à le réconcilier avec Lully; ce qui ne fut pas difficile. Le raccommodement fut si complet et si sincère que La Fontaine supprima sa satire qui n'a été imprimée qu'après sa mort, et qu'il fit

« AnteriorContinua »