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Æt. 54-58

mière fable

1675-1679 qui lui avoit suggéré des réflexions utiles et morales. C'est ainsi qu'il a versifié dans le premier apoSur la pre- logue du dixième livre, ce que Jean Sobieski, depuis du Livre 10. roi de Pologne, lui avoit raconté chez Mme de La Sablière des castors de son pays; la même fable contient aussi divers faits vrais, sur l'intelligence de la perdrix et du rat, admirablement bien mis en vers. Mais lorsque La Fontaine, dans la neuSur la neu- vième fable du livre XI, nous raconte qu'un chatdu Livre 11. huant, après avoir pris plusieurs souris, les entassa

vième

fable

dans son nid, leur coupa les pates avec son bec, pour les empêcher de s'enfuir, et les a nourries avec du blé pour pouvoir ensuite les dévorer à loisir, et qu'enfin il nous assure en note que ce fait est vrai, nous craignons qu'il n'ait été abusé par quelque observateur superficiel 100.

Mathieu Marais rapporte que La Fontaine, étant à Antony, chez un de ses amis, ne se trouva point un jour à l'heure du dîner, et ne parut qu'après qu'on eut terminé le repas. On lui demanda où il étoit allé: La Fontaine il dit qu'il venoit de l'enterrement d'une fourmi; qu'il ner pour con- avoit suivi le convoi dans le jardin ; qu'il avoit recon

oublie son dî

templer des fourmis.

duit la famille jusqu'à la maison, qui étoit la fourmilière, et il fit là-dessus une description du gouvernement de ces petits animaux, qu'il a depuis, dit Marais, portée dans ses fables, dans la Psyché, dans son SaintMalc 101.

Nous croyons à la vérité de cette anecdote; les - mœurs des fourmis sont si curieuses, si attachantes qu'elles attirent même l'attention du vulgaire et

des enfants, et il n'y a rien d'extraordinaire, selon 1675-1679 à oublier son dîner, lorsqu'on se trouve un Et. 54-58 peu fortement engagé dans la contemplation d'un si admirable spectacle. Mais il ne faut pas s'imaginer, comme on le pense communément, que La Fontaine eût étudié en véritable observateur, les mœurs et

taine consi

observateur.

tude scienti

nuisible dans

les habitudes des animaux; ce genre de mérite de- De La Fonmandoit une patience constante, et une tenacité dans déré comme les recherches, dont il n'étoit pas capable: cela même eût été, j'ose le dire, plus nuisible qu'utile à son but. Les hommes prêtent aux animaux des penchants semblables aux leurs, et ces préjugés rendent ces ètres bien plus propres à figurer utilement dans l'apologue une exactitude scientifique détruiroit Une exactisouvent toute illusion. Le naturaliste doit chercher fique seroit l'apologue. à décrire et à faire connoître les êtres tels qu'ils sont réellement; le poëte fabuliste doit les peindre tels que le vulgaire les imagine : l'effet qu'il se propose de produire, sera manqué s'il contrarie les idées de ses lecteurs, par une science intempestive ; car alors, ils seront plus occupés de ces nouvelles notions, qu'il veut leur donner, que du fond de l'aventure même qu'il raconte, et de la moralité qui en est le résultat. C'est ainsi qu'a pensé La Fontaine; les caractères d'animaux qu'il a tracés, se fondent sur les idées, que le peuple en a conçues, souvent justes, lorsqu'elles sont générales, mais aussi presque toujours inexactes, quand on descend dans les particularités. Si notre fabuliste avoit eu la moindre partie des connoissances en histoire natu

de l'Aigle et

l'Escarbot,

2, fab. 3.

1675-1679 relle, qu'on lui a prêtées, il n'auroit pas versifié. Et. 54-58 sans y rien changer, cette ancienne fable d'Esope, De la fable intitulée, l'Aigle et l'Escarbot, dont l'absurdité est Livaba, sans doute le résultat de quelque ancien contresens commis par un traducteur ignorant. Il est singulier que, ni La Fontaine, ni ses commentateurs ne se soient aperçus qu'il étoit absolument impossible qu'un lapin pût se retirer et se blottir dans le trou d'un scarabée 102.

De celle qui

a pour titre :

Mort. Liv. 7,

fab. 11.

Parmi les apologues, qui doivent leur origine à Te Curé et le des aventures réelles, qui se sont passées du temps de La Fontaine, on doit compter la onzième fable du livre VII, intitulée le Curé et le Mort 103. Mme de Sévigné, dans une lettre à sa fille, en date du 26 février, lui marque : « M. de Bouflers a tué un homme après sa mort; il étoit dans sa bière en carrosse; on le menoit à une lieue de Bouflers pour l'enterrer; son curé étoit avec le corps. On verse; la bière coupe le cou au pauvre curé. » Ensuite, dans une autre lettre, en date du 9 mars 1672, elle lui dit : « Voilà cette petite fable de La Fontaine, sur l'aventure du curé de M. de Bouflers, qui fut tué roide en carrosse auprès de son mort: cet événement est bizarre, la fable est jolie, mais ce n'est rien au prix de celles qui suivront. Je ne sais ce que c'est que ce pot au lait 104. » Ainsi, d'après ces passages, on voit que ce petit apologue n'a pu être écrit qu'après le 26 février, qu'il circuloit déjà dans le monde le 9 mars; tant étoit grand l'empressement, que l'on mettoit à se procurer les moindres

productions de notre poëte! Cette fable se termine 1675-1679

ainsi :

Proprement toute notre vie

Est le curé Chouart qui sur son mort comptoit,

Et la fable du Pot au lait.

El. 54-58

Ainsi la fable charmante de la Laitière et le Pot Plusieurs

me

des fables de

non publiées circuloient en

au Lait, inconnue encore à Mine de Sévigné, étoit La Fontaine composée en 1672, et sa lettre nous prouve que manuscrit. plusieurs des fables, qui ne furent publiées qu'en 1678, circuloient déjà en manuscrit.

que

Anecdote sur le curé

Ce passage de la lettre de Mme de Sévigné réfute complètement un conte ridicule, que Fréron a consigné dans son Année littéraire en 1775, et qui est fondé uniquement sur le nom de Jean Chouart, La Fontaine a donné au curé de sa fable 105. Un nommé Choquet, qui se dit prêtre, assure au journaliste que La Fontaine n'a écrit la fable du Curé et du Mort, que pour se venger du curé Chouart, Chouart personnage réel, suivant lui, et d'une famille distinguée de la Touraine, qui, dans un dîner où se trouvoient Racine et Boileau, avoit adressé des reprimandes au fabuliste, sur le scandale de sa séparation avec sa femme. Pour achever de démontrer la fausseté de cette anecdote, il suffit d'ajouter à ce que nous venons de dire sur la véritable origine de cet apologue, que le nom de Messire Jean Chouart se trouve dans Rabelais 106: La Fontaine ne s'en est servi, que parce que ce facétieux écrivain l'avoit, en quelque sorte, rendu populaire, pour désigner celui d'un homme d'église, que l'on vouloit

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1675-1679 ridiculiser. J. B. Rousseau l'a aussi employé dans Et. 54-58 une de ses épigrammes 17. Remarquons que si La Fontaine a laissé échapper de sa plume une ou deux La Fontaine épigrammes, jamais il n'a souffert qu'on les imimprimer une primât de son aveu. Dans tout ce qu'il a fait pa

n'a jamais fait

seule ligne sa

tirique con

tre qui que ce roître de son vivant, il n'y a pas une seule ligne

soit.

Fable dédiée

à M. Barillon.

Liv. 8 Fab. 4.

Pouvoir des

Fables.

qui soit dirigée contre quelqu'un en particulier,

ou écrite dans l'intention de blesser qui que ce soit.

Il y a dans ce second recueil cinq fables, dédiées à différentes personnes, savoir, à M. Barillon, au duc de La Rochefoucauld, à Mlle de Sillery, à Mme de La Sablière et à M. le duc du Maine. Celle qui est dédiée à M. Barillon est intitulée le Pouvoir des Fables 108.

intitulée de Pour bien entendre le prologue et les louanges que La Fontaine fait de M. Barillon, il faut rappeler les circonstances qui y donnèrent lieu, et suppléer encore au silence des commentateurs.

du prologue

Explication Charles II avoit été rétabli en 1660, sur le trône de cette fable. de ses pères. Jamais règne ne commença sous de

plus heureux auspices que le sien. Tous les partis, tour à tour oppresseurs et opprimés, avoient espéré trouver sous son sceptre légal deux sortes d'avantages que l'on s'efforce si souvent en vain de concilier, la liberté et le repos. Le jeune roi éprouva bientôt combien après un long interrègne d'anarchie et de despotisme, il est difficile de raffermir un trône qu'un usurpateur a, par de grands succès, entouré d'un éclat passager. Dans cette position Charles avoit également à se garantir de ses amis

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