avec une justesse parfaite et une étonnante rapidité, 1675-1679 et finit par vous persuader que c'est sérieusement Et. 54-59 et de bonne foi qu'il confond les grandes choses avec les petites, et qu'il met tant d'intérêt à ces dernières. Ce n'est point un poëte qui imagine, ce n'est pas un conteur qui plaisante, c'est un témoin présent à l'action, et qui veut vous y rendre présent lui-même. Ecoutez la belette et le lapin plaidant pour un terrier : tout est mis en usage: coutume, autorité, droit naturel, généalogie: on y invoque les dieux hospitaliers. Voyez s'il est possible de mieux plaider une cause? Entendez le loup qui daube, au coucher du roi, son camarade absent, le renard, et dites si vous n'avez pas assisté au coucher de sa majesté lionne, si vous ne savez pas ce qui s'y est passé. Si un rat, bon citoyen, vient demander des provisions à un autre rat égoïste et solitaire, que de motifs ne fait-il pas valoir? le blocus de Ratopolis, la république attaquée, son état indigent, le secours qu'on attend, et qui sera prêt dans quatre ou cinq jours: ne voyez-vous pas à la gravité de ces raisons, que de ce simple secours il s'agit de la chose la plus importante, de la destinée entière du peuple rat, dont le peuple chat a juré la destruction? Quand ce rat gros et gras se retire dans un fromage de Hollande, c'est que, comme un moine, il est las des soins d'ici bas. Le chat, priant le rat de le délivrer, l'assure qu'il l'aime comme ses yeux, et lui dit qu'il étoit sorti pour aller faire sa prière aux dieux comme tout dévot chat en use tous les matins. Tartufe 1675-1679 parle-t-il mieux? Si La Fontaine vous fait voir la E. 54-58 belette extrêmement maigre, c'est qu'elle sortoit de maladie. Si ce cerf ignore une maxime de Salo- Une ample comédie à cent actes divers. Quand nous songeons que celui qui a fait converser en un langage tout entier le sien, dame belette ou jean lapin, est le même homme qui, ensuite, avec l'éloquence d'un Démosthène, fait tonner contre la tyrannie le paysan du Danube, et qui, majestueux et énergique comme Bossuet pour combattre les chimères de l'astrologie, demande au ciel S'il auroit imprimé sur le front des étoiles Ce que la nuit des temps renferme dans ses voiles, nous croyons pouvoir dire que les anciens ni les 1675-1679 modernes n'offrent rien de comparable à l'ori- . 54-58 ginalité et à la flexibilité d'un tel génie 96. Mais finis : sons. La Harpe dit vrai il ne faut pas louer La Fontaine, il faut le lire, le relire, et le relire encore. Il en est de lui, comme de la personne que l'on aime : en son absence, il semble qu'on aura mille choses à lui dire, et quand on la voit, tout est absorbé dans un seul sentiment, dans le plaisir de la voir. On se répand en louanges sur La Fontaine, et dès qu'on le lit, tout ce qu'on voudroit dire est oublié; on le lit, et on jouit. Jugement de le nombre des La Harpe sur bonnes fables de La Fon Quelle est la plus belle Ce grand critique observe encore que, sur près de trois cents fables que La Fontaine a faites, il n'y en a pas dix de médiocres, et qu'il y en a plus de taine. deux cent cinquante, qui sont des chefs-d'oeuvre. Nul n'a composé un plus grand nombre de vers devenus proverbes. En général ses moralités sont courtes. La précision est une qualité qui tient essentiellement au caractère de la philosophie, plus occupée à méditer qu'à discourir. C'est une tradition constante, parmi les de lettres, que de toutes ses fables, celle que gens La Fontaine préféroit, étoit celle qui a pour titre, le Chêne et le Roseau. Mais dans ce beau jardin de poétiques fleurs, tous les critiques ont accordé le prix à l'apologue, qui ouvre le second recueil, les Animaux malades de la peste. La poésie est aussi parfaite dans cette fable que dans celle du chêne et du roseau; mais le fonds est beaucoup plus riche et plus étendu, et les applications morales autrement importantes. des Foline? Fables de 1675-1679 Dans ce second recueil, La Fontaine s'est abanEt. 54-58 donné, plus que dans le premier, à ces retours sur lui-même, à cette sensibilité douce, naïve, attirante, qui donnoit tant de charme à son caractère; à ces effusions d'un bon cœur, qui prêtent à tous ses écrits un attrait irrésistible. Dans cette admirable fable des deux pigeons, avec quels tendres accents il regrette et redemande les plaisirs qu'il a goûtés dans l'amour! Amants, heureux amants, voulez-vous voyager? Que ce soit aux rives prochaines. Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau, Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste. Pour qui, sous le fils de Cythère, Je servis engagé par mes premiers serments. Voyez quelle douce et sublime philosophie, quel calme et quelle tranquillité d'un cœur pur et en paix avec lui-même, respirent dans les voeux qu'il forme à la suite de cet apologue oriental, intitulé le Songe d'un habitant du Mogol; combien les adieux qu'il fait à la vie impriment à l'âme de sentiments touchants, et la pénètrent d'une mélancolie pleine de charmes ! Si j'osois ajouter au mot de l'interprète, Elle offre à ses amants des biens sans embarras, Biens purs, présents du ciel, qui naissent sous ses pas. Lieux que j'aimai toujours, ne pourrois-je jamais, Quand pourront les Neuf Sœurs, loin des cours et des villes, Que si je ne suis né pour de si grands projets, 1675-1679 Et. 54-58 Son amour pour la retraite. a pris les su sieurs des fables de ce se dans Pilpay. La Fontaine, ainsi qu'il le dit lui-même, a pris La Fontaine la plupart des sujets des fables de ce second recueil jets de pludans l'Indien Pilpay ou Bidpaï; mais il en a le plus sou-cond recueil, vent tellement changé le fond, qu'il pourroit à juste titre même réclamer le mérite de l'invention. Il est quelques fables, d'ailleurs, qu'il paroît avoir inventées, ou du moins dont les sources n'ont pu encore être découvertes par les commentateurs, qui ont épuisé tous leurs efforts sur ce sujet 99. D'autres fables ne sont qu'un trait d'histoire qui le frappoit Il en est qui dans ses lectures, ou une anecdote qu'il avoit en- invention, ou tendu raconter en société, ou enfin le récit de faits été suggérées singuliers, qui prouvent l'intelligence des animaux. Souvent même il intitule fable, le résumé d'une conversation, qui lui avoit paru intéressante, et sont de son qui lui ont par ses lectures ou ses con versations. |