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La Fontaine

reçoit des en

de Louis XIV.

1675-1679 ses rares talents pour l'utilité des mœurs et de la Et. 54-58 morale. Si en effet, d'une part, Louis XIV laissoit interdire le débit de ses contes par une sentence de couragements police, de l'autre, il permettoit qu'on s'écartât, par une honorable exception, du protocole ordinaire des priviléges, pour déclarer dans celui qu'il accordoit pour les fables que « la jeunesse en avoit reçu beaucoup de fruit en son instruction. » La Fontaine fut même admis à offrir en personne ses fables à I lui pré- Louis XIV; il se rendit pour cet effet à Versailles; mais, après avoir fort bien récité son compliment au monarque, il s'aperçut qu'il avoit oublié le livre qu'il devoit lui présenter: il n'en fut pas moins accueilli avec bonté 89, et comblé de présents; mais on ajoute qu'à son retour, il perdit aussi par distraction la bourse pleine d'or, que le roi lui avoit fait remettre, et qu'on retrouva heureusement sous le coussin de la voiture qui l'avoit ramené 9o.

sente ses Fa

bles.

Ce second recueil de Fa

rieur au pre

anier.

La Fontaine, dans l'avertissement de son second bles est supé- recueil, prévient ses lecteurs que, pour mettre plus de variété dans son ouvrage, il a cru devoir donner à ses dernières fables un tour un peu différent de celui qu'il avoit donné aux premières, «< tant, ajoute

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t-il, à cause de la différence des sujets que pour remplir de plus de variété mon ouvrage. » La vérité est que, d'abord gêné par son respect pour les anciens, La Fontaine ne s'étoit écarté qu'avec une sorte de crainte de la brièveté de Phèdre et d'Esope; mais, s'étant aperçu que les fables qui avoient eu le plus de succès, étoient celles où il s'étoit

abandonné à son génie, il résolut de n'écouter que 1675-1679 les inspirations qu'il lui dictoit. Aussi ce second Æt. 54-58 recueil est-il, suivant nous, supérieur au premier.

en porte un

L'envie du temps de La Fontaine a prononcé le contraire, et cela étoit tout simple"1; mais on s'é- Champfort tonne que Champfort ait adopté un semblable juge-jugement difment 9 il y a encore plus lieu d'être surpris que ce littérateur si plein d'esprit et de goût, après avoir été dans sa jeunesse un panégyriste éloquent et enthousiaste de La Fontaine, soit devenu pour lui dans un âge plus avancé un commentateur chagrin et souvent injuste; cependant il est facile de rendre raison de cette apparente contradiction. Champfort avoit un caractère difficile, jaloux et envieux dans sa sauvage indépendance il haïssoit toutes supériorités sociales; il prenoit, comme tant d'autres, les fougueux accès de l'orgueil et de la misanthropie, pour de la force et de la fierté. La réflexion et la lecture eussent peut-être corrigé ou adouci l'âpreté de ces défauts, surtout lorsque, par la protection d'une vertueuse princesse, l'infortunée Elisabeth, le sort cessa de lui être contraire; mais la révolution, dont il embrassa les principes avec cha- mal commenleur, le rendit ingrat envers ses bienfaiteurs, et les leçons de cet auteur favori, de ce poëte qu'il avoit tant aimé, devinrent impuissantes contre les vices de son cœur. Aussi les louanges que La Fontaine donne aux grands lui causent presque toujours de l'humeur. Il combat ou méconnoît sans cesse la sage et douce philosophie du fabuliste, qu'à une

ΤΟ

Pourquoi Champfort a

té La Fon

taine.

1675-1679 époque plus heureuse, nul n'avoit mieux que lui E. 54-58 définie et appréciée.

Ce qui distingue, dit Champfort dans son excellent éloge 93, La Fontaine de tous les mora

listes, c'est la facilité insinuante de sa morale; Champfort c'est cette sagesse naturelle comme lui-même, qui

a bien appré

cié la philoso

Fontaine.

phie de La paroît n'être qu'un heureux développement de son instinct. Il ne vous parle que de vous-même ou pour vous-même; et, de ses leçons, ou plutôt de ses conseils, naîtroit le bonheur général. Son livre est la loi naturelle en action; tout sentiment exagéré n'avoit point de prise sur son âme, s'en écartoit naturellement, et la facilité même de son caractère sembloit l'en avoir préservé. La Fontaine n'est point le poëte de l'héroïsme; il est celui de la vie commune, de la raison vulgaire. Le travail, la vigilance, l'économie, la prudence sans inquiétude, l'avantage de vivre avec ses égaux, le besoin qu'on peut avoir de ses inférieurs, la modération, la retraite, voilà ce qu'il aime, et ce qu'il fait aimer. L'amour, cet objet de tant de déclamations, ce mal qui peut-être est un bien, dit La Fontaine, il le montre comme une foiblesse naturelle et intéressante; il n'affecte pas ce mépris pour l'espèce humaine, qui aiguise la satire mordante de Lucien, qui s'annonce hardinient dans les écrits de Montaigne, se découvre dans la folie de Rabelais, et perce quelquefois même dans l'enjouement d'Horace. Ce n'est point cette austérité, qui appelle, comme dans Boileau, la plaisanterie au secours d'une raison sévère, ni cette dureté mi

santhropique de La Bruyère et de Pascal, qui, por- 1675 1679 tant le flambeau dans l'abîme du cœur humain, jette Et. 54-58 une lueur effrayante sur ses tristes profondeurs. Le mal qu'il peint, il le rencontre; les autres l'ont cherché. Pour eux, nos ridicules sont des ennemis dont ils se vengent; pour La Fontaine, ce sont des passants incommodes, dont il songe à se garantir : il rit, et ne hait point. L'âme, après la lecture de ses ouvrages, calme, reposée, et pour ainsi dire rafraîchie, comme au retour d'une promenade solitaire et champêtre, trouve en soi-même une compassion douce pour l'humanité, une résignation tranquille à la Providence, à la nécessité, aux lois de l'ordre établi, enfin l'heureuse disposition de supporter patiemment les défauts d'autrui, et même les siens leçon, qui n'est peut-être pas une des moindres que puisse donner la philosophie. »>

Si La Fontaine, dans ce second recueil, a varié sa manière, heureusement il ne l'a pas changée ce qui probablement, lors même qu'il l'auroit voulu, lui eût été impossible. Nous retrouvons encore au même degré, et souvent à un plus haut degré de perfection, ce style enchanteur qui s'élève et descend sans effort, parcourt toutes les nuances, prend tous les tons, depuis le langage majestueux et énergique de l'ode et de l'épopée, jusqu'à la naïve et familière éloquence du jargon populaire. C'est toujours ce même fonds de bienveillance générale qui l'intéresse à tous les êtres vivants, Hôtes de l'univers sous le nom d'animaux. C'est toujours le même art de s'identifier

les Fables de

La

Résumé sur
Fontaine.

1675-1679 avec les personnages qu'il fait agir, de s'astreindre 1. 54-58 aux lois des monarchies et des républiques d'animaux

qu'il a fondées; de ne jamais déroger aux rangs et aux titres qu'il a établis parmi eux. Le lion a toujours son Louvre, sa cour des pairs, ses officiers, ses médecins. C'est toujours nosseigneurs les ours, sultan léopard, don coursier, et les parents du loup gros messieurs qui l'ont fait apprendre à lire. C'est toujours enfin la même simplicité de dialogue, où les enfants, comme les hommes du goût le plus exercé, aiment à retrouver le langage de la conversation. C'est encore le jeu divertissant de ces scènes si courtes et si animées. En lui, chaque idée réveille soudain l'image et le sentiment qui lui est propre. Jupiter n'est qu'un homme dans les choses familières, et le moucheron, quand il combat le lion, est un guerrier redoutable, qui sonne à la fois la charge et la victoire. Il voit tour à tour dans un renard, Patrocle, Ajax, Annibal, et, dans un chat, Alexandre. Il rappelle dans le combat de deux coqs pour une poule, la guerre de Troie pour Hélène; il met de niveau Pyrrhus et la laitière ; représente dans la querelle des deux chèvres, qui se disputent le pas, fières de leur généalogie, Philippe IV et Louis XIV, s'avançant dans l'île de la Conférence; et, à propos de la tardive maternité de l'alouette, il peint les délices du printemps, les plaisirs, les amours de tous les ètres, et met l'enchantement de la nature en contraste avec le veuvage d'un oiseau. Il passe d'un extrême à l'autre,

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