Imatges de pàgina
PDF
EPUB

Jeu de gladiateurs; et tel qu'au champ de Mars,
En leurs jours de triomphe en donnoient les Césars.
Glorieux tous les ans de nouvelles conquêtes,
A son peuple il fait part de ses nouvelles fètes,
Et son peuple qui l'aime et suit tous ses désirs,
Se conforme à son goût, ne veut que ses plaisirs.

La Fontaine se plaint ensuite de ce qu'on a trop d'engouement pour l'Opéra et pour Lully:

Le Français, pour lui seul contraignant sa nature,
N'a que pour l'Opéra de passion qui dure.
Les jours de l'Opéra, de l'un à l'autre bout,
Saint-Honoré, rempli de carrosses partout,
Voit, malgré la misère à tous états commune,
Que l'Opéra tout seul fait leur bonne fortune.
Il a l'or de l'abbé, du brave, du commis;
La coquette s'y fait mener par ses amis;
L'officier, le marchand tout son rôti retranche,
Pour y pouvoir porter tout son gain le dimanche.
On ne va plus au hal, on ne va plus au cours :
Hiver, été, printemps, bref, Opéra toujours;
Et quiconque n'en chante, ou bien plutôt n'en gronde
Quelque récitatif, n'a pas l'air du beau monde.
Avec mille autres biens le jubilé fera

Que nous serons un temps sans parler d'Opéra ;
Mais aussi de retour de mainte et mainte église,
Nous irons, pour causer de tout avec franchise
Et donner du relâche à la dévotion,

Chez l'illustre Certin faire une station :
Certin, par mille endroits également charmante,
Et dans mille beaux arts également savante;
Dont le rare génie et les brillantes mains
Surpassent Chambonnière, Hardel, les Couperains.
De cette aimable enfant le clavecin unique
Me touche plus qu'Isis et toute sa musique :
Je ne veux rien de plus, je ne veux rien de mieux
Pour contenter l'esprit, et l'oreille, et les yeux.

1675-1679

Æt.54-58

Mademoiselle

Mile Certin dont les talents furent développés par Détails sur Lully, devint célèbre par les beaux concerts qu'elle Gertin. donnoit chez elle, et où les plus habiles compositeurs

1675-1679 faisoient porter leur musique; mais, à l'époque à laÆt. 54-58 quelle La Fontaine écrivoit son épître, cette jeune

virtuose, que M. de Niert faisoit élever, n'avoit pas plus de quinze ans 74. Ce fut alors qu'on célébra en France le jubilé, ouvert par le pape Clément X 75, jubilé, que notre poëte se proposoit de passer d'une manière si peu édifiante, et dont l'effet le plus efficace et le plus heureux, suivant lui, étoit de faire cesser les entretiens sur l'opéra, qui l'ennuyoient si fort. L'opéra d'Isis, de Quinault, fut joué pour la première fois le 5 janvier 1677. Ces deux circonstances fixent la date de la composition de cette épître de La Fontaine à la fin de 1676 ou au commencement de 1677. Vers pour le On voit par des vers, faits pour le portrait de Mezetin quelque temps après l'époque où nous sommes, que La Fontaine s'amusoit de toutes sortes de spectacles, même des farces. Angelo Constantini, plus connu sous le nom de Mezetin, qui, dans les canevas italiens, représente toujours un intrigant, amusoit alors tout Paris par son talent pour les parades comiques; il devint assez célèbre pour que son portrait peint par De Troye fût gravé par Yvermeulen, et c'est pour ce portrait que La Fontaine fit les six vers, que Gacon nous a conservés, afin d'avoir occasion de rapporter deux mauvaises épi

portrait

Mezetin.

de

grammes qu'il avoit faites contre notre poëte 76. Liaison de La La Fontaine fréquentoit aussi la Champmeslé",

Fontaine avec

la Champ

meslé. qui ravissoit tous les amateurs du théâtre. Racine,

qui déclamoit les vers avec autant de perfection, qu'il les faisoit, avoit développé par ses leçons les

Mademoiselle

talents de cette actrice. L'élève fut quelque temps 1675-1679 reconnoissante envers un maître épris de ses char- Æt. 54-58 mes 78; mais bientôt elle le quitta pour le fils de la marquise de Sévigné 79, qui fut ensuite remplacé par plusieurs autres. Cependant elle n'étoit rien moins que jolie 80; mais elle étoit bien faite, avoit une belle taille; tous ses traits exprimoient la sensibilité; sa voix douce et pénétrante dans les rôles tendres acquéroit de la force et de l'énergie, quand la situation théâtrale le demandoit. Elle eut toujours une cour très-nombreuse; et, dans une lettre que La Fontaine lui écrivit de la campagne, alors que Louis XIV étoit au fort de ses conquêtes, et qu'elle se trouvoit entourée par beaucoup d'adorateurs, il lui dit : « Tout sera bientôt au roi de France, et à Lettre à >> Mlle de Champmeslé 8. » Nous voyons par cette de même lettre, que La Fare, bien connu de La Fontaine à cause de sa grande intimité avec Mme de La Sablière, étoit souvent chez la Champmeslé: La Fontaine s'y plaisoit beaucoup aussi, et il aidoit son mari, à la fois auteur et acteur, dans la composition de ses pièces. L'on croit que La Fontaine eut surtout la plus grande part à la petite comédie représentée sous le nom de Champmeslé, et intitulée, Je vous prends sans vert, Je vous prends qu'on a même insérée dans ses œuvres, comme médie. étant de lui, mais sans preuves suffisantes 83. M. de Tonnerre étoit alors l'amant en titre de la Champmeslé; La Fontaine qui s'amusoit beaucoup de sa gaieté, regrette dans sa lettre de ne plus se trouver exposé à ses niches et à ses brocards, Nous

82

Champ

meslé. 1678.

sans vert, co

1675-1679 voyons aussi, par cette même lettre, que l'actrice At.54-58 aimoit la société de notre poëte, et avoit pour lui de grandes bontés : « Vous êtes, lui dit-il, la meilleure amie du monde, aussi bien que la plus

[ocr errors]

>>

agréable. » Quoiqu'elle eût alors plus de trente ans, et lui, plus de cinquante, ce n'étoit pas sa faute si elle étoit seulement son amie: la dédicace du Conte de Bel- conte de Belphegor en fait foi, et à cet égard on ne

phégor, dédié

a la Champ- peut s'exprimer plus clairement; mais aussi il est

meslé.

impossible de mettre dans un tel aveu plus d'en-
jouement, d'esprit et de grâce 84.

De votre nom j'orne le frontispice
Des derniers vers que ma Muse a polis.
Puisse le tout, ô charmante Phillis,
Aller si loin, que notre lôs 85 franchisse
La nuit des temps! Nous la saurons domter,
Moi par écrire, et vous par réciter.

Nos noms unis perceront l'ombre noire;
Vous régnerez long-temps dans la mémoire,
Après avoir régné jusques ici

Dans les esprits, dans les cœurs même aussi.
Qui ne connoît l'inimitable actrice
Représentant ou Phèdre ou Bérénice,
Chimène en pleurs, ou Camille en fureur?
Est-il quelqu'un que votre voix n'enchante?
S'en trouve-t-il une autre aussi touchante,
Une autre enfin allant si droit au cœur?

........

De mes Phillis vous seriez la première,
Vous auriez eu mon âme tout entière,
Si de mês vœux j'eusse plus présumé;
Mais en aimant, qui ne veut être aimé !
Par des transports n'espérant pas vous plaire,
Je me suis dit seulement votre ami,
De ceux qui sont amants plus qu'à demi;

Et plût au sort que j'eusse pu mieux faire!

La lettre que La Fontaine avoit adressée à la Champmeslé, est datée de la campagne en 1678;

Vers pour

une fête don

il alloit quelquefois passer l'automne au château 1675-1679` des Cours près de Troyes, avec une société choisie E. 54-58 rassemblée par M. Rémond des Cours, frère du fermier général. On y composoit des pièces de vers, et c'est dans cette société que paroissent avoir été née à Troyes faits ces vers pour des bergers et des bergères dans une fête donnée à Troyes en 1678, que Grosley a publiés, et qu'il attribue à La Fontaine, mais sans en apporter aucune preuve 37.

Nos lecteurs ont pu remarquer, dans le prologue de Belphegor, avec quelle confiance La Fontaine, que tant de biographes ont dépeint comme s'ignorant lui-même, parle.des succès de sa Muse,

Nos noms unis perceront l'ombre noire,
Moi par écrire....

en 1678.

sies, troisième et quatrième partie. 1678-1679.

Sa conviction étoit à cet égard d'autant plus Fables choigrande que lorsqu'il traçoit ces vers, il avoit publié, en 1678 et en 1679, son second recueil de fables dédié à Mme de Montespan, à laquelle il disoit aussi,

Protégez désormais le livre favori

Par qui j'ose espérer une seconde vie.

88

2

Le nouveau recueil ne renfermoit que cinq livres, ce qui faisoit, avec le premier qui fut de nouveau publié, corrigé et augmenté par l'auteur, onze livres de fables. Le douzième et dernier ne parut que longtemps après, et devoit être le chant du cygne. Ces nouvelles fables mirent le sceau à la réputation de La Fontaine. Elles se terminoient par un épilogue consacré à la louange du roi, qui, quoi qu'on en ait dit, encourageoit notre poëte, quand il usoit de

« AnteriorContinua »