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jours chez moi, mais pour ma femme.

- Eh! 1621-1643

» mon ami, je ne t'aurois jamais soupçonné d'une Et. 1-22

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pareille inquiétude, et je te proteste que je ne

» mettrai plus les pieds chez toi. -Au contraire,

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reprend La Fontaine, en lui serrant la main, j'ai fait ce que le public vouloit; maintenant,

je veux que tu viennes chez moi tous les jours, » sans quoi je me battrai encore avec toi. » Les deux antagonistes s'en retournèrent, et déjeunèrent gaiement ensemble ".

La Fontaine avoit atteint sa vingt-deuxième 1643-1654 année, et n'avoit pas donné le moindre signe du Et.22-33 penchant qui devoit bientôt l'entraîner vers la poésie. Un officier qui se trouvoit en quartier La Fontaine d'hiver à Château-Thierry, lut un jour devant lui, avec emphase, l'ode de Malherbe sur la mort de Henri IV 13, qui commence ainsi :

13

Que direz-vous, races futures,
Si quelquefois un vrai discours
Vous récite les aventures

De nos abominables jours?

Il écouta cette ode avec des transports mécaniques de joie, d'admiration et d'étonnement, semblable à un homme qui, né avec le génie de la musique, auroit été nourri dans un désert, et qui entendroit tout à coup un instrument harmonieux savamment touché, résonner à ses oreilles : telle fut l'impression que firent sur La Fontaine les vers de Malherbe. Il se mit aussitôt à lire cet auteur; il passa les nuits à l'apprendre par cœur,

prend du goût

pour la poé

anciens.

1643-1654 et il alloit le jour le déclamer dans les lieux soliAt. 22-33 taires. Bientôt il fit des vers dans le genre de ceux de ce poëte, ou plutôt il imita ses défauts, ses expressions ampoulées, et ses froides antithèses. Heureusement un de ses parents, nommé Pintrel, auquel il communiqua les premiers essais de sa Muse, lui fit comprendre que, pour se former le goût et pour développer son talent, il ne devoit pas se borner à lire nos poëtes français, mais qu'il Il étudie les falloit aussi lire et relire sans cesse Horace, Homère, Virgile, Térence et Quintilien 14. Il se rendit à ce sage conseil; et un de ses amis, M. de Maucroix, qui avoit fait une étude particulière des orateurs anciens, contribua aussi à l'affermir dans la route où il s'étoit engagé, et à lui inspirer cette admiration pour l'antiquité, qui dégénéra même en lui en une sorte de préjugé superstitieux. La Fontaine fit surtout ses délices de Platon et de Plutarque, quoiqu'il ne pût les lire que dans des traductions. D'Olivet a tenu les exemplaires qui lui avoient appartenu, et il a remarqué qu'ils étoient notés de sa main presque à chaque page, et que la plupart de ses notes étoient des maximes qu'on retrouve dans ses fables.

La Fontaine a témoigné d'une manière touchante sa reconnoissance envers Pintrel et Maucroix, en publiant, après la mort du premier, sa traduction des Epîtres de Senèque 15, et en prêtant au second, pour faciliter le débit de ses ouvrages, le secours de son nom et de ses poésies.

S

ses auteurs fa

L'étude des anciens ne fit pas négliger à La Fon- 1643-1654 taine celle des modernes; mais parmi ceux qui £t. 22-33 avoient écrit dans sa langue, aucun alors, si on excepte Corneille, n'étoit digne d'être pris pour modèle : aussi il se borna à un petit nombre, et s'attacha principalement à Rabelais, Marot et Voiture. L'Astrée de d'Urfé l'amusa long-temps; mais, excepté ces auteurs favoris, il se plaisoit davantage Quels étoient avec les Italiens, surtout avec Arioste, Bocace et voris. Machiavel 16; non pas, dit un habile critique, le Machiavel du Prince et de l'Histoire de Florence, mais celui de la Mandragore, de la Clytic, et de la nouvelle de Belphegor. Il est possible qu'en effet La Fontaine préférât le conteur et l'auteur comique à l'historien et au politique; mais plusieurs passages de ses écrits prouvent cependant qu'il savoit trèsbien apprécier celui-ci "7.

La Fontaine, quoiqu'éloigné de la capitale, indépendamment des conseils de ses deux Aristarques, Pintrel et de Maucroix, avoit des encouragements dans sa propre famille, qui contribuèrent au développement de ses talents poétiques. Son père aimoit passionnément les vers, quoiqu'il fût incapable de les bien juger, et plus encore d'en faire. Il fut enchanté que son fils devînt poëte, et il fut pour lui un auditeur toujours prêt et toujours indulgent. La Fontaine consultoit aussi avec avantage sa femme et sa sœur, qui toutes deux avoient de l'instruction, de l'esprit, et du goût 18.

Le premier ouvrage que publia La Fontaine,

1654

fut

Et. 33.

1654 la traduction de l'Eunuque, de Térence, en vers, Et. 33 qui fut imprimée en 1654 (in-4° 19). Un des plus

comédie imi

ce, 17 août

1654.

concis, mais non pas un des moins spirituels

biographes de notre poëte, a cité les premiers L'Eunuque, vers de cette pièce, afin de prouver qu'elle étoit tée de Téren écrite dans le style de la bonne comédie. Ce biographe a raison de dire qu'il n'a pas usé de tous ses avantages; car, en effet, il y a plusieurs autres scènes mieux écrites que le commencement de celle qu'il cite 20. Mais nous pensons qu'il a tort d'avancer que cette pièce ne méritoit pas l'indifférence avec laquelle le public la reçut. La Fontaine ne s'étoit point proposé, ainsi qu'il le déclare dans sa préface, de reproduire l'Eunuque de Térence, il voulut seulement l'imiter. Son ouvrage est une traduction trop libre et une imitation trop servile; c'est une comédie ancienne avec des formes modernes elle manque, par conséquent, de vraisemblance; elle est froide et sans intérêt; le style, quoique assez passable, est loin de donner une idée du naturel exquis, et de l'élégante simplicité, de celui de l'auteur latin.

1654-1658 La Fontaine, dont les passions, quoique forteE. 33-37 ment empreintes dans lui par la nature, furent tou

jours douces et modérées, et qui ne voyoit en elles que des causes de jouissance et des moyens de bonheur, ne fut point détourné du penchant qui l'entraînoit vers la poésie, par le peu de succès de son premier ouvrage; et sans soin du présent, sans inquiétude pour l'avenir, il cultivoit les Muses obscu

est présenté à

rément dans sa ville natale, lorsqu'un des parents de 1654-1658 sa femme, nommé Jannart, l'emmena à Paris et t. 33-37 le présenta à Fouquet. Jannart étoit l'ami et le substitut de Fouquet dans la charge de procureurgénéral au parlement de Paris". Ce surintendant La Fontaine des finances, encore plus célèbre par sa disgrâce Fouquet. que par ses succès, à l'exemple du premier ministre Mazarin, avoit profité des désordres des temps pour accumuler d'immenses richesses. Il mettoit alors à en jouir le même empressement qu'il avoit montré pour les acquérir. Doué d'une grande capacité pour les affaires, d'une prodigieuse facilité pour la rédaction, d'un esprit très-orné, prompt, adroit, fertile en expédients; mais né avec un caractère ardent et présomptueux, vain et avide de louanges; réunissant toutes les passions, et voulant toutes les satisfaire à la fois; corrompant, à la cour, les hommes pour son ambition, et les femmes pour ses plaisirs; ne connoissant, pour ses desseins, d'autre puissance que celle de l'or, et cependant n'étant pas dénué de grandeur d'âme tel étoit Fouquet. Il éclipsoit, par son luxe, le souverain même ". Il savoit distinguer et encourager, par des largesses, les gens de lettres et les artistes qui naissoient alors à la gloire. L'homme le plus éloquent de ce temps, Pélisson, étoit son premier commis; Le Nostre dessinoit ses jardins; il commandoit à Le Brun des tableaux pour ses palais, et à Molière des pièces pour ses fètes. La Fontaine plut à Fouquet; celui-ci le prit pour son poëte, se l'attacha, et lui fit une pension de mille

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