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Poëme de la

Captivité de suint Malc. 1673.

Loué par Brun et J. B. Rousseau.

poëme.

les instances de MM. de Port-Royal, lui fit traiter 1671-1675 le sujet de la Captivité de Saint-Malc, non que ce Æt. 50-54 poëme qu'il dédia au cardinal de Bouillon, soit dépourvu de mérite; Jean-Baptiste Rousseau l'estimoit, dit-on; et Le Brun, impie par nature, our Le dans une note manuscrite de son exemplaire des OEuvres diverses de La Fontaine, en porte ce jugement: « Ce petit poëme, quoique le sujet en soit pieux, est rempli d'intérêt, de vers heureux et de beautés neuves "7. » Malgré des autorités aussi imposantes, nous oserons dire que, dans cet écrit, La Fontaine est resté au-dessous de son sujet; c'est, suivant nous, un des plus beaux, qui puissent se présenter sous la plume d'un poëte. Quoi de plus Sujet de ce digne en effet des couleurs de la poésie, qu'un jeune homme et une jeune et belle vierge, qui tous deux ont fait vœu de chasteté; qui, tous deux d'un rang élevé, deviennent esclaves par le sort de la guerre; qui sont envoyés dans un désert pour y garder les troupeaux, et qui, pour obéir à leurs vœux sacrés, résistent aux désirs qui les consument, à tout ce que l'amour peut offrir de tentations, sous un climat brûlant, dans la silencieuse solitude du désert, quand rien ne peut les distraire du charme irrésistible qui les entraîne l'un vers l'autre, quand aucun obstacle ne s'oppose à leur ineffable bonheur, si ce n'est la crainte d'offenser le Dieu qu'ils adorent? Mais ils se voient soumis à des épreuves plus difficiles encore pour éviter la : mort, dont ils sont menacés, il leur faut feindre un

1671-1675 hyménée qu'exige un maître avare et cruel qui veut Et. 50-54 multiplier le nombre de ses esclaves. La même

couche reçoit et l'amant et l'amante : ils s'exhortent mutuellement à une résistance, qui paroît impossible; bientôt le fougueux jeune homme presse contre son sein la vierge dans la coupable espérance de lui faire partager le délire auquel il est en proie. Elle résiste; et son éloquence toute divine triomphe de celui qui la contemple avec délices, et qui l'écoute avec admiration. Alors tous deux à genoux, enlacés dans les bras l'un de l'autre, lèvent au ciel leurs yeux baignés de pleurs, et reportent vers Dieu tous ces sentiments d'amour dont leurs coeurs sont embrasés. Cependant la nature trop foible succomberoit à tant de tourments: ils fuient ensemble, sont poursuivis, s'élancent dans la caverne d'une lionne furieuse qui allaitoit ses petits: par un miracle inattendu, l'animal féroce les protège, et met en pièces l'Arabe, dont le cimeterre déjà levé sur eux alloit leur donner la mort. Enfin, après avoir échappé à mille dangers, ils arrivent à une bourgade chrétienne, se disent un éternel adieu; et, fidèles aux vœux qu'ils avoient formés, ils se renferment pour toujours dans des cloîtres différents, et demandent à Jésus-Christ, au pied des autels, la céleste récompense d'un si douloureux sacrifice.

Dans l'invocation à la Vierge, qui commence ce poëme, La Fontaine s'exprime ainsi :

Mère des Bienheureux, Vierge, enfin je t'implore,
Fais que dans mes chansons aujourd'hui je t'honore;

Bannis-en ces vains traits, criminelles douceurs,
Que j'allois mendier jadis chez les Neuf Seurs.

Ces vers ont fait croire que La Fontaine avoit écrit ce poëme dans un accès de repentir. Si ce repentir eut lieu, il ne fut pas de longue durée; car il ne tarda pas à composer de nouveaux contes, au moins aussi licencieux que les premiers.

1671-1675

Et. 50-54

La Fontaine par la mort

perd sa charge

d'Henriette d'Angleterre,

Ses ouvrages lui avoient fait une grande réputation, mais n'avoient été d'aucune utilité à sa fortune, que son insouciance, son inexpérience pour les affaires, et son peu de conduite avoient presque anéantie. Heureusement que son caractère lui avoit procuré beaucoup d'amis : ils s'étoient occupés à lui assurer une honorable indépendance, et ils avoient le réussi en lui obtenant, ainsi que nous l'avons déjà dit, la charge de gentilhomme de MADAME 28; mais les espérances que pouvoit lui faire concevoir cette place honorable et lucrative, s'évanouirent par la mort de cette aimable princesse, qui périt empoisonnée, victime du plus lâche et du plus noir attentat 29.

1670.

29

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La Sablière le

rire

elle.

chez

Ce fut alors que Mme de La Sablière fit cesser la Madame de position pénible où se trouvoit La Fontaine, en le retirant chez elle 30. Elle l'a gardé tant quelle a vécu, et lorsqu'elle-même, ainsi que nous le dirons, avoit abandonné sa maison, lorsque le poëte lui étoit devenu indifférent, et qu'elle ne pouvoit plus chérir dans La Fontaine que l'ami sincère et dévoué. Elle lui épargna pendant vingt ans tous les tracas de la vie; elle pourvoyoit, dit d'Olivet, à

1671-1675 tous ses besoins; persuadée qu'il n'étoit guère caEt. 50-54 pable d'y pourvoir lui-même. La Fontaine devint une partie inséparable de sa famille. « J'ai renvoyé tout mon monde, disoit-elle un jour; je n'ai gardé que mon chien, mon chat et La Fontaine 3. » » Elle avoit une telle confiance dans la sincérité de ses discours, qu'elle répétoit souvent : « La Fontaine ne ment jamais en prose3. » Le lecteur ne sera pas étonné si la vie de Mme de La Sablière se trouve désormais mêlée avec la vie de La Fontaine : rien de ce qui concernoit les destinées de cette généreuse bienfaitrice, ne pouvoit être étranger à celles de notre poëte. Essayons donc de la faire connoître.

Madame

de

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Portrait de Parmi ce grand nombre de femmes charmantes La Sablière. douées des dons de la beauté et de ceux de l'esprit, qui exercèrent, suivant nous, une si forte influence sur la perfection de la littérature et des arts dans le siècle de Louis XIV, nulle ne fut plus remarquable que Mme de La Sablière. Non seulement elle entendoit parfaitement la langue du siècle d'Auguste, et savoit par cœur les plus beaux vers Son goût d'Horace et de Virgile, mais elle n'étoit étrangère à aucune des connoissances humaines cultivées de son temps. Sauveur et Roberval, tous deux de l'académie des sciences, lui avoient montré les mathématiques, la physique et l'astronomie 33. Le célèbre Bernier, son ami particulier, et que, comme La Fontaine, elle avoit retiré chez elle, lui avoit enseigné l'histoire naturelle et l'anatomie, et l'avoit

pour les

sciences,

initiée aux plus sublimes spéculations de la philoso- 1671-1675 phie : c'est pour elle qu'il fit cet excellent abrégé Æt. 50-54 des ouvrages de Gassendi, où le système de ce précurseur de Newton et de Locke se trouve exposé avec plus de clarté que dans aucun autre 34. Tant de science dans Mme de La Sablière ne nuisoit en rien aux charmes de son sexe : sa maison étoit le Sa maison séjour des grâces, de la joie et des plaisirs. Les dez-vous des seigneurs de la cour les plus dissipés, tels que les Lauzun, les Rochefort, les Brancas, les La Fare, les de Foix, les Chaulieu, des étrangers illustres, tel que le comte Jean Sobiesky, qui devint depuis roi de Pologne, se réunissoient chez elle avec les hommes de lettres et les savants

35

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étoit le ren

plaisirs.

s'étoit répandue dans l'é

tranger.

Quoique Mme de La Sablière n'ait jamais rien Sa réputation écrit, telle étoit sa réputation dans l'étranger, que Bayle, en rendant compte, dans son journal, d'un livre, que Bernier avoit dédié à cette dame, dit : « Mme de La Sablière est connue partout pour un esprit extraordinaire et pour un des meilleurs ; M. Bernier, qui est un grand philosophe, ne doute pas que le nom illustre, qu'il a mis à la tête de ce traité-là, n'immortalise son ouvrage, plus que son ouvrage n'immortalisera ce nom 36. » Louis XIV, à l'œil scru- Louis XIV tateur duquel aucun genre de mérite n'échappoit, guer. sut apprécier Mme de La Sablière, et l'honora plusieurs fois de ses dons 37. Ce n'est pas seulement La Fontaine, qui loue, dans cette femme célèbre,

.Ses traits, son souris, ses appas,

Son art de plaire, et de n'y penser pas,

sut la distin

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