1669-1671 assez médiocres, mais qui méritent de nous arrêter Et. 48-50 un instant, parce que La Fontaine s'y peint avec sa franchise ordinaire. Il y raconte ses premières intrigues amoureuses ces petites mésaventures, résultat de l'inexpérience du jeune âge, dont on se garde bien de se vanter dans un âge plus avancé, Aveux de La La Fontaine en fait l'aveu avec une naïveté pleine ses premières de charme. Il se plaint à l'Amour de toutes les inhu Fontaine sur amours. maines, qui lui ont fait connoître șes peines, et non J'aimai, je fus heureux : tu me fus favorable Innocent! ah! pourquoi hâtoit-on mon bonheur? Chloris se pressa trop 20. Une seconde, au contraire, qu'il nomme Amarylle, le fait attendre un an; au bout de ce temps elle lui donne un rendez-vous : il s'y rend. Ni joueur, ni filou, ni chien ne me troubla. Vient une troisième : On la nomme Phyllis; elle est un peu légère : Le reste ne tenoit qu'à quelque rose encor. Sur le point que j'allois surmonter cette honte, On me vint interrompre au plus beau de mon conte; Iris entre et depuis je n'ai pu retrouver L'occasion d'un bien tout près de m'arriver 21. 1669-1671 Après s'être plaint ainsi à l'Amour de plusieurs autres belles, il s'adresse à Climène, dont il est amoureux ; mais elle regrette un objet chéri, et refuse d'écouter ses voeux; alors il se dit à lui-même : Que faire? mon destin est tel qu'il faut que j'aime, Il aime à s'engager, mais non pas pour toujours. Si l'on ne suit l'amour, il n'est douceur aucune. Et pour me rendre heureux un souris peut suffire 22. On n'a jamais mieux loué les femmes, ni rien dit de plus galant et de plus flatteur pour leur vanité. Les vers suivants respirent une véritable passion. yeux, Devant que sur vos traits j'eusse porté les J'étois touché des fleurs, des doux sons, des beaux jours: Adieu, plaisirs, honneurs, louange bien aimée : Si ces élégies se soutenoient toujours sur ce ton, Et. 48-50 1669-1671 elles seroient au nombre des meilleurs ouvrages de 1.48-50 La Fontaine ; mais malheureusement il n'en est pas La Fontaine ainsi. N'oublions pas de remarquer que, malgré sa précier. modestie, La Fontaine savoit fort bien s'apprécier, savoit s'ap Madame de La Fontaine et ses ouvra ges. puisqu'ici il ne craint pas de dire qu'il est aimé d'Apollon, et qu'il peut donner la gloire: mes lecteurs auront encore plus d'une occasion de faire cette observation. La plus grande récompense qu'il promet à ses bienfaiteurs, à ceux qu'il chérit, ou aux belles qu'il veut flatter, est toujours de leur élever un temple dans ses vers. Jugement de Ces deux volumes, que La Fontaine publia dans Sévigné sur l'année 1671, charmèrent Mine de Sévigné, qui les envoya à sa fille, qu'elle interrogea ensuite ainsi, dans une première lettre : « Mais n'avez-vous point trouvé jolies les cinq ou six fables de La Fontaine qui sont dans un des tomes que je vous ai envoyés ? Nous en étions ravis l'autre jour chez M. de La Rochefoucauld: nous apprîmes par coeur celle du singe et du chat; » puis elle en cite quelques vers, et ajoute : « Et le reste. Cela est peint; et la Citrouille, et le Rossignol, cela est digne du premier tome. » Il paroît que Mme de Grignan, dont le goût étoit plus dédaigneux et moins sûr que celui de sa mère, critiqua ces nouvelles productions de La Fontaine ; car Mme de Sévigné lui répondit : « Ne rejetez pas si loin ces derniers livres de La Fontaine ; il y a des fables qui vous raviront; et des contes qui vous charmeront la fin des Oies de frère Philippe, les Rémois, le Petit Chien, tout cela est très-joli : il n'y a que ce qui n'est point de ce style qui est plat. Je 1669-1671 voudrois faire une fable qui lui fit entendre combien Et. 48-50 cela est misérable de forcer son esprit à sortir de son genre, et combien la folie de vouloir chanter sur tous les tons fait une mauvaise musique : il ne faut pas qu'il sorte du talent qu'il a de conter 24. » Ce défaut de constance, que Mme de Sévigné re- Jugement de prochoit à La Fontaine, il le connoissoit, et il sur lui-même s'en accuse de manière à se le faire pardonner par tous ceux qui sont sensibles aux charmes de la poésie : Papillon du Parnasse et semblable aux abeilles, A qui le bon Platon compare nos merveilles, Je vais de fleur en fleur, et d'objet en objet. A beaucoup de plaisirs je mêle un peu de gloire. Si dans un genre seul j'avois usé mes jours; Mais quoi! je suis volage en vers comme en amours 25. La Fontaine de La Harpe sur ce juge ment. La Harpe observe sur ces vers, qu'après les Fables Observations et les Contes, il n'étoit guère possible à La Fontaine d'aller plus haut; que les différents genres qu'il a essayés, n'étoient pas cependant tous étrangers à son génie, et nous ont valu des ouvrages assez agréables, pour qu'on lui sache gré de s'en être occupé. On peut ajouter avec vérité que, quand La Fontaine s'est écarté tout-à-fait des genres qui lui étoient propres, ce fut pour céder aux instances de ses amis, auxquels il ne savoit pas résister, et qui abusoient de la facilité de son caractère. Ainsi HenriLouis de Loménie, comte de Brienne, qui, après La Fontaine tances de son cède aux ins ami, Louis de Loménie comte de Brienne, 1669-1671 avoir été secrétaire d'Etat, s'étoit retiré à l'Oratoire, Et. 48-50 fut engagé par sa mère et par les personnes qui s'intéressoient à l'éducation du jeune prince de Conti, de former un recueil des meilleures poésies chrétiennes : on imagina ensuite de prier La Fontaine, que M. de Loménie nomme, dans ses Mémoires, son ami particulier, de prêter son nom à ce recueil, afin, par cette pieuse fraude, de lui procurer plus de débit, et on ajouta un troisième volume de poésies diverses aux deux volumes de poésies chrétiennes. La Fontaine se prêta sans difficulté à ce projet; il consentit à ce qu'on ornât le recueil de poésies diverses, de quelques unes de ses fables, et de quelques autres morceaux de lui laisse déjà imprimés; il rima une longue paraphrase du son nom le psaume XVII, et composa une épître dédicatoire et paroitre sous Recueil de chré Poésie au prince de Conti. Ainsi parut, sous la protection tiennes et di verses. 3 vol. 20 déc. 1670. du nom de l'auteur de Joconde et de la Courtisane amoureuse, le Recueil de Poésies chrétiennes et di- De ce nouveau recueil je t'offre l'abondance, C'est la même facilité de caractère, qui, d'après |