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depuis le langage simple, mais harmonieux, et 1667-1669 cadencé d'une Muse gracieuse et familière, jusqu'aux t. 46-48 plus sublimes élans de l'enthousiasme poétique.

J.B. Rousseau

luttent sans

succès contre La Foutaine.

Boileau et Jean-Baptiste Rousseau, les deux plus Boileau et habiles versificateurs que la littérature française ait produits, ont tous les deux, lorsqu'ils se trouvoient dans toute la force de leur talent, refait, après La Fontaine, la fable du Bücheron et de la Mort; ils ont succombé dans la lutte, et prouvé combien il étoit difficile d'égaler de bon-homme, même dans celes de ses fables, qui ne sont pas au nombre des plus remarquables.

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La Fontaine,

selon Champ

fort.

Le style de La Fontaine, dit Champfort, est peut- Du style de être ce que l'histoire littéraire de tous les siècles offre de plus étonnant. C'est à lui seul qu'il étoit réservé de faire admirer dans la brièveté d'un apologue, l'accord des nuances les plus tranchantes, et l'harmonie des couleurs les plus opposées. Souvent une seule fable réunit la naïveté de Marot, le badinage et l'esprit de Voiture, des traits de la plus haute poésie, et plusieurs de ces vers que la force du sens grave à jamais dans la mémoire. Nul auteur n'a mieux possédé cette souplesse de l'âme et de l'imagination 'qui suit tous les mouvements de son sujet. Le plus familier des écrivains devient tout à coup, et naturellement, le traducteur de Virgile et de Lucrèce; et les objets de la vie commune sont relevés chez lui, par ces tours nobles et cet heureux choix d'expressions, qui les rendent dignes du poëme épiques". >>

1667-1669 « Le plus original de nos écrivains, dit La Harpe, Et. 46-48 en est aussi le plus naturel. Il ne compose pas,

Harpe.

Selon La il converse. S'il raconte, il est persuadé, il a vu : c'est toujours son âme qui vous parle, qui s'épanche, qui se trahit; il a toujours l'air de vous dire son secret, et d'avoir besoin de le dire; ses idées, ses réflexions, ses sentiments, tout lui échappe, tout naît du moment. Il se plie à tous les tons, et il n'en est aucun qui ne semble être particulièrement le sien tout, jusqu'au sublime, paroît lui être familier. Il charme toujours, et n'étonne jamais. Ce naturel domine tellement chez lui, qu'il dérobe au commun des lecteurs, les autres beautés de son style. Il n'y a que les connoisseurs qui sachent à quel point La Fontaine est poëte, ce qu'il a vu de ressources dans la poésie, ce qu'il en a tiré de richesses. On ne fait pas communément assez d'attention à cette foule d'expressions créées, de métaphores hardies toujours si naturellement placées, que rien ne paroît plus simple. Aucun de nos poëtes n'a manié plus impérieusement la langue; aucun surtout n'a plié si facilement le vers français à toutes les formes imaginables. Cette monotonie, qu'on reproche à notre versification, chez lui, disparoît absolument. Ce n'est qu'au plaisir de l'oreille, au charme d'une harmonie, toujours d'accord avec le sentiment et la pensée, que l'on s'aperçoit qu'il écrit en vers. Il dispose si heureusement ses rimes, que le retour des sons semble toujours une grâce et jamais une nécessité. Nul n'a mis dans les rhythmes

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une variété si prodigieuse et si pittoresque; nul n'a 1667-1669 tiré autant d'effets de la mesure et du mouvement. Et. 46-48 Il coupe, brise ou suspend son vers comme il lui plaît. L'enjambement qui sembloit réservé aux vers grecs et latins, est si commun dans les siens, qu'à peine y fait-on attention. L'harmonie imitative des anciens, si difficile à égaler dans notre poésie, La Fontaine la possède dans le plus haut degré. C'est de lui surtout qu'on peut dire qu'il peint avec la parole. Dans aucun de nos auteurs on ne trouvera un si grand nombre de tableaux dont l'agrément soit égal à la perfection 83.

>>

Ce grand critique, devenu plus sévère vers la fin de sa carrière, a encore ajouté, dans son Cours de Littérature, aux éloges qu'il avoit faits de La Fontaine; et il faut remarquer, en effet, qu'on apprécie davantage cet auteur, à mesure qu'on avance en âge. Son bon sens nous paroît d'autant plus exquis, son style d'autant plus enchanteur, qu'une longue expérience, et beaucoup de lecture, nous ont fait voir l'inanité de tant d'orgueilleux systèmes, l'éclat trompeur de tant de phrases sophistiques ou vides de sens, et l'odieuse affectation de tant de vertus factices. Tous nos grands écrivains, soit en vers, soit en prose, se sont plus à rendre hommage au talent de La Fontaine, et lui ont tous reconnu le même genre de mérite. Remarquons aussi que la plupart ne l'ont pas loué comme un auteur que l'on admire, mais comme un ami que l'on chérit; plusieurs même, inspirés par un tel sujet, ont déployé alors un talent

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celui des en

peuple.

1667-1669 de style, qu'on ne retrouve pas au même degré dans Et. 46-48 leurs autres ouvrages $5. Si La Fontaine plaît tant aux esprits délicats et cultivés, on peut dire qu'il Il est aussi n'est aucun de nos poëtes qui soit plus à la portée des fants et du enfants, et dont les ouvrages renferment en même temps plus de ces traits propres à être goûtés de l'homme du peuple. C'est un prodigieux mérite dans un livre de morale, d'avoir ainsi su prendre tous les tons pour plaire à tous les esprits; car la morale, et les conseils de la sagesse, sont un besoin pour toutes les époques de la vie, pour tous les rangs et pour toutes les classes 86.

lui a rendu

La suite des années a toujours amené de nouveaux éloges de La Fontaine, et en a fait varier les formes;

mais c'est encore un bonheur attaché à la destinée de Son siècle ce poëte, que son mérite, pour être reconnu, n'eut justice. point à lutter contre ses contemporains; son siècle a parlé de lui comme le siècle suivant, et le jugement de la postérité a commencé pour lui de son vivant.

à Maucroix,

Quatre des fables de ce premier recueil sont dédiées Fable dédiée à différentes personnes. La première fable du troisième livre est adressée à M. de Maucroix 87, cet intime ami de La Fontaine, dont nous avons déjà au cardinal parlé. La première fable du cinquième livre l'est au de Bouillon, cardinal de Bouillon 88; le commencement prouve

que La Fontaine méditoit beaucoup sur son art, et
qu'il consultoit souvent le cardinal; car il lui dit :

Votre goût a servi de règle à mon ouvrage
J'ai tenté les moyens d'acquérir son suffrage.

L'on sait en effet que le cardinal de Bouillon avoit

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beaucoup d'esprit et d'instruction. La première fable 1667-1669 du quatrième livre est adressée à Mlle de Sévigné, Æl. 46-48 depuis, Mme de Grignan 9, helle, mais froide et à Mademoiréservée. Aussi La Fontaine lui dit :

Sévigné de qui les attraits

Servent aux Grâces de modèle,

Et qui naquîtes toute belle,

A votre indifférence près.

selle de Sé

vigné,

de La Rochefoucauld.

La onzième fable du premier livre est adressée à à M. le dne M. le duc de La Rochefoucauld, et c'est moins une fable qu'un éloge 9° ingénieux du célèbre livre des Maximes.

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est lié avec Madame de

La Fontaine ne pouvoit être lié avec le duc de La La Fontaine Rochefoucauld, sans l'être avec Mme de La Fayette, La Fayette. qui pendant vingt-cinq ans fut sa constante amie. Cette femme, si remarquable par son goût, son esprit, et la sûreté de son jugement et de son commerce, étoit consultée avec fruit et célébrée par tous les beaux esprits de ce temps". Ménage lui avoit enseigné le latin, et la chanta souvent dans la langue qu'il lui avoit apprise. C'est elle qui composa les premiers romans, écrits avec goût, qui existent dans notre langue. Parmi les gens de lettres qu'elle se plaisoit à recevoir chez elle, et qui s'y trouvoient réunis avec les hommes et les femmes les plus aimables de la cour 92, étoit le savant Huet, qui fit pour elle le Traité de l'Origine des Romans; Segrais, qui lui fut utile pour la composition de ses ouvrages, et enfin La Fontaine, qu'elle goûtoit beaucoup. Il lui fit un Epitre jour présent d'un petit billard qu'il accompagna de La Fayette.

Madame de

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