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fût effectué. Cette observation fut faite pour sauver ces dames du danger auquel elles étaient exposées. Voici la déclaration pleine de noblesse que fit la reine.

Déclaration de la reine.

Je déclare que le roi désirant partir avec ses enfants, rien dans la nature n'aurait pu m'empêcher de le suivre. J'ai assez prouvé, depuis deux ans, dans plusieurs circonstances, que je voulais ne le quitter jamais. Ce qui m'a encore plus déterminée, c'est l'assurance que j'avais que le roi ne voulait pas quitter le royaume s'il en avait eu le désir, toute ma force eût été employée pour l'en empêcher.

La gouvernante de mon fils était malade depuis trois semaines, et n'a reçu les ordres que peu de temps avant le voyage; elle en ignorait absolument la destination. Elle n'a emporté avec eile aucune espèce de hardes, et j'ai été obligée moi-même de lui en prêter.

Les trois courriers n'ont pas su la destination ni le but de leur voyage. Sur le chemin on leur donnait de l'argent pour payer leurs chevaux; ils recevaient l'ordre pour la route. Les deux femmes de chambre ont été averties dans l'instant même du départ, et l'une d'elles, qui a son mari dans le château, n'a pu le voir avant le départ.

Monsieur et Madame devaient venir nous joindre en France; ils ne sont passés dans le pays étranger que pour ne pas nous embarrasser, et ne pas faire manquer les chevaux sur la route.

Nous sommes sortis de l'appartement de M. de Villequier en prenant la précaution de ne sortir que séparément et à plusieurs reprises.

Signé MARIE-ANTOINETTE.

Ce fut un ami de Barnave, M. Muguet de Nanthou, qui fit le rapport sur l'événement relatif à la fuite de leurs majestés, et qui proposa la question de savoir si le roi pouvait être mis en cause. Il conclut à la négative, en rejetant tout l'odieux qu'il voyait dans cette fuite, sur M. de Bouillé et les autres personnes qui avaient servi le roi dans cette occasion, et il demanda que leur

procès fût fait à tous : il nomma MM. de Bouille, de Heyman, de Klinglin, Charles de Damas, de Choiseul, de Fersen, de Bouillé fils, d'Hofflize, Dandoins, de Goguelas, Desoteux, de Raigecourt, de Mandel, Talon, de Maldan, de Valory, Dumoutier, Mainesen.

On vient de voir ceux que l'assemblée mit en jugement. Dans la discussion qui s'éleva sur l'inviolabilité du roi, Louis XVI n'eut pour adversaires que Pétion, Prieur, Vadier, le curé Grégoire, Robespierre et Hébrard.

Pendant cette discussion, les jacobins voulurent faire une in surrection populaire pour demander la déchéance du roi. Un militaire, nommé Achille Duchâtelet, rédigeait alors un jour nal dans lequel il invoquait, d'un style d'énergumène, la république, le jugement de Louis XVI et celui de Marie-Antoinette. Laclos, secrétaire du duc d'Orléans, rédigea une pétition demandant la déchéance 1. Le jour était pris pour faire signer cette pétition au peuple, au champ de Mars, sur l'autel de la patrie. L'on avait choisi un dimanche, pour que l'affluence fût plus grande. Il fallut employer la force armée pour dissiper les attroupements que cette réunion de factieux avait formés. Il y eut une trentaine d'hommes tués au champ de Mars par la garde nationale. Les jacobins ne pardonnèrent jamais cette journée à l'état-major de cette garde, à Bailly qui proclama la loi martiale, et aux membres du comité de constitution. Ils les firent presque tous périr sur l'échafaud, deux ans après cette catastrophe, comme auteurs de l'assassinat des patriotes. La vérité m'oblige de dire que la garde nationale fit, en cette occasion, tout ce qui dépendait d'elle pour éviter l'effusion du sang; mais elle fut assaillie à coups de pierres 2, et si elle tira, ce fut plutôt étant sur la défensive que sur l'offensive. La première décharge dissipa en un clin d'œil tous ces attroupements. Je me trouvais alors du côté de la rivière opposé à l'École militaire ; j'y fus témoin de la dispersion de cette vile populace. Abreuvée de dé

1 Voyez, à ce sujet, les Mémoires de Fournier, Américain, qui fut depuis un madame Roland. des auteurs du massacre des prisonniers d'Orléans. La garde l'avait saisi; M. de la Fayette le fit relâcher.

Fs. B.

2 M. de la Fayette y fut manqué d'un coup de pistolet que lui tira le nommé

W.

:

goûts et d'humiliations de la part du peuple, honteuse du mal qu'elle avait fait, poursuivie par ses remords, l'assemblée nationale décréta enfin qu'elle se séparerait le 30 septembre. Elle avait décrété un comité de révision, qu'elle avait chargé de revoir les articles de la constitution; ce comité ne révisa presque rien : on était si honteux de l'ouvrage ridicule qu'on avait fait, qu'on ne mit nul intérêt à le conserver. On convoqua une nouvelle assemblée législative, dans laquelle il ne fut permis à aucun des membres de l'assemblée nationale de siéger. Ces secondes élections eurent lieu sous les plus défavorables auspices. La majorité des choix faits et connus annonçait déjà, dans la prochaine assemblée, un esprit détestable et c'était à ce nouveau sénat, ainsi composé, qu'on livrait le roi et la cour, sans défense et sans précaution!... La constitution fut présentée au roi; le roi accepta purement et simplement, sans faire aucune remarque sur ses nombreux défauts. La première sortie que le roi fit depuis son retour de Varennes fut pour se rendre à l'assemblée, afin d'y porter de vive voix son acceptation, et apposer sa signature à l'acte dit constitutionnel. Il fut placé sur une estrade assez pompeuse, mais sur la même ligne que le président de l'assemblée, M. Thouret, dont on remarqua la posture peu décente, dans une circonstance où il était si important de rendre à la majesté royale tous les égards et le respect qu'on avait cessé d'avoir pour elle. Louis XVI demanda un décret d'amnistie pour toutes les personnes qui avaient aidé sa fuite à Varennes, et il l'obtint au milieu des acclamations générales. Un Te Deum solennel, des illuminations brillantes, des fêtes pompeuses, célébrèrent cet événement; le roi et la reine s'y montrèrent, et recueillirent beaucoup d'applaudissements; mais Robespierre et Pétion, leurs ennemis les plus acharnés, furent portés en triomphe par la populace, en sortant de la dernière séance; ils en obtinrent la dénomination, l'un d'incorruptible, l'autre de vertueux, c'était annoncer assez les dispositions de la multitude pour le malheu reux prince, et le sort que les démagogues lui réservaient ainsi qu'à sa famille.

CHAPITRE V.

La famille royale pendant la révolution.

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législative. Événements principaux depuis le 1er octobre 1791 jusqu'au 20 septembre 1792. Déclaration de guerre à sa majesté l'empereur. Journée du 20 juin 1792. Fédération du 14 juillet. Arrivée des Marseillais à Paris. Journées et massacres du 10 août. Emprisonnement de la famille royale. Massacres du 2 septembre. L'auteur de ces Mémoires, emprisonné à l'hôtel de la Force, est sauvé des mains des assassins. - Il quitte la France, et passe en Angleterre.

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Quelle douloureuse impression s'empare de moi, au moment de commencer cette partie de l'histoire de mon auguste bienfaitrice! Il semble que cette idée devienne plus douloureuse et plus pénible à mesure que je m'enfonce plus avant dans le récit des époques les plus déchirantes d'une si illustre et si malheureuse destinée. Combien ils m'étaient plus doux à décrire ces temps que le commencement de ce volume devait traverser! ces jours de l'enfance heureuse, chérie, honorée de Marie-Antoinette; ces touchants et délicieux souvenirs de ses talents, de ses grâces et de ses vertus naissantes; ces fidèles peintures de sa brillante jeunesse, de ces scènes enivrantes d'hommage, de charme, d'entraînement, de culte, d'idolâtrie, qui se succédèrent et formèrent comme la chaîne de sa destinée, depuis l'époque de sa naissance auprès du trône de Marie-Thérèse jusqu'à celle qui la vit s'asseoir sur celui de son auguste époux, au milieu des regrets de l'Autriche, des cris de joie de la France, des bénédictions et des vœux portés à l'envi jusqu'au ciel par les peuples réunis de ces deux grands empires! Ces souvenirs, plus près de ma pensée et de ma plume qui devait d'abord les retracer, ranimaient mes forces au commencement de cette pénible et honorable carrière ! Tout m'abat, tout me décourage, tout m'anéantit aujourd'hui. J'ai déjà parcouru trois années d'injustices, de privations, de sacrifices, d'in

sultes, d'infortunes; et cependant tous ces malheurs ensemble disparaissent et s'effacent, en quelque sorte, auprès de ceux dont l'effrayant aspect me presse, me menace, et qu'il est cependant encore commandé à mes pieux efforts de retracer et de ressentir, pour ainsi dire, une seconde fois en les décrivant.

L'assemblée nationale avait paru vouloir s'arrêter, effrayée de ses propres excès, et repoussant de toutes ses craintes et de ses trop faibles efforts ce monstre de républicanisme, déjà trop excité par d'imprudentes clameurs et par l'anéantissement successif de tous les droits et de tous les appuis de la couronne... On voulait cependant relever sur ce sable mouvant le trône ébranlé de Louis XVI. Les plus furieux jacobins avaient payé de leur tête, au champ de Mars, l'erreur qui leur faisait méconnaître, quand ils ordonnaient l'obéissance aux lois, les signaux de ces mêmes hommes qui les avaient trouvés si dociles aux conseils de révolte et de destruction. Le fantôme d'une constitution s'était élevé à côté du trône, et, loin de se soutenir, ils s'affaiblissaient mutuellement. La nouvelle assemblée commença, par des outrages envers la royauté, cette prétendue mission de conservation, de restauration, d'affermissement, qui lui était transmise par ses devanciers; les tempêtes se formaient déjà sourdement, et grondaient de temps en temps pendant l'hiver, pour éclater pendant l'été avec la plus épouvantable fureur.

Cette partie de mon ouvrage commence au 1er octobre 1791, ot s'arrête au 20 septembre 1792. Les dix premiers mois de cette époque semblent n'être que les préliminaires du 10 août, et les quarante jours suivants, le prélude du triple régicide qu'ils enfantèrent.

L'assemblée constituante avait renversé le roi du trône de ses pères, qu'elle avait abattu ; l'assemblée législative le renversa du trône constitutionnel où l'assemblée constituante venait de l'asseoir avec si peu de précaution.

M. Bailly avait cédé la surveillance et l'administration de la capitale au factieux et républicain Pétion. Le commandant de la garde nationale, fatigué de sa longue insurrection, et honteux d'avoir été pendant deux ans le geôlier de ses maîtres, avait résigné son commandement et remis les augustes prisonniers à six

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