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nez-vous de moi. » Elle lui avait appris aussi à chérir les vertus de ces sujets fidèles qui, par leur dévouement généreux, avaient raffermi son trône chancelant.

Marie-Antoinette leur prouva un jour que si l'attachement et l'amour pour leurs souverains se transmettaient chez eux d'âge en âge, la reconnaissance et la bonté se perpétuaient de même dans la famille impériale. L'impératrice étant malade, des militaires hongrois attendaient dans son antichambre le moment où il leur serait permis de lui présenter une requête. L'archiduchesse les voyant, entra chez sa mère, et lui dit : « Maman, vos amis sont inquiets de votre santé, et désirent vous voir. Eh! quels sont ces amis? - Des Hongrois. A merveille, ma fille. » Leur demande fut accordée sur-le-champ.

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Mille traits de son enfance ne font pas moins l'éloge du cœur de Marie-Antoinette, dont la sensibilité compatissante s'étendait à toutes les classes de malheureux. Dans un hiver rigoureux, où les travaux publics furent presque suspendus, le peuple de Vienne souffrait beaucoup. Marie-Thérèse, en pourvoyant aux plus pressants besoins de sa capitale, ne perdait pas de vue ses provinces. Dans un des cercles de l'impératrice, on s'occupait des pauvres avec un tendre intérêt; la bienfaisance était comme naturalisée à la cour: Marie-Thérèse en donnait l'exemple.

On présentait des détails affligeants sur la misère de quelques habitants des faubourgs; l'archiduchesse, touchée jusqu'aux larmes, sort, et, revenant bientôt, présente une petite boîte à sa mère, en lui disant : « Voilà cinquante-cinq ducats, c'est tout ce que j'ai permettez qu'on les distribue parmi ces infortunés. Marie-Thérèse accepta le don; et, y ajoutant ses propres bienfaits, elle prit plaisir à les faire passer par les mains de la sensible princesse.

Elle s'était si fortement attaché tous les cœurs qui l'avaient environnée pendant son éducation, qu'à l'époque de son mariage la joie de la voir dauphine en France était entièrement comprimée à Vienne par la douleur de ne plus la posséder. Or a peine à se défendre de la superstition des pressentiments, quand on a vu les adieux de Marie-Antoinette à sa famille, à ses ser

viteurs et à son pays, en 1770. Hommes et femmes se livrèrent aux mêmes expressions de la douleur. Les avenues, comme les rues de Vienne, en retentirent. On ne rentrait chez soi qu'après avoir perdu de vue le dernier courrier qui la suivait, et l'on n'y rentrait que pour gémir en famille d'une perte commune. Longtemps cette triste impression se conserva, longtemps la capitale de l'Autriche rappelait moins l'idée d'un mariage, qu'elle ne présentait l'image d'un deuil. Hélas! le jour était déjà marqué, dans l'avenir, où ce deuil devait être terrible.

Tous les hommages du respect, tous les charmes de l'espérance, toute l'ivresse de l'amour public, attendaient à l'entrée du territoire français la fille de Marie-Thérèse, la jeune et jolie Dauphine de France. Partout sur son passage elle entraînait les

cœurs.

Les personnes de la suite de la Dauphine tâchaient de rendre la route agréable, et de multiplier ses plaisirs. Une des dames qui l'accompagnaient lui demanda, en plaisantant : « Êtes-vous bien empressée de voir monseigneur le Dauphin? » A cette question indiscrète, faite à une jeune personne sans expérience, la Dauphine fit une réponse qui donna la mesure de son esprit. Elle dit, avec un son de voix plein de dignité : « Madame, je serai dans cinq jours à Versailles; le sixième, je pourrai plus

1 La douleur de Marie-Thérèse, en se séparant de sa fille, est consignée dans la lettre que cette impératrice écrivit à son auguste gendre. On y retrouve ce mélange de courage et de sensibilité qui distinguait la mère de Marie-Antoinette. Voici cette lettre remarquable, qui devait avoir sa place dans les Mémoires de Weber: « Votre épouse, mon cher dau« phin, vient de se séparer de moi. Comme « elle faisait mes délices, j'espère qu'elle a fera votre bonheur: je l'ai élevée en << conséquence, parce que depuis long<< temps je prévoyais qu'elle devait para tager vos destinées. Je lui ai inspiré « l'amour de ses devoirs envers vous, « un tendre attachement, l'attention à « imaginer et à mettre en pratique les « moyens de vous plaire. Je lui ai tou« jours recommandé avec beaucoup de << soin une tendre dévotion envers le « maitre des rois, persuadée qu'on fait

amal le bonheur des peuples qui nous « sont confiés. quand on manque envers « celui qui brise les sceptres et renverse « les trônes comme il lui plaît.

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« Aimez donc vos devoirs envers Dieu. « Je vous le dis, mon cher dauphin, et je le dis à ma fille aimez le bien des « peuples sur lesquels vous régnerez tou<< jours trop tôt. Aimez le roi votre aïeul; « inspirez ou renouvelez cet attachement « à ma familie. Soyez bon comme lui; « rendez-vous accessible aux malheu« reux. Il est impossible qu'en vous con<<< duisant ainsi, vous n'ayez le bonheur << en partage. Ma fille vous aimera, j'en « suis sûre, parce que je la connais; << mais plus je vous réponds de son amour « et de ses soins, plus je vous demande a de lui vouer le plus tendre attachement. « Adieu, mon cher dauphin, soyez heu«reux je suis baignée de larmes. >> Fs. B.

aisément vous répondre. » Prenant ensuite l'air le plus enjoué, elle tâcha de faire oublier le ton de dignité qu'elle avait mis dans sa réplique.

Déjà Marie-Antoinette avait traversé les vastes provinces soumises au gouvernement paternel de Marie-Thérèse; déjà elle avait pénétré sur le territoire français. En l'apprenant, de nouvelles larmes s'échappèrent de ses yeux. Un seul mot sortit de sa bouche : « Je ne la verrai plus. » C'était une exclamation de sa piété filiale.

On arrive à Strasbourg. Le chapitre, le corps de la noblesse, et les membres de la magistrature municipale, lui sont présentés par le commandant de la province. Elle répond avec noblesse et bonté aux différentes harangues que l'étiquette lui faisait un devoir d'entendre. Cependant, embarrassée de ces compliments continuels, elle dit à une des dames de sa suite : « J'espère que toutes ces louanges ne me suivront pas toujours. Comme je n'ai encore rien fait pour les mériter, je vais m'occuper de m'en rendre digne. » Les habitants de Strasbourg, longtemps encore après son passage, parlaient avec enthousiasme de la beauté, de l'esprit et de la modestie de l'épouse du Dauphin."

La Dauphine quitte Strasbourg. Sur la route, tous les habitants des campagnes abandonnent leurs travaux ; ils accourent rendre hommage à l'épouse de ce Dauphin dont les vertus sont si chères à la France. Les chemins sont jonchés de fleurs; les jeunes filles ont mis leurs plus belles parures; elles présentent leurs bouquets à la jeune Marie-Antoinette, qui sourit à la naïveté des unes, daigne répondre aux compliments des autres, et les accueille toutes avec bonté. A vingt lieues de Strasbourg, les habitants des villages voisins s'étaient rassemblés. On entendait de toutes parts retentir les cris de vive la Dauphine! vive le Dauphin ! Le chemin était obstrué par la foule des spectateurs; les stores de la voiture de Marie-Antoinette étaient levés, et tous les spectateurs pouvaient à loisir contempler sa beauté, son sourire enchanteur, et sa douce physionomie. De jeunes paysans se disaient l'un à l'autre : Qu'elle est jolie notre Dauphine! Une dame qui était dans sa voiture lui fit remarquer ce propos, flatteur pour une jeune personne. « Madame, répliqua la Dau

phine, les Français ont pour moi les yeux de l'indulgence 1. » A quelques lieues de Châlons, un vieux pasteur, à la tête de ses paroissiens, s'approche de la voiture. Ses yeux baissés par respect ne s'étaient point encore levés sur la jeune Dauphine. Il avait pris pour texte de son petit discours ces paroles du Cantique des cantiques, Pulchra es et formosa. Il avait déjà articulé quelques phrases de sa harangue. Par hasard, au moment où, selon la manière des orateurs, il rappelait son texte, il jette un regard sur Marie-Antoinette. Au même instant sa mémoire est en défaut; il balbutie et s'arrête... L'archiduchesse s'empresse d'accepter le bouquet qu'il tenait dans ses mains. Le pasteur, pénétré de cet acte de bonté, lui dit aussitôt : « Madame, ne soyez pas surprise de mon peu de mémoire : à votre aspect, Salomon eût oublié sa harangue, il eût oublié sa belle Égyptienne, et vous eût avec bien plus de raison adressé ces mots : Pulchra es et formosa. »

Dans tous les lieux où la Dauphine fit quelque séjour, elle gagna les cœurs par son extrême douceur, par sa bonté et sa bienfaisance. Tous ceux qui l'avaient vue s'en retournaient enchantés, faisaient des vœux pour son bonheur, et se félicitaient de ce qu'un jour elle serait leur souveraine.

Dans quelques villes au-dessus de Compiègne, des professeurs et des écoliers vinrent la complimenter en latin: et quel fut l'étonnement de ces petits Cicérons, lorsque l'archiduchesse leur répondit dans la même langue, avec une facilité inconcevable!

Toute la cour était à Compiègne. Le duc de Choiseul fut audevant d'elle à quelques lieues de cette maison royale. Cette faveur lui était bien due. La princesse l'accueillit comme un ami,

Les Français ne furent pas seuls sensibles à cet empire de la beauté, qu'exerça longtemps Marie-Antoinette. Nous rapporterons à ce sujet une anecdote agréable et peu connue. Le souverain de la cour de Maroc avait, en 1778, un ambassadeur à la cour de France. Il fut admis au bal de la reine. Ses yeux parurent, étonnés de l'appareil de la fête, et frappés surtout du spectacle qu'offrait une foule de jeunes femmes plus remarquables peut-être par leur beauté que

par leur parure. S. A. R. M. le comte d'Artois, qui jouissait de sa surprise, lui fit demander à laquelle de toutes les femmes qu'il voyait il donnerait la préférence, la reine exceptée. Dites au prince, répondit l'ambassadeur à son interprète, que l'exception rend la réponse impossible. La galanterie française s'exprima cette fois par la bouche d'un Africain.

Fs. B.

dont les conseils pouvaient lui être utiles et aider son inexpérience.

`Louis XV, s'étant rendu à dessein à Compiègne, alla en grand cortége au-devant de madame la Dauphine, dans la forêt. Aussitôt qu'elle aperçoit le monarque, Marie-Antoinette descend de son carrosse et se jette à ses genoux. Louis est ému; il la relève, et l'embrasse affectueusement. Toute la cour admirait sa beauté, sa candeur: Louis XV, naturellement très-poli, et qui savait observer les bienséances, présenta lui-même la jeune princesse à son époux. Le Dauphin s'approche avec vivacité, saisit une de ses mains, et la baise avec transport. De temps à autre il jette sur elle des regards d'admiration. La Dauphine avait les yeux baissés; une aimable rougeur colorait ses joues.

Les dames qui présidaient à son coucher lui dirent : « Madame, vous avez enchanté tout le monde, mais particulièrement monsieur le Dauphin. On me voit ici avec trop d'intérêt, répondit Marie-Antoinette; mon cœur contracte des dettes qu'il ne pourra jamais acquitter; mais au moins on me tiendra compte, j'espère, du désir que j'en ai. »

Le lendemain même du jour où l'archiduchesse arriva à Compiègne, elle se mit en route avec toute la cour pour Versailles. Elle arrive à Saint-Denis, et demande à voir madame Louise 1. Cet hommage rendu aux vertus, à la vraie piété, lui mérita les respects et les éloges de tous les gens de bien.

et

Cependant les voitures prenaient la route de Versailles, tous les habitants de Paris et des villes voisines se répandaient entre Saint-Denis et la porte Maillot; les carrosses formaient une double haie, et le peuple applaudissait avec ivresse. Les équipages de la Dauphine sont obligés d'aller au petit pas; on se presse autour de sa voiture; on a joui de ce plaisir, on veut la revoir encore. On fit remarquer à l'aimable Dauphine combien son arrivée excitait d'enthousiasme. Dans sa réponse, elle eut l'art de laisser croire qu'elle s'était imaginé que tous les vœux étaient pour le roi. Elle disait : « Les Français ne voient jamais assez leur roi; ils ne peuvent me traiter avec plus de bonté qu'en me

Tante de M. le Dauphin depuis Louis XVI.

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