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pour, soit contre, la presse appelait à son aide la caricature. Le ministère avait alors pour doctrine qu'au roi seul appartenait le droit de fixer l'impôt l'assemblée des notables n'avait à donner d'avis, disait-il, que sur la manière de le percevoir. On colporta secrètement à ce sujet une caricature qui représentait uu fermier au milieu de sa basse-cour, entouré de poules, de coqs, de dindons, de canards. On lisait ce petit dialogue au bas de la gravure :

LE FERMIER.

« Mes bons amis, je vous ai rassemblés tous pour savoir à quelle sauce vous voulez qu'on vous mange.

UN COQ, dressant sa crête.

« Mais nous ne voulons pas qu'on nous mange.

LE FERMIER.

« Vous vous écartez de la question '. »

Comment ne pas sourire et ne pas s'affliger? C'est avec cette verve joyeuse qu'on s'avançait vers la révolution; voilà de quelle manière on préludait par des facéties aux révoltes, par des caricatures aux massacres. Weber n'échappa que par miracle à ceux de septembre, après avoir pris part à la défense des Tuileries le 10 août. Il parvint à gagner l'Angleterre, cet asile des proscrits d'alors, comme aujourd'hui la France est le refuge des proscrits espagnols, italiens, et des Polonais, martyrs de la plus noble cause. En 1806, Weber

'Dans le camp royaliste mêmes saillies, même penchant au badinage, à l'ironie. Qui le croirait? ces tours propres à l'esprit français servirent heureusement et Louis XVI et la reine, au milieu des outrages et des périls du 20 juin.

Le roi savait qu'on l'appelait le représentant héréditaire. Il avait près de lui, au plus fort de l'émeute qui envahissait son palais, plusieurs des membres de l'assemblée: «Il se pourrait bien, leur dit-il, << que le représentant héréditaire et même « quelques-uns des représentants temporai<< res ne vissent pas la fin de la journée. »>

La reine fut intrépide, à son exemple. Elle ne fut abattue qu'un moment quand on la sépara du Dauphin, et tant qu'elle ignora ce que ce jeune prince était devenu. On lui présenta le bonnet rouge; elle le tint à la main, mais n'en voulut jamais salir sa tête. Les Tuileries furent évacuées enfin. On fit venir des juges de paix, pour constater les dégâts. La reite, se promenant avec eux, leur dit en souriant, à la vue des portes et des meubles brisés: Tout ceci n'est pas trop constitu tionnel.

fit paraître ses Mémoires à Londres. On ne pourra les lire sans curiosité, sans plaisir, ou sans attendrissement. Le caractère, les idées, les opinions politiques de l'auteur, s'y retrouvent, et devaient s'y retrouver avec toute leur franchise et toute leur énergie: en parlant de la reine sa bienfaitrice, il a voulu satisfaire sa douleur et sa reconnaissance; les hommes, de quelque opinion qu'ils puissent être, ne sauraient refuser leur estime à ces sentiments d'attachement pour une grandeur qui n'est plus.

Les pages qu'on va lire offrent souvent un intérêt très-vif : elles renferment, avec des particularités ignorées, des pièces rares, authentiques, et qui sont d'un grand prix pour l'histoire; elles représentent sous des traits gracieux ou touchants Marie-Antoinette, le charme répandu autour de sa personne, ses grâces, sa beauté, sa bienfaisance, l'empire qu'elle exerçait dans sa jeunesse, et qui était celui d'une femme aimable et bonne, autant que d'une souveraine.

Ses malheurs ont suivi de bien près les jours de sa prospérité jamais peut-être une seule et même vie n'a mieux fait voir les extrémités de la bonne et de la mauvaise fortune. Femme, amie, épouse, mère et reine, elle épuisa la coupe des biens et de l'adversité; le cœur se sent profondément ému au souvenir de ses royales douleurs, qui paraîtraient dignes d'intérêt dans la plus simple mortelle. Peut-être un jour l'histoire, toujours rigoureuse, lui demandera-t-elle compte d'une légèreté pardonnable à son sexe, à son âge; mais ceux qui ont, pour ainsi dire, vécu de son temps, ne verrout que sa fin funeste. Eh! qui pourrait lui adresser un reproche entre son échafaud et sa tombe?

FS. BARRIÈRE.

CONCERNANT

MARIE-ANTOINETTE,

ARCHIDUCHESSE D'AUTRICHE,

REINE DE FRANCE ET DE NAVARRE.

CHAPITRE PREMIER.

Naissance de la reine. - Son éducation. Son départ de Vienne. - Son mariage. Ses succès. Son caractère. Ses bienfaits. - Détails qui la concernent jusqu'à l'époque de la révolution française1.

Marie-Antoinette-Josèphe-Jeanne de Lorraine, archiduchesse d'Autriche, naquit, le 2 novembre 1755, de François I, empereur d'Allemagne, et de l'immortelle Marie-Thérèse, impératrice d'Allemagne, reine de Hongrie et de Bohême.

Aux approches de sa naissance, l'impératrice sa mère donna ordre à sa grande maîtresse de lui chercher une nourrice dans une famille d'un état honorable, et qui joignît à cette première recommandation celle plus précieuse encore de mœurs pures et d'un caractère sans reproche. Mes vertueux parents (qu'il me soit permis de leur rendre cet hommage) réunissaient toutes ces conditions. Mon père, Jean-George Weber, était conseiller de la magistrature de Vienne, et chef du bureau de l'approvisionnement des vivres; ma mère, Marie-Constance Hoffmann, était citée pour sa belle figure, et pour son âme plus belle encore : leur union avait constamment présenté celle de toutes les vertus

Les notes de Weber seront marquées d'un double W; les autres porteront pour indication ces lettres: Fs. B.

domestiques. Ma mère fut choisie; et j'étais à son sein depuis trois mois, lorsqu'elle eut l'honneur d'être la nourrice de l'archiduchesse.

Marie-Thérèse était aussi bonne mère que grande reine. Sa sensibilité se montrait aussi affable que son courage avait paru majestueux et sublime. Dès qu'elle eut confié son enfant à ma mère, elle nous adopta tous. Elle récompensa les longs services de mon père par une forte pension, et par un logement dans l'hôtel de sa chancellerie. Une pension fut assurée à ma mère, une à chacun de ses enfants; et quant à moi, à qui le ciel avait accordé de sucer le même lait que Marie-Antoinette, sa majesté l'impératrice voulut que, pendant mes premières années, ma mère me menât avec elle chaque fois qu'elle allait faire sa cour à la jeune princesse qu'elle avait nourrie. La fille des Césars m'associait alors aux jeux de son enfance, l'impératrice s'y mêlait ellemême; et comme à cet âge rien ne m'avertissait encore de la distance infinie qui me séparait de celle avec qui je jouais dans un même lieu, l'auguste et bonne Marie-Thérèse craignit souvent de m'affliger par un partage inégal de ses caresses, me prit souvent sur un de ses genoux, quand sur l'autre elle prenait sa fille, et m'honora des mêmes embrassements qu'elle lui prodiguait. C'est ma mère, c'est son excellence madame la comtesse de Brandeis', qui m'ont depuis raconté toutes ces scènes de bonté; et je ne les ai pas apprises, je ne me les suis jamais retracées sans un frémissement de respect et d'amour.

L'enfance de Marie-Antoinette fut celle des grâces et de la bonté, auxquelles se mêla de bonne heure ce genre de noblesse qui lui fut particulier pendant toute sa vie, et qui, tempéré par la sensibilité, inspirait le respect en y faisant trouver des charmes. Avec tous les dons de la nature, la vigilance d'une mère telle que Marie-Thérèse, les soins d'une gouvernante telle que madame de Brandeis, il n'y avait rien de grand, rien de bon qu'on ne dût attendre de la jeune archiduchesse.

Marie-Thérèse partageait son temps entre les devoirs de souveraine et ceux de mère. Elle surveillait l'éducation des archi

Grande maîtresse de S. A. R. madame l'archiduchesse.

duchesses ses filles avec l'attention la plus touchante, et assistait à leurs leçons. Les meilleurs maîtres, les plus habiles instituteurs étaient chargés de diriger les premiers efforts de l'intelligence de Marie-Antoinette, d'orner sa mémoire, d'éclairer sa raison, de cultiver son esprit. Tel fut, parmi les derniers, l'abbé de Vermont, qui joignait les qualités les plus rares à l'esprit, à la finesse et à la réserve, qui font réussir dans les cours. Il fut envoyé par le duc de Choiseul, à qui l'impératrice avait demandé un homme capable de faire connaître la France à celle qui devait y régner. Heureux de la confiance de son illustre élève, il lui resta dévoué toute sa vie; et, refusant toujours les témoignages trop éclatants de sa bonté, il força enfin l'estime de ceux-là même qui auraient pu lui porter envie. Ses leçons augmentèrent sans doute cette prédilection pour la France que Marie-Antoinette manifesta de si bonne heure. Son auguste mère la questionnant un jour sur le caractère des divers peuples de l'Europe, et lui demandant sur lequel elle préférerait de régner, si elle était appelée à choisir : « Sur les Français, répondit-elle sans hésiter. C'est sur eux qu'ont régné Henri IV et Louis XIV, dont l'un donne l'idée du bon, et l'autre celle du grand. » Marie-Thérèse se plaisait à répéter cette réponse, dont elle avait été si enchantée, qu'elle avait prié l'ambassadeur de France de la transmettre au roi son maître.

Marie-Antoinette fit des progrès très-rapides dans toutes ses études; elle savait le latin, parlait et écrivait très-élégamment l'allemand, le français et l'italien. Elle était douée des plus heureuses dispositions pour les beaux-arts, et particulièrement pour celui qui a le plus de charmes pour les âmes sensibles. Ses talents pour la musique ont souvent fait les délices des cercles choisis qu'elle réunissait à Bellevue, à Trianon et à Versailles. Là, le plus vif enthousiasme rendait hommage à ses succès, non moins qu'à ses charmes et à son rang.

Marie-Thérèse avait désiré surtout que sa fille chérie héritât du courage et de la force d'esprit dont elle avait elle-même donné des preuves si éclatantes; et, inspirée sans doute par les pressentiments inquiets de l'amour maternel, souvent elle lui répétait cet avis prophétique : « Ma fille, dans l'adversité, souve

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