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tinuelle inquiétude si des opinions bienfaisantes, agrandissant pour nous l'avenir, ne nous permettaient pas de considérer sans épouvante la révolution des années et la course rapide du temps. Aussi quand la mélancolie nous livre à une douce émotion, quand elle se change pour nous en plaisir, c'est qu'aux momens où nous nous trouvons séparés des objets de notre affection, une méditation solitaire les replace au-devant de nous à l'aide des idées générales de bonheur qui, plus ou moins confusément, terminent au loin notre vue... On embrasse avec transport toutes les opinions qui nous entretiennent de continuité et de durée. Qu'on aime alors à prêter l'oreille à ces paroles de consolation qui s'allient si parfaitement avec les désirs et les besoins de notre ame! Quelle effrayante association que celle du néant éternel et de l'amour! Comment unir à ce doux partage d'intérêts et de pensées, à ce charme de tous les jours et de tous les instans, à cette vie enfin, la plus forte de toutes, comment unir à tant d'existence et de bonheur la persuasion intime et l'image habituelle d'une mort sans espoir et d'une destruction sans retour? Comment offrir seulement l'idée de l'oubli à ces ames aimantes qui ont placé tout leur amour-propre et toute leur ambition dans l'objet de leur estime et de leur tendresse, et qui, après avoir renoncé à elles-mêmes, se sont comme déposées en entier dans un autre sein pour y subsister du même souffle de vie et de la même destinée ? »

La fiction par laquelle l'auteur cherche à rendre plus sensible la réunion des prodiges dont notre ame est composée nous paraît tout à la fois d'une poésie sublime et d'une philosophie profonde.

<< Représentons-nous, dit-il, les hommes soumis à

l'immobilité des plantes, mais doués de quelques-uns de nos sens, et jouissant de la facuté de réfléchir, de former des jugemens et de se communiquer leurs pensées. J'entends ces arbres animés discourir ensemble sur l'origine du monde et sur la cause première de tous les miracles de la nature; ils mettent en avant, comme nous, différentes hypothèses sur le mouvement fortuit des atomes, sur les chances innombrables du hasard, sur les lois du -fatalisme et d'une aveugle nécessité; et entre les divers raisonnemens employés par quelques-uns pour contester l'existence d'un Dieu créateur et moteur de l'univers, celui dont on reçoit le plus d'impression, c'est qu'il est impossible de concevoir comment une idée deviendrait une réalité, et comment le dessein de disposer des parties, de les arranger, de les mouvoir, pourrait influer sur l'exécution, puisque la volonté n'étant qu'un simple vœu et une pensée sans force, elle n'a aucun moyen pour se métamorphoser en action; qu'en vain eux hommes-plantes et spectateurs immobiles de l'univers, auraient-ils le désir de changer de place, de s'approcher les uns des autres, d'élever des abris pour se défendre de l'impétuosité des vents et pour se mettre à couvert des rayons du ́soleil, leurs souhaits seraient inutiles; qu'ainsi il était évidemment absurde d'imaginer l'existence d'une faculté essentiellement contraire à la nature immuable des choses. Qu'au milieu cependant de cet entretien, un ange, une voix inconnue ou l'un d'eux, par une inspiration miraculeuse, les eût interpellés et leur eût dit : Que penseriez-vous donc si ce prodige dont vous regardez l'existence comme impossible s'exécutait à vos yeux, et si l'on vous communiquait tout à coup la faculté d'agir selon votre volonté? Saisis d'étonnement, s'écrieraient-ils, nous nous

prosternerions avec crainte et avec respect; et dès cet instant, sans le moindre doute et sans la plus légère incertitude, nous croirions avoir acquis le secret du système du monde, nous adorerions le pouvoir infini de l'intelligence et de la pensée, et c'est à une semblable cause que nous attribuerions l'ordonnance de l'univers, etc. >>

Je ne sais si les craintes d'une vie à venir ont fait beaucoup d'athées; mais ce que je sais bien, c'est qu'il y a un mouvement d'éloquence bien neuf et bien original à nous faire retrouver l'idée de l'enfer plus naturelle et plus vraisemblable dans le système de l'athéisme que dans tout autre.

<< S'il n'y avait point de Dieu, dit le nouveau Bossuet, ce monde, si l'univers entier n'était qu'une production des chances infinies où la nature elle-même subsistant de toute éternité...., une pensée terrible viendrait frapper 'notre imagination, nous n'aurions pas seulement à renoncer aux espérances qui font le charme de notre vie, nous n'aurions pas seulement à considérer de près les sombres et tristes images de la mort et d'un éternel anéantissement, ces affreuses perspectives ne seraient pas la fin de nos dangers, le dernier terme de notre épouvante. En effet, les révolutions d'une nature aveugle étant plus inconnues, plus incalculables que les desseins d'un être intelligent, il serait impossible de découvrir sur quelle base repose dans l'univers la destinée des hommes; il serait impossible de préjuger si, par quelqu'une des lois de cette impérieuse nature, les êtres intelligens et sensibles sont dévoués à périr irrévocablement ou à revivre sous quelque autre forme, s'ils doivent

TOM. XIV.

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connaître une fois de nouveaux plaisirs ou souffrir un jour d'éternelles peines. »

>>

Quel est le philosophe qui parla jamais en faveur de la tolérance avec plus de force que ne l'a fait M. Necker dans ce chapitre, où, après avoir rappelé l'étendue immense que les dernières découvertes de M. Herschel donnent à l'univers, il s'écrie: « Que devient donc notre petite terre au milieu de ces immensités dont l'esprit humain essaie en vain de s'emparer? Qu'est-elle déjà relativement à cette quantité de globes terrestres dont nous pouvons former le calcul à l'aide de nos découvertes, ou dirigés du moins par des présomptions raisonnables? Serait-ce donc les habitans de ce grain de sable, seraitce un petit nombre d'entre eux qui auraient le droit de prétendre que seuls ils connaissent la manière dont on peut adorer le souverain Maître du monde? Leur demeure est un point dans l'infinité de l'espace, la vie dont ils jouissent est un des momens innombrables qui composent l'éternité..... Comment donc oseraient-ils annoncer à tous les âges présens, à tous les temps à venir, qu'on ne peut éviter les vengeances célestes si l'on s'écarte de quelques lignes des usages et des pratiques de leur culte?»

Je crains bien que beaucoup de docteurs de Sorbonne ne pensent en secret que c'est là de la philosophic toute pure; mais le moyen d'attaquer une si grande vérité lorsqu'on la voit entourée de toutes les étoiles d'Herschel?

Les Sérénades, comédie en deux actes, mêlée d'ariettes, ont été représentées pour la première fois, sur le Théâtre Italien, le 23 janvier. Les paroles sont de

M. Goulard de Montpellier, l'auteur d'une parodie d'Agıs et de Cassandre mécanicien. La musique est de M. Dalayrac.

Cette bagatelle, pour le fond, ressemble à tout et à rien; l'intrigue en est aussi pénible qu'elle est commune, et la gaieté du dialogue ne dissimule que faiblement ce défaut.

Quant à la musique, quoiqu'elle ait le même caractère d'imitation qu'ont tous les ouvrages de M. Dalayrac, elle a paru cependant avoir le mérite d'une plus grande clarté dans le style; le chant est moins étouffé par les effets de l'orchestre, et la voix enchanteresse de mademoiselle Renaud en est mieux entendue; c'est à ce seul charme qu'est dû tout ce que l'ouvrage a eu de succès.

Six semaines de la vie du chevalier de Faublas, pour servir de suite à sa première année, par M. Louvet de Couvray. Deux vol. in-18.

Cette suite (1) est bien digne du commencement; c'est toujours un mélange assez piquant de peintures libertines et de scènes vraiment comiques. Les accidens fâcheux qui affligent de temps en temps notre héros, et qui font dire si tristement à Justine, à Coralli: Que je vous trouve changé, monsieur le chevalier! n'ôtent rien à la vérité de cette histoire, et l'on en trouve toujours beaucoup dans le dialogue des différentes scènes dont l'auteur a su animer ses tableaux; mais quelle qu'en soit la variété, on désirerait sans doute que les événemens eussent une liaison plus naturelle, que la transition de l'un à l'autre fût quelquefois moins forcée, ou qu'elle parût dépendre moins de la fantaisie de celui qui les invente. (1) Voir précédemment page 335 du tome XIII.

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