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son cousin lie non- seulement l'action, il sert à la développer, et il a fourni à l'auteur une scène d'un genre absolument neuf; rien de plus délicat que l'aveu que le jeune homme continue de faire à sa maîtresse sous le nom d'un tiers, en présence de l'hôtesse qui est venue l'interrompre. Cette seule scène suffirait pour donner les plus grandes espérances du talent de M. Andrieux; elle est d'un comique de situation tout-à-fait neuf, et le développement en est tout à la fois spirituel et naïf, plein de grace, de sentiment et de délicatesse. Il y a dans cette comédie une foule de vers qui rappellent très-heureusement la gaieté si originale du style de Regnard.

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On a donné, le mercredi 2 janvier, sur le Théâtre Français, la première représentation d'Odmar et Zulma tragédie en cinq actes, de M. de Maisonneuve, connu par le succès de Roscelane et Mustapha. La fable qui fait le sujet de cette nouvelle tragédie est purement de l'invention de M. de Maisonneuve.

L'embarras et l'invraisemblance de cette fable, la nullité des moyens employés par l'auteur pour attacher une sorte d'intérêt public à la vie de l'enfant d'un vice - roi du Mexique, le romanesque des situations, leur longueur et leur monotonie, le défaut de convenance et de vérité dans les caractères, l'obscurité du plan et la faiblesse de l'exécution: tous ces défauts ont paru rachetés en quelque manière par le sentiment qu'inspirera toujours au théâtre la première et la plus intéressante des douleurs, celle de la tendresse maternelle. L'inquiétude cependant avec laquelle le spectateur partage les alarmes de Zulma est en général plus pénible qu'elle n'est attachante. L'auteur nous montre cette mère infortunée durant quatre actes

dans une situation qui est, pour ainsi dire, toujours la même; il n'a pas eu le talent de nous intéresser à la douleur de Zulma, comme on s'intéresse à celle d'Andromaque, de Mérope, d'Idamé, en faisant succéder tour à tour au danger qu'elle redoute des lueurs d'espoir qui n'auraient reposé l'ame du spectateur que pour lui faire éprouver de nouvelles émotions et plus vives et plus pressantes. Le caractère d'Hermandez n'a paru qu'une faible imitation de celui d'Alvarès; le rôle de Vasquez rappelle trop celui de Gusman; quoique Odmar soit agité des mêmes sentimens de haine et de vengeance que Zamore, ce sont deux caractères qu'on ne se permettra sûrement pas de comparer. Tout le plan de la nouvelle tragédie n'est en général qu'un assemblage de conceptions dramatiques beaucoup trop connues au théâtre, et le style en est plus faible encore que celui de Roxelane et Mustapha; on y a trouvé cependant, comme dans ce premier ouvrage de l'auteur, des détails d'une sensibilité douce et touchante, quelques vers d'un naturel heureux, d'une expression simple et vraie, tels que ceux-ci, qu'on a fort applaudis:

Puisqu'il fut malheureux, il doit être sensible...

En cessant d'être roi, j'appris à me connaître...

Un monarque est puissant quand son peuple est heureux...
Il n'a point encor vu les larmes d'une mère...

C'est le 26 décembre que les Comédiens Italiens ont donné la première et dernière représentation du Prisonnier anglais, comédie en trois actes, mêlée d'ariettes. Le poëme est de M. Desfontaines, l'auteur de l'Aveugle de Palmyre, de la Dot, etc. La musique est de M. Grétry.

La chute de cette pièce a été suivie d'un tumulte dont on n'a guère vu d'exemple à aucun de nos théâtres. Il est vrai que le mécontentement et l'ennui qu'avait causés la pièce y ont eu moins de part que l'imprudence des Comédiens, qui après avoir annoncé qu'ils allaient donner les Étourdis, pièce que le parterre avait demandée, sont venus annoncer, au bout de trois quarts d'heure, qu'il leur était impossible de donner cette comédie, et se sont obstinés, malgré les réclamations les plus bruyantes, à vouloir lui substituer la Servante Maîtresse dont le public ne voulait pas. Cette scène très-orageuse a duré jusqu'à onze heures du soir. « C'est la nation, me disait un de mes voisins, qui prélude aux États-généraux...» Nous devrons au scandale de ce désordre le rétablissement d'une ordonnance qui prescrit aux Comédiens de tenir toujours une pièce ancienne prête, lorsqu'ils en donnent une nouvelle, au cas que celle-ci tombe. Ce qui est plus important, et pour la tranquillité des spectateurs, et surtout pour leur santé, c'est que l'on vient d'asseoir le parterre à ce théâtre comme au Théâtre Français, établissement désiré par tous les honnêtes gens, mais que l'intérêt de la recette avait empêché les Italiens d'adopter jusqu'à ce jour.

Almanach des Honnétes Gens (1).

C'est un almanach dans la forme la plus vulgaire, mais où l'on a substitué aux noms des saints ceux des hommes

(1) Ce que Grimm, pour complaire à ses lecteurs titrés, a la faiblesse d'appeler une sottise est un des premiers efforts qu'ait faits un homme de sens pour amener l'esprit humain de l'état théologique à un état plus rationnel; mais en essayant ainsi de substituer aux noms des saints adoptés par le chris

célèbres de tous les siècles, de toutes les religions et de tous les peuples; cette sottise a causé tant de scandale, que l'on s'est cru obligé de la dénoncer au Parlement.

tianisme, ceux d'hommes qui, selon lui, ont bien autrement mérité de l'humanité, Sylvain Maréchal froissait trop ouvertement les préjugés qui dominaient son époque.

Cependant, aujourd'hui que nous pourrions les juger avec plus de sang-froid, comparons l'un et l'autre système d'Almanach: Le jour où je trace ces lignes, le 14 novembre 1830, j'ouvre l'almanach des catholiques vulgairement adopté. A qui vois-je ce jour consacré ? à saint Maclou!!!,.. Je le demande à tout homme doué de quelque rectitude de jugement, au catholique même le plus stupide, le nom de Galilée, s'il arrivait qu'il remplaçât Maclou; de l'homme qui d'un mot, et en frappant du pied, renversa à jamais l'édifice théologique; celui d'un Bacon, dont les travaux scientifiques, une fois bien compris, permettront de reconstituer la société sur une base réellement solide et durable, ne réveilleraient-ils pas en nous des idées d'un ordre plus élevé?....

Si la liberté des cultes, que l'on a cru proclamer depuis notre dernière révolution, u'est point une dérision, il faudra bien que la courageuse tentative de Sylvain Maréchal soit renouvelée de nos jours; il faudra bien que l'on refasse un almanach où ne figureront plus des noms qui, convenables pour la gent catholique, peuvent blesser la conscience du protestant, du quaker, du musulman, de tout autre déicole, et même de celui qui, pour être honnête homme, n'a pas besoin de croire en Dieu.

Cette dernière opinion était en tout point partagée par Sylvain Maréchal, et il la reproduisit constamment dans tous ses travaux philosophiques: 11 pensa toujours que la morale la plus pure est celle qui est basée sur l'athéisme de bonne foi; celle qui, sans dépouiller la vertu de ce qu'elle a de désintéressé, porte l'homme à faire le bien sans espoir de récompense, et le détourne du mal par d'autres motifs que la crainte des châtimens. C'est ce qu'il a nettement exposé dans son Dictionnaire des Athées, dans son Code des hommes sans Dieu, dans son beau traité de la Vertu et dans une foule d'autres ouvrages

moraux.

La publication du Livre échappé au Déluge ( 1785), où, pour se conformer au langage consacré, Sylvain Maréchal avait emprunté les formes emphatiques dont sont revêtues les niaiseries de la Bible, et qu'un fou allemand, d'Eckartsaushen a, dit-on, sérieusement traduit comme échappé au déluge, lui avait fait perdre son modeste emploi de sous-bibliothécaire au collège Mazarin: l' Almanach des honnétes gens le fit enfermer à Saint-Lazarre, et sans la première révolution française il eût été infailliblement destiné à terminer ses jours dans les cachots de nos inquisitions religieuses.

La dénonciation a été suivie d'un réquisitoire foudroyant qui a provoqué non-seulement la flétrissure de l'imprimé, mais encore un décret de prise de corps contre l'auteur, M. Sylvain Maréchal, autrement dit le Berger Sylvain, connu par un grand nombre de petits écrits, et surtout par une jolie pièce fugitive que nous avons eu l'honneur de vous envoyer dans le temps, intitulée Stances à mon portier. Le Gouvernement a prévenu les suites du décret en faisant enfermer l'auteur à Saint-Lazare; M. de Sauvigny, qui avait approuvé l'ouvrage, a été exilé à trente lieues de Paris, et risque beaucoup de perdre sa place de censeur de la police. Voilà bien des malheurs assurément pour un assez mince sujet; le pauvre almanach nous avait été donné cependant pour l'an premier de la raison. Un des torts de M. Sylvain, qui paraît avoir excité le plus l'indignation de l'auteur du réquisitoire, c'est d'avoir osé réunir des hommes qui ont fait la gloire et les délices de la terre avec ceux qui ont fait la honte et le malheur de l'humanité. « Quel blasphème, ditil, de voir ranger dans la même classe Moïse et Mahomet, Titus et Cromwell, Sully et Machiavel, etc. » Mais peut-être sera-t-on surpris, du moins en Allemagne, de trouver au milieu de pareils rapprochemens celui de Wolf et Colbert. Il y a tout lieu de penser que c'est une méprise échappée à la précipitation avec laquelle M. de Séguier a été forcé de faire ce réquisitoire; personne n'ignore que c'est une fonction de son ministère, qu'il n'est pas toujours libre de remplir à son gré; mais l'épigramme qu'on a faite à ce sujet n'en a pas eu moins de

succès. La voici :

Est-il bien vrai? l'ai-je entendu ?
O mœurs! ô siècle de sottise!

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