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n'ont point de meilleurs juges. Eh! quels hommes, Sire, pourront faire autant pour votre gloire que ceux qui, libres de passions et d'intérêts, s'occupent en silence à fixer la vérité fugitive, et à présenter aux âges futurs le tableau fidèle de l'âge présent! Ils écriront ce qu'ils savent, ils peindront ce qu'ils voient, ils rehausseront encore vos actions en expliquant vos motifs; enfin ils apprendront aux générations étonnées qu'à vous seul est dû le bonheur dont elles jouiront, que de votre propre mouvement vous avez prononcé dans la grande cause des peuples, et que, le premier entre tous les rois, vous vous êtes montré aussi juste que la loi, aussi bon que la

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« Si j'osais tracer à Votre Majesté l'image d'une personne vraiment digne des hommages de l'univers, sur qui le ciel semblerait avoir d'avance répandu l'éclat du diadême, qui joindrait une dignité plus qu'humaine à une grace presque divine, dont l'affabilité conserverait je ne sais quoi d'imposant qui obligerait à la vénération en permettant la confiance, et chez qui enfin la délicatesse de son sexe, en offrant l'expression des qualités les plus aimables, semblerait servir de voile à la force et au courage d'un héros, Votre Majesté nommerait l'auguste Marie-Thérèse, et tous les Français nommeraient son auguste fille. Si j'ajoutais de nouveaux traits, si je faisais connaître cette ame égale et généreuse, aussi forte contre ses propres chagrins que sensible aux peines des autres, avec cette raison en tout temps maîtresse d'elle-même souvent inspirée, jamais dominée par les événemens;

enfin si j'essayais de peindre ce don heureux d'étonner et de gagner les esprits par un maintien toujours digne, mais toujours conforme aux circonstances les plus difficiles, et ce charme indéfinissable qui naît de la conve nance et de la grace, et qui prête aux moindres paroles plus de force qu'à des armes, et plus de prix qu'à des bienfaits, Votre Majesté continuerait toujours à reconnaître et à être reconnue. Telle en effet, Madame, on vit autrefois votre immortelle mère, et telle on croit la voir encore; c'était ainsi qu'avec un tendre enfant, l'espoir de l'Empire, entre ses bras, elle vint se montrer et se confier à la nation la plus jalouse de son indépendance; de tels moyens ne manqueront jamais : elle arracha des larmes des yeux les plus farouches, elle ramena les esprits les plus anciennement aliénés; et l'on connut dès lors que les peuples les plus libres sont en même temps ceux qui mettent le moins de bornes à leur enthousiasme, et qui savent le mieux obéir à des vertus dignes de leur commander.... >>

A monseigneur le Dauphin.

« Et vous, Monseigneur, votre aimable enfance est loin encore de méditer sur les grands événemens et même sur les grands exemples dont elle est entourée; mais votre candeur, votre grace, vos caresses, et cette confiance ingénue, et ces jeux innocens, et cette inaltérable gaieté opposent un contraste intéressant aux sérieuses pensées qui, même en votre présence, absorbent tous les esprits. Cependant, Monseigneur, lorsque vous semblez ignorer les hautes destinées qui reposent sur votre tête, la nation attentive lit d'avance les siennes dans cette santé brillante qui vous promet à d'autres générations,

et dans cet air de bonté qui nous annonce leur bonheur; mais, Monseigneur, on pourrait tirer des augures encore plus certains de ces réponses naïves qui sont parvenues jusqu'à nous, et que l'Académie ne rendra jamais avec la grace qui les accompagnait; vous aimez bien mieux être ici, disiez-vous, parce que vous êtes bien plus avec le roi et la reine. Répétez-les souvent, Monseigneur, ces touchantes paroles, répandez ainsi à chaque instant un nouveau rayon de joie dans le cœur de vos augustes parens, et daignez seulement ajouter que vous parlez aù nom de tous les Français. >>

Extrait du Manuscrit d'une Femme célèbre, intitulé: Conseils à ma jeune amie.

Vous êtes encore loin, ma chère Pauline, du temps funeste où nous sommes forcées de nous avouer que tout passe, mais votre fille en grandissant, en attirant les regards, sera le terme de vos prétentions et le baptistère où l'on ira chercher votre âge. Par ce que vous entendez dire des autres femmes vous devez vous attendre à ce qu'on dira de vous. Pour vous mieux prémunir contre ce moment critique, il faut que je vous conte de quelle manière je l'ai passé moi-même.

J'étais parvenue à l'âge de quarante ans sans m'être aperçue d'aucune dégradation dans ma figure; soit que l'extrême parure nécessaire à mes rôles favorisât l'illusion des autres, soit qu'elle fût soutenue par la variété des personnages que je représentais, soit qu'on fût maîtrisé par les passions que je m'efforçais de bien peindre, ou par l'optique du théâtre, tous mes amis me trouvaient charmante, et mon amant m'aimait à la folie; bref je ne

TOM. XIV.

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me doutais de rien. Un jour plus vivement pressée du désir de plaire, je voulus ajouter à mes charmes le secours de ces parures élégantes que nous avons toujours en réserve, et qui font faire Ah!..... quand on nous voit. Me regardant continuement au miroir pour voir si mes cheveux allaient bien, il me sembla que ma femme de chambre se négligeait, qu'elle oubliait l'air de mon visage, qu'elle avait l'intention de me rendre moins jolie ce jour-là que de coutume. Cependant je demandai avec confiance le charmant bonnet qui devait tout surmonter; mais, de quelque façon que je le tournasse, j'en fus mécontente, je le jetai, j'en demandai vingt autres, et confondue de n'en trouver aucun qui m'allât comme je voulais, je m'examinai scrupuleusement moi-même. Le nez sur la glace éclairée par le jour le plus pur, je vis plusieurs sillons de rides sur mon front! dans les deux coins de mes yeux ! dans le tour de mon cou! la blancheur de mes dents n'avait plus le même éclat! mes lèvres étaient moins fraîches, mes yeux moins vifs, et malheureusement je me portais bien dans ce moment-là ! Forcée de m'avouer que ce n'était pas la faute de ma femme de chambre et de meş bonnets, que c'était moi qui n'était plus la même, je fondis en larmes. Quelle faiblesse! direz-vous. Hélas! j'aimais, mon bonheur dépendait de plaire, ma raison m'ordonnait de n'y' plus prétendre! Ce moment fut affreux, ma douleur dura près de six mois; elle était d'autant plus pénible qu'il fallait la cacher pour n'en pas avouer la cause; mais dès le premier moment de cette cruelle découverte je me vouai à la plus grande simplicité; en n'attirant plus les yeux sur ma parure je me flattai d'échapper plus aisément aux coups d'œil de détail; la critique et l'envie

doivent au moins se taire devant celles qui se font justice; je n'exigeai plus rien; en redoublant tous les soins de l'amour je n'en parlai plus le langage, insensiblement j'en réprimai tous les désirs. Ma conduite frappa, l'on m'en demanda compte, on fut touché de celui que je rendis, j'obtins par-là de jouir encore cinq ans d'un cœur que beaucoup de femmes me disputaient, et que la jouissance d'une grande fortune me fit perdre sans

retour.

Faites vos réflexions là-dessus, ma chère amie. Arrivées à l'âge de trente ans, les hommes ont la sottise de nous constituer vieilles et de blâmer en nous ce qu'ils osent prétendre pour eux dans la plus dégoûtante caducité; cette injustice est plus digne de pitié que de colère, ne vous en offensez point et n'y sacrifiez jamais rien; c'est votre vanité, votre délicatesse, votre raison qu'il faut consulter pour savoir ce que vous avez encore à prétendre. Vous ne pouvez alors dissimuler que chaque jour va vous enlever une grace, mais votre ame exercée par le temps et l'expérience voudra sûrement les remplacer par des vertus; elles vous assureront un empire bien plus doux, bien plus durable que celui de la beauté.

Mémoires de M. le duc de Choiseul, ancien ministre de la marine, de la guerre et des affaires étrangères, écrits par lui-même et imprimés sous ses yeux dans son cabinet à Chanteloup en 1778. Deux vol. in-8°.

Pour être très-authentiques, ces Mémoires malheureusement n'en sont pas plus intéressans, ce ne sont que quelques pièces détachées; une longue histoire assez peu piquante de sa première tracasserie avec M. le Dauphin, elle lui fut suscitée par M. de La Vauguyon; des ré

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