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la première fois au Théâtre Français le 22 septembre. Le sujet de cette pièce a paru piquant, du moins par sa singularité; la conception en est ingénieuse, mais en même temps si dépourvue d'intérêt qu'il n'y a que la gaieté des détails et le charme d'une exécution brillante et soignée qui eussent pu en assurer le succès.

Quelque original que soit le fonds de l'ouvrage, on sent que ce qui lui manque essentiellement, c'est ce degré d'intérêt, d'importance du moins, qui paraît nécessaire pour attacher durant cinq actes l'attention et la curiosité des spectateurs. A force d'esprit on aurait pu y suppléer sans doute par des peintures d'une critique fine et maligne, par la variété des développemens, par les saillies d'un dialogue vif et spirituel; mais ce sont là des ressources qui n'appartiennent guère au talent de M. Sedaine. On a bien reconnu dans le rôle du grand référendaire quelques traits de l'ancien garde des sceaux M. de Miroménil, dans celui du premier chambellan feu M. le maréchal de Duras, dans celui de l'intendant M. de La Ferté; mais, dans ce genre, ce qui pouvait être encore assez piquant il y a six mois, est aujourd'hui sans effet. En un mot, l'on n'a trouvé dans cette comédie que l'étoffe d'un proverbe, et l'on a jugé, non sans quelque justice, qu'un proverbe en cinq actes était beaucoup trop long.

M. Sedaine composa cette pièce pour se venger de la cabale qu'avait faite le maréchal de Duras pour empêcher la représentation de Paris sauvé. En 1777 il eut l'honneur de l'envoyer à Sa Majesté l'Impératrice de Russie, qui daigna l'accepter et le récompenser avec sa magnificence accoutumée. Ce qui est plus curieux et plus comique peut-être que la pièce, c'est sa destinée; cette co

médie, qui roule tout entière sur une pièce qu'un princé souverain ne peut parvenir à faire jouer sur son théâtre, vit échouer aussi, dit-on, en sa faveur, toute la puissance de Catherine II: l'homme de la Cour chargé de la direction de ses spectacles crut y voir une satire personnelle contre lui, et la bonté de sa souveraine pour ne pas l'affliger finit par renoncer à en demander la représen

tation.

Ce qui n'a pas peu contribué sans doute au peu de succès que l'ouvrage a eu sur le théâtre de Paris, c'est la manière dont l'auteur en avait distribué les rôles; à l'exception de celui de la comtesse de Boulogne joué par mademoiselle Contat, il n'en est aucun qui ait été bien rendu, et celui qui l'a été le plus mal est le rôle le plus intéressant, celui du vieux Gavaudan, dans lequel le sieur d'Azincourt nous a paru toujours hors du sens

commun.

Correspondance particulière et historique du maréchal duc de Richelieu en 1756, 1757 et 1758, avec M. Páris Duverney, conseiller d'État, suivie de Mémoires relatifs à l'expédition de Minorque, et précédée d'une Notice historique sur la vie du maréchal (1). Deux volumes in-8°.

Les lettres du maréchal sont si pitoyablement écrites qu'il n'est pas aisé d'en soutenir la lecture, mais il faut pourtant les consulter comme des matériaux d'histoire assez curieux. Le journal de l'expédition de Minorque occupe presque tout le second volume. Pour prouver que l'auteur de la notice historique ne peut être soupçonné (1) Publiée par le général Grimoard.

d'avoir présenté son héros sous un aspect trop favorable, on ne citera que l'anecdote suivante; elle pourra donner en même temps l'idée du style et du bon goût de notre panégyriste. « Il survint, dit-il, au maréchal une maladie de peau; on lui conseilla d'appliquer sur les parties affectées des tranches de veau, ce qui fit dire aux plaisans que ce n'était plus qu'un vieux bouquin relié en veau (1). »

Encore des Savoyards, ou l'École des Parvenus, faisant suite aux Deux Petits Savoyards; c'est le titre d'une comédie, en un acte, en prose, représentée pour la première fois au Théâtre Italien le vendredi 25 septembre. Cette pièce est de M. Pujouls, l'auteur du Souper de Famille, donné avec succès sur ce même théâtre vers la fin de l'année dernière.

Il n'y a que trois semaines que les deux petits Savoyards sont avec leur mère chez le bon oncle Micheli. La famille, nouvellement réunie, vient d'arriver à Paris. M. Micheli cherche pour y monter sa maison trois domestiques, dont une femme. Les deux enfans et leur mère jettent les yeux chacun séparément, et en secret, sur Antoine, sa femme et son fils; ce sont d'honnêtes Savoyards qui les ont obligés autrefois lorsqu'ils étaient comme eux dans la peine. C'est de la manière dont s'y prennent les deux enfans pour placer leurs protégés que sort tout le comique et tout l'intérêt de ce petit drame. Pour faire réussir leur projet, ils se croient obligés de faire changer de costume à leurs anciens camarades. Les soins et les embarras qu'il leur en coûte

(1) Ce mot est attribué au duc de Fronsac, fils du maréchal de Richelieu. (Note de Grimm.)

donnent lieu à quelques scènes plaisantes; mais tout cela finit par une moralité très-sérieuse. L'oncle, toujours bon, toujours humain, piqué de ce que ses neveux ont cru que les rustiques habits de leurs anciens amis pourraient leur nuire dans son esprit, feint d'avoir déjà donné les trois places sollicitées. Il fait ouvrir en même temps une armoire où sont renfermés les anciens habits de ses neveux, le sien propre, avec le portrait de son frère dans le même costume. En leur montrant cette intéressante garde robe, il leur dit que c'est toujours avec plaisir qu'il la contemple. Après cette leçon cependant il tire tout le monde de peine, en acceptant la vertueuse faniille qu'on lui a présentée.

Il y a des longueurs dans cet ouvrage et même quelques niaiseries, mais on y a trouvé une foule de détails pleins d'esprit, de grace, d'intérêt et de naïveté. L'auteur a retranché ce qui avait paru déplaire, et à la seconde représentation la pièce a parfaitement réussi.

Harangue de la nation à tous les citoyens sur la nécessité des contributions patriotiques. Par M. Cérutti. Brochure de 74 pages in-8°.

« L'orateur des subsides, dit M. Cérutti, n'est pas aussi bien écouté que celui des insurrections; voilà pourquoi j'en ai choisi un accoutumé à tout obtenir. La nation, haranguant elle-même les citoyens, doublera, non leur richesse, mais leur zèle. Je me suis fait catéchiste du peuple dans un autre ouvrage, dans celui-ci je me fais son missionnaire. >>

Le fonds de cette harangue n'est pas neuf, ce sont à peu près les mêmes idées que l'on a vues dans l'Adresse, rédigée, au nom de l'Assemblée nationale, par M. le

comte de Mirabeau, ou plutôt par son ami M. Duroveray, ancien procureur-général de la république de Genève. Mais si le style de M. Cérutti est moins énergique, moins serré, il a, ce me semble, plus de douceur, plus d'ame et de vérité, autant d'éclat, quelquefois même autant de véhémence. On a été vivement frappé de l'apostrophe suivante :

« On dit qu'il existe parmi vous, ô citoyens français ! des génies malfaisans qui sèment en tout lieu la méfiance et la discorde; qui dirigent du sein des ténèbres les complots, les ravages ; qui, placés sur des hauteurs inaccessibles, ainsi qu'on peint les négromans, contemplent d'un œil voluptueux et féroce les orages qu'ils ne cessent de susciter; de qui la voix tonnante invoque le crédit et le consterne et l'atterre; qui attachent aux principes le fil de leurs trames; qui dissolvent tous les nœuds, et n'en laissent refaire aucun; par qui le peuple est réduit aux révoltes pour tout travail, et aux fureurs pour toute subsistance; qui portent l'incendie dans toutes les parties de l'administration, et sonnent le tocsin contre elle; qui voudraient faire de la France un royaume sans roi, sans ministres, sans tribunaux, sans armée, sans trésor; qui ont tué le despotisme pour en hériter; qui ont affranchi l'imprimerie pour l'associer à leurs vengeances; de qui la plume acharnée boit le sang et l'imposture; qui, par des explosions combinées, font une ruine à chaque fondation; qui, comme Arimane, corrompent chaque germe de bien au moment qu'il se développe... On dit que ces génies malfaisans existent, on dit qu'ils existent dans le sanctuaire même de la Législation; on dit qu'ils appuient sur elle le levier des complots pour soulever toute la France; on dit qu'ils portent en même temps la toge sénatoriale,

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