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Le grand nombre ne sera-t-il pas toujours le grand nombre? Pourra-t-il acquérir les mêmes lumières, jouir des mêmes avantages que le petit nombre des privilégiés de la nature et du sort? Ceux de la loi proscrits, les autres n'en existeront pas moins, n'en abuseront pas moins, n'en seront pas moins exposés à l'envie et à toutes les passions qu'elle inspire.

il

Séduit, acheté par un parti, ce grand nombre ne peutpas l'être demain par'un autre? Ne fût-ce pas là dans tous les temps son patrimoine et sa destinée?

Dans la réunion des circonstances les plus favorables, ne pouvait-on concevoir une manière de réformer les abus, de rétablir l'ordre qui eût épargné à la nation des mouvemens si convulsifs, des dangers si menaçans, des scènes d'horreur si atroces? Pour régénérer l'empire, fallait-il en croire des conseils perfides, imiter la crédulité barbare des filles de Pélias, et sur les fausses promesses d'un génie plus cruel que Médée déchirer la patrie, comme elles déchirèrent l'auteur infortuné de leurs jours, dans le fol espoir de lui rendre ainsi la vie et la jeunesse?

Une constitution sage et raisonnable ne peut manquer d'influer sur le caractère d'une nation, en assurer le bonheur, la puissance et la liberté; sous ce point de vue elle intéresse sans doute toutes les classes, toutes les conditions, tous les individus ; mais que de rapports politiques plus ou moins habilement combinés dont la détermination sera toujours indifférente au grand nombre! et c'est aujourd'hui pour de semblables discussions qu'on agite la nation entière, qu'on cherche à la soulever contre elle-même.

Nos sublimes législateurs ont-ils calculé tous les dangers qu'il y avait à faire passer subitement une popula

TOM. XIV.

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tion immense de la servitude de l'autorité, d'une autorité respectée depuis tant de siècles, à la servitude de la loi, d'une loi établie d'hier, dont les dix-neuf vingtièmes de la nation ne peuvent avoir une juste idée, et qui blesse sensiblement la classe jusqu'ici la plus intéressée à maintenir l'ordre public? Est-ce impunément qu'ils ont cru pouvoir appeler au milieu des vices et des habitudes d'une nation corrompue tous les transports, toutes les agitations, tout le délire de la liberté naissante? Est-ce sans frémir enfin qu'ils ont pu voir les plus grands intérêts, les passions les plus violentes s'avancer jusqu'au bord du précipice, et lutter là dans les ténèbres pour décider à qui resterait l'empire?

Les périls et les malheurs attachés aux grandes révolutions politiques m'affectent d'autant plus vivement que j'y vois toujours la certitude d'un grand mal, et que l'espèce de bien qui peut en résulter me paraît toujours dépendre beaucoup plus du sort aveugle des événemens, que des lumières et de la volonté de ceux qui les dirigent ou croient les diriger.

Étudiez l'histoire, parcourez les annales de tous les peuples, vous verrez que les vraies sources du bonheur des individus et de la prospérité nationale, dépendantes du sol, du caractère, des mœurs, des lumières, de l'industrie d'une nation, tiennent encore plus aux principes d'une bonne administration qu'à ceux d'une constitution plus ou moins parfaite.

Avec une bonne armée bien disciplinée on a de la force; avec un commerce florissant, des richesses; avec des talens, des lumières, des arts, de l'industrie, toutes les jouissances du riche, toutes les ressources du pauvre. Ces biens, les seuls peut-être qui ne soient pas imagi

naires, ont existé sous toutes les formes de gouvernement, et il n'en est aucune qui puisse les garantir sans une administration sage, vigilante, éclairée. La constitution qui en serait la moins susceptible est celle qui, par sa nature même, trop faible, trop incertaine, trop mobile, aurait une tendance habituelle vers le désordre et l'anarchie.

Voyez à la tête d'un pays libre des Séjan, des Verrès, des Catilina; ce pays sera tout aussi malheureux que s'il était soumis à un despote. Plácez sur le trône le plus absolu des Phocion, des Aristide, des Marc-Aurèle, quelle est la république dont une pareille monarchie pût envier le bonheur?

Il faut toujours en revenir aux deux vers de Pope :

For forms of government let fools contest,
What e'er is best administered, is best.

Épigramme sur quatre procureurs qui portaient le dais à la procession de la Fête - Dieu, par M. l'abbé Girod.

Pour laver nos iniquités

Le Christ mourut jadis d'un supplice barbare

Entre deux brigands redoutés.

Aujourd'hui triomphant et vainqueur du Tartare,
Il en a quatre à ses côtés.

A une dame, en lui envoyant des jarretières en échange d'un serre-tête; par le même.

Jour et nuit mes liens sont doux,
Vous me serrez et me tournez la tête.

Moi je vous serre les genoux :

En un si beau chemin faut-il que je m'arrête ?

Domine, salvum fac Regem. Brochure in-8°, ayant pour épigraphe ces vers parodiés de Racine:

O vous qui combattez pour un chef régicide,
Examinez sa vie et songez qui vous guide.
Un seul jour ne fait pas d'un lâche factieux
Un patriote pur, un prince vertueux.

C'est encore, on l'assure du moins, et nous ne pouvons guère en douter, c'est encore une nouvelle production de la tête volcanique de M. Peltier (1), jeune homme de Nantes, l'auteur de Sauvez-vous ou sauveznous, de la Trompette du Jugement, du Coup d'Équinoxe, etc. Si par le temps qui court il y avait encore quelque chose qui pût paraître audacieux, ce serait sans contredit ce pamphlet; on y dit tout crument qu'il y avait à la Cour un parti pour faire aller le roi à Metz, et pour fomenter une cabale qui proclamât le duc d'Orléans lieutenant-général du royaume, et Mirabeau maire ou ministre de Paris; que les chefs du conseil secret étaient M. de La Clos, officier d'artillerie, auteur d'un roman honteusement célèbre, nommé les Liaisons dangereuses, M. le comte de La Touche, Schée, secrétaire du prince, etc. On ajoute « qu'Agnès Buffon, puissante législatrice du duc, était l'ame de cette horrible intrigue..... qu'il avait fallu une grande étude préliminaire pour agencer tout, et surtout une grande combinaison de choses pour faire

(1) Plusieurs personnes m'ont affirmé que le véritable auteur du Domine salvum fac regem, était non le fameux Peltier, mais feu M. Bourgoing. M. Toustain Richebourg dans son ouvrage intitulé: Famille de Toustain Frontebose, 1799 et 1802, 2 vol. in-8°, affirme que Suleau est l'auteur de ce pamphlet (B.) Depuis M. Barbier l'a mis sur le compte de Peltier. (Voir la deuxième édition de son Dictionnaire des Anonymes.)

sortir le duc d'Orléans de son apathie, de son épicurisme, tranchons le mot, de sa jeanf... habituelle, mais que rien n'était impossible au séducteur de la présidente de Tourvel.» (Personnage du roman des Liaisons dangereuses.) On ne craint pas d'assurer que le départ de Son Altesse est le résultat d'une transaction faite entre les conjurés. «< M. de La Fayette, dit l'auteur anonyme, connaissait le moral de l'homme, il se charge de la vengeance du roi, de la patrie.... Il mande sur-le-champ au duc qu'il lui conseille de sortir de la capitale avant trois jours, ou que sa vie est en danger; il fait mieux, il lui fait parvenir par tous les échos de Paris que, puisqu'il a voulu compromettre son existence, il lui offrira l'occasion de se satisfaire, et qu'il le flétrira d'un soufflet en quelque lieu qu'il le trouve, fût-ce dans l'antichambre du roi. La foudre n'a pas un effet plus prompt que la menace du jeune général, ce lâche et vil conspirateur vient tomber aux pieds du trône qu'il voulait envahir, etc. » Nous ne nous permettrions pas de rapporter ici des inculpations aussi atroces, à beaucoup d'égards même si peu vraisemblables, si l'écrit qui les contient n'avait pas été répandu avec autant de profusion qu'aucune autre feuille du jour. Il est bon d'apprendre aux étrangers quelle est aujourd'hui l'étendue de ce bienfait si désiré par tous nos philosophes, par tous nos législateurs, la liberté indéfinie de la presse.

Le morceau le plus remarquable de ce singulier pamphlet, c'est celui où l'on a essayé de peindre le plus fameux de nos augustes représentans à l'Assemblée nationale; le voici :

<< Peut-on s'empêcher de porter ici le regard de l'indignation sur ce composé monstrueux d'éloquence et

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