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disparu de la France et de l'Espagne; cette caste proscrite est tout ce qui en reste, et ce sang corrompu est le seul qui ne soit pas mélangé. C'est sous des traits avilis par douze cents ans de misères que les derniers restes de la fierté gothique sont ensevelis; un teint livide, des difformités, les stygmates de ces maladies que produit l'altération héréditaire des humeurs, voilà ce qui seul distingue la postérité d'un peuple de conquérans, etc. »>

D'après les observations de M. Ramond, le canton le plus élevé des Pyrénées paraît être celui qui sépare la Bigorre, le pays des quatre Vallées, et une partie du comté de Comminges, de l'Aragon et d'une partie de la Catalogne. Selon M. Flamichon, le pic de Gabisos a mille deux cent cinquante-cinq toises au-dessus du niveau de la mer.... Le nivellement de MM. Riboul et Vidal donne aux sommets calcaires de Marboré et du MontPerdu mille six cent trente-six, mille sept cent quarante et mille sept cent soixante-trois toises. La plus grande élévation des Pyrénées se soutient l'espace d'environ quarante mille toises, à compter de Vignemale jusqu'à la Maladetta; elles ne sont inférieures aux Alpes que de six cents toises au plus, en faisant entrer dans la comparaison les hauteurs presque disproportionnées du Schreckhorn et du Mont-Blanc.

C'est dans l'ouvrage même qu'il faut lire la belle description du cirque de Marboré, de sa cascade de mille deux cent soixante-six pieds de hauteur, et de son pont de neige. C'est, après une chute d'eau qui se trouve en Amérique, la plus haute qui ait été mesurée, elle excède de plus de trois cents pieds celle de Lauterbronnen; mais brisée au milieu de sa hauteur par un rocher qui en recueille les eaux, elle ne présente point les singuliers phé

nomènes qu'on devrait attendre de son élévation, et celle de Lauserbronnen conserve l'avantage d'offrir l'étrange spectacle d'un torrent considérable qui se dissipe dans les airs.

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Les considérations de l'auteur sur l'étendue des glaciers des Pyrénées comparée à celle des Alpes offrent un grand nombre d'idées neuves et intéressantes. La zone des glaces des Pyrénées n'est large que de trois cents toises, celle des Alpes en occupe mille trois cents. Cette différence est prodigieuse, si l'on fait attention que les pics les plus élevés de ces montagnes ne diffèrent dans leur hauteur que de six cents toises, et dans leur latitude que de trois degrés et demi... M. Ramond s'attache prouver ensuite que les glaciers des Alpes comme ceux des Pyrénées ne sauraient prendre d'accroissement durable.... Il observe que l'air des montagnes du premier ordre est aussi destructif de l'économie animale que celui des montagnes inférieures lui est favorable.... « La hauteur, dit-il, où l'homme cesse d'exister commodément est celle où finit l'empire des saisons, où commence celui du froid constant, et les hauteurs accidentelles sont variées à la fois par les accidens simples et faciles à examiner que subit la zone glaciale, par les accidens plus composés et plus nombreux que subit la zone végétale, et enfin par les accidens infiniment plus compliqués et presque innombrables que la vie animale apporte dans l'univers avec son aptitude à en modifier les effets... Sublime unité du plan de l'univers! à peine on t'aperçoit que, saisi de respect et presque d'épouvante, te décrire semble une profanation, et que t'admirer est le seul voir qui nous reste ? »>

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Nous pourrions citer encore plusieurs autres différens

morceaux du même genre qui prouvent qu'à l'exactitude, à la sagacité de l'esprit observateur d'un de Luc, d'un Saussure, M. Ramond a su joindre quelquefois le style enchanteur des Bailly, des Buffon, des Rousseau. Son ouvrage est rempli de connaissances profondes et variées; on y trouve tour à tour des descriptions faites avec beaucoup de justesse et de précision, des peintures vives et animées, des recherches abstraites, des discussions infiniment curieuses sur quelques époques fort obscures de notre histoire, et à ces différens mérites se mêle encore souvent l'expression d'une ame profondément pénétrée de tous les bienfaits de la nature et de tous les droits de l'humanité. Si cet intéressant ouvrage laisse quelque chose à désirer, ce serait, quant au fonds, une méthode plus claire, quant au style, moins d'abondance et quelquefois une simplicité plus sévère.

Prologue de la comédie du Joueur, par le Père
Porée (1).

Un jeu sage et réglé ne fut jamais un crime;
Pour délasser l'esprit on peut jouer un peu ;
Mais ce plaisir permis devient illégitime
Dès que le jeu n'est plus un jeu.

Les choses, dira-t-on, changent-elles d'essence?
Le jeu n'est-il pas jeu dès qu'il en a le nom?

Le jeu n'est bien souvent rien moins que ce qu'on pense,
Le mot demeure, le jeu non.

Quand du jeu, par exemple, on se fait une étude,
Qu'on en garde chez soi le frivole attirail,
Qu'on le prend, qu'on le quitte avec inquiétude,
Est-ce un jeu? Non: c'est un travail.

(1) On nous assure que cette pièce n'a jamais été imprimée.

(Note de Grimm.)

TOM. XIV.

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Quand on fait un comptoir d'une table bizarre,
Où voulant s'enrichir aux dépens du public,
Plus on prodigue l'or, plus on se montre avare,
Est-ce un jeu ? Non : c'est un trafic.

Quand on change un cornet en une urne fatale,
Où roulant ses destins et ceux de sa maison,
On la livre aux revers que la fortune étale,
Est-ce jeu? Non, c'est trahison.

Honteux d'avoir perdu quelque somme légère,
Quand l'esprit s'obstinant à son propre malheur,
Après le superflu risque le nécessaire,

Est-ce un jeu? Non. Quoi donc? Fureur.

Enfin sur une mer cent fois plus orageuse,

Plus perfide cent fois que l'humide élément,
Quand on ose compter sur une course heureuse,
Est-ce jeu? Non, aveuglement..

Nous allons sur la scène aujourd'hui reproduire
Les funestes excès d'un joueur emporté;

En vous divertissant nous voulons vous instruire;
Ce n'est point jeu, c'est vérité.

Comme avant nous la France, avant nous l'Italie
A donné son Joueur sous masque différent,
Nous ne prétendons point disputer la partie,
Notre jeu n'est qu'un jeu d'enfant.

Lettre de M. le comte de L***, maréchal de camp, à M. le duc de B***, lieutenant-général des armées du roi, sur la glorieuse campagne de M. le maréchal de Broglie en 1789. (Par M. de Chamfort, de l'Académie Française).

Je viens d'apprendre, M. le duc, unenouvelle qui me

comble de joie, et je me hâte de vous faire partager mon plaisir. M. le maréchal de Broglie a l'honneur d'être nommé généralissime des troupes françaises : depuis long-temps je m'affligeais de voir de si grands talens inutiles à la patrie. Eh quoi! disais-je, M. le maréchal de Stainville a pu, par sa belle conduite dans sa campagne de Rennes, obtenir le pardon de ses fautes et de ses disgraces en Franconie. Nous avons vu mourir presque dans les bras de la victoire M. le maréchal

de. ..............., qui, loin d'avoir épuisé son génie dans ses travaux passés et dans la guerre de la Farine, semble l'avoir réservé tout entier pour sa belle campagne du faubourg Saint-Germain; nous avons admiré la savante manœuvre qui, par la jonction subite de deux corps de troupes, a pris en tête et en queue six mille bourgeois dans la rue Saint-Dominique, et a décidé du sort de cette grande journée. Ces grands hommes laissent une mémoire adorée, et le vainqueur de Berghen est le seul à qui le sort refuse de rajeunir une renommée vieillie, et d'emporter au tombeau l'hommage des cœurs vraiment français! Non, M. le duc, les grands destins de M. de Broglie ne sont pas encore remplis, et c'est avec transport que je vois s'ouvrir devant lui une nouvelle carrière de gloire et de prospérité.

La première opération de M. le maréchal a été d'ordonner la formation d'un camp de trente mille hommes à quelques lieues de Paris; et, pour ne parler d'abord que de l'intention politique de ce camp, vous sentez l'avantage immense qu'il y a pour le bon parti de persuader au roi la grandeur du péril où nous sommes; et comment n'y serait-il pas trompé en voyant cet amas de troupes étrangères et nationales, ce train formidable

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