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sement à l'ordre qui rend un intérieur fort insipide, et une crainte de toute nouveauté qui atteste la médiocrité. D'ailleurs il n'admet point le principe de l'égalité, ce qui gêne ma dépense, et il m'a toujours contesté ma liberté individuelle, etc. >>

Tablettes d'un curieux, ou Variétés historiques, littéraires et morales (1). Deux volumes in-8°.

On ignore le rédacteur de ces nouveaux mélanges. Le plus grand nombre des morceaux qu'on y a recueillis avaient déjà paru dans différens ouvrages périodiques, mais il en est quelques-uns cependant qui n'étaient guère connus et qui méritaient de l'être, tels que l'éloquent Discours de feu l'abbé Arnaud sur Homère, le Dialogue sur les femmes de feu l'abbé Galiani, où l'on retrouve toute la folie et toute l'originalité de son imagination; l'intéressant Mémoire de Louis XIV à Monseigneur le Dauphin, rédigé par Pelisson; une Lettre assez curieuse sur le comte de Hodiz, cet homme singulier qui avait fait de la terre qu'il habitait en Moravie une espèce d'Opéra perpétuel. Tout dans le lieu de sa résidence était disposé pour des représentations théâtrales et pastorales; il avait fait de ses domestiques et de ses vassaux des acteurs, des musiciens, des danseurs; et à soixante-dix ans, avec la goutte et la pierre, il ne paraissait encore occupé que des divertissemens dont il s'était formé une si douce habitude.

(1) Par Sautreau de Marsy.

JUILLET.

Paris, juillet 1789.

Le mardi 2 juin, on a donné sur le théâtre de l'Opéra la première représentation des Prétendus, comédie lyrique en un acte. Les paroles sont de M. Rochon de Chabanes, la musique de M. Le Moine, connu avantageusement par celle de l'opéra de Phèdre.

Le fonds de cette petite comédie lyrique n'est pas neuf sans doute (1), et M. Rochon de Chabanes a eu soin de l'avouer dans un avertissement qu'il a mis à la tête du poëme; mais ce qui lui appartient dans ce petit ouvrage, c'est la manière tout-à-fait heureuse dont il a conçu la scène. Tous ceux qui jusqu'à présent avaient donné sur ce théâtre des ouvrages comiques n'avaient pas su éviter la monotonie des longs dialogues, ralentis encore par la marche d'un récitatif qui ne peut être accentué et varié comme celui de la tragédie. M. Rochon a sauvé ce défaut en coupant ce qui nécessairement devait être en récitatif par des duo, des trio ou des morceaux d'ensemble qui, variant avec adresse le mouvement musical de la scène, l'ont fait paraître plus rapide et dissimulé souvent les longueurs qu'on aurait pu reprocher d'ailleurs au poëme. Le musicien a très-bien saisi les intentions du poète, et cette nouvelle composi

(1) Il est pris, pour ainsi dire tout entier, dans une pièce donnée sur le Théâtre des Grands Danseurs, sous le même titre, et c'est évidemment la Fausse Agnès de Destouches qui en a fourni la première idée. (Note de Grimm.)

tion de M. Le Moine ne laisserait peut-être rien à désirer, si les motifs du petit nombre d'airs proprement dits qui se trouvent dans cet ouvrage étaient plus heureux ou mieux développés.

Observations faites dans les Pyrénées, pour servir de suite à des Observations sur les Alpes, insérées dans une traduction des Lettres de W. Coxe sur la Suisse. Deux volumes in-8°, par M. Ramond de Carbonières, le même dont il est souvent question dans les mémoires du malheureux procès de M. le cardinal de Rohan; il était alors secrétaire de Son Éminence, qui l'avait fait entrer dans le corps des gendarmes de la garde du prince de Soubise. Il s'est brouillé depuis avec son protecteur; a-t-il eu tort ou raison, je l'ignore; mais à qui peut juger de ses sentimens par ses ouvrages, il est impossible de suspecter la délicatesse de sa conduite et de ses procédés: il n'a rien écrit qui ne porte l'empreinte d'une ame très-élevée et très-sensible.

Plusieurs végétaux, tels que le sapin, la lauréole odorante, la gentiana-verna, l'aconit - napel, etc., ont fourni à l'auteur des indications sur le degré de hauteur des montagnes où il les a trouvés, les uns par la diversité de leur taille, par le temps de leur floraison, d'autres encore par leur seule présence, et il en déduit cette conséquence générale que la disposition des végétaux sur le penchant des montagnes obéit principalement à la température de leurs différentes zones.

M. Ramond a trouvé l'isard un peu plus petit et d'une couleur moins claire que le chamois des Alpes; il le croit aussi moins fort et moins agile.

L'ours, commun dans les cantons des Pyrénées où

les forêts ne sont pas détruites, est moins féroce que celui de la Suisse, les troupeaux y sont moins fiers.

Les cagots ou capots, les goîtreux ou les cretins des Pyrénées, que l'auteur fait descendre des Goths, tiennent, selon lui, leur imbécillité du sort de leur race et non des vallées qu'ils habitent; cette race, réputée infame et maudite, et partout désarmée, ne peut exercer que de certaines professions; la misère et les maladies en sont le constant apanage; elle est connue en Bretagne sous le nom de Cacous, dans l'Aunis sous celui de Coliberto, Cahetz en Guienne, enfin Caffos dans les deux Navarres.

« Je comprendrai fort bien, dit M. Ramond, que les Visigoths, tous Ariens, ayant été pour les Gaulois et les Francs un objet de scandale et d'aversion, ont pu dès le temps de Childéric Ia être nommés Cagots, Cahetz, Caffos, c'est-à-dire, selon M. de Gebelin, ladres et infects, car on n'a pas attribué le parfum à la sainteté, sans réserver l'infection à l'hérésie. Je comprendrai également que les Francs, qui servaient par un motif religieux l'ambition de Clovis, et jurèrent sur leur barbe d'exterminer cette race d'Ariens qui opposait un trône à son trône, ont cruellement traité les Cagots que la bataille de Vouglé dispersa, et que les habitans des bords de la Loire et de la Seure repoussèrent avec autant de mépris que de ressentiment vers les désertes embouchures de ces rivières. Je comprendrai de même que, lorsque le royaume des Visigoths s'anéantit devant les enfans de Clovis, tout ce qui dans cette nation s'était déjà avili par des alliances avec des filles de la glèbe, hors d'état de suivre les Goths guerriers et nobles qui passèrent en Espagne, descendit à l'état des vaincus de Vouglé, et que nonobstant la faveur que Clovis et ses

successeurs firent aux Visigoths comme aux Gaulois Ro mains, de les laisser vivre sous leurs lois, le même mépris confondit bientôt avec ces vaincus des hommes abandonnés par leur nation, comme par leurs vainqueurs, et détestés des Gaulois dont ils avaient persécuté les évêques..... Le refus des sacremens de l'Église et de la sépulture des Chrétiens fut la suite naturelle du ressentiment du clergé long-temps persécuté. On éloigna ces Ariens des communautés, parce qu'ils étaient schismatiques, non parce qu'ils étaient lépreux. Ils devinrent lépreux quand une dégénération successive, apanage naturel d'une race vouée à la pauvreté, y eut naturalisé des maladies héréditaires, Peu à peu, sans doute, ils acquiescèrent à la foi de l'Église, mais ils ne purent se régénérer; ils cessèrent d'être Ariens sans cesser d'être lépreux, et cessèrent d'être lépreux sans cesser d'être livrés à tous les maux qu'engendre la viciation du sang et de la lymphe. Le gouvernement féodal, qui devint celui des barbares quand ils renchérirent de barbarie, ne se contentait plus de partager la terre avec le cultivateur, et s'appropriait les personnes avec les possessions, et le Cagot devint dans la race des esclaves un esclave de plus basse condition. En vain les communes rentrèrent dans les droits de l'homme, il n'eut pour sa part que l'ombre de la liberté, et demeura dans une dépendance d'autant plus misérable, que dans le nombre de ses tyrans il n'avait plus un maître qui pourvût à ses besoins.... Telle est la destinée de cette nation, qui renversa et fonda des empires, et sur les derniers rejetons de laquelle l'arianisme attira plus de vengeances que le souvenir même de son usurpation. Le peuple entier des Goths exterminé par les combats, ou fondu dans les habitans du pays, a

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