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C'est parce que nous aurions trop à citer que nous nous refusons au plaisir de citer davantage. Des détails agréables le sont toujours; mais ce n'est que dans l'ensemble qui les lie et qui les anime qu'on juge de tout leur effet.

JUIN.

Paris, juin 1789.

Billet de M. de La Place (1) à M. le marquis de

Ximénès.

Comme tout change, et surtout à Paris!
Les vers jadis étaient vers de marquis.
Aujourd'hui, sans rougir d'une illustre origine,
Hélas! ils sont bourgeois comme ceux de Racine.

Le 30 mai, on a donné sur le Théâtre Italien la première représentation des Savoyardes, comédie en un acte, mêlée d'ariettes, paroles de M. de Piis, musique de M. Propiac, déjà connu par celle des Trois Déesses Rivales.

Comme le titre de cette pièce semblait promettre une suite, ou du moins un pendant du joli tableau des Deux Petits Savoyards, M. de Piis a eu l'attention de nous faire annoncer par le Journal de Paris que c'était tout autre chose, que le véritable sujet de son drame était la continence du chevalier Bayard, qu'il s'était seulement permis de changer le lieu de la scène, et de la transporter de Bresse en Savoie.

(1) Ce poète vient d'entrer dans sa quatre-vingt-troisième année. (Note de Grimm.)

TOM. XIV.

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Cette pièce offre de jolis tableaux, quelques traits même d'une gaieté assez originale, elle n'a cependant obtenu qu'un très-faible succès, parce qu'elle a paru

trop dépourvue de l'intérêt que le choix du sujet semblait promettre. La manière dont M. de Piis a présenté Bayard, et la conduite qu'il lui fait tenir dans ce drame, est si loin du caractère et des mœurs connues de ce héros, qu'elle paraît ridicule et puérile. L'amour de Maurice pour Jeannette ne pouvait guère intéresser davantage; sa coquetterie est trop niaise ou trop sérieuse.

Quant à la musique, quoiqu'elle ne soit pas d'un meilleur style, on l'a trouvée du moins mieux adaptée au genre et au ton du poëme que celle des Trois Déesses Rivales du même auteur.

De l'autorité de Montesquieu dans la Révolution présente. Brochure in-8°, avec cette épigraphe tirée de la Vie d'Agricola par Tacite :

Vir magnus quantùm licebat. (Pár M. Grouvelle, secrétaire des commandemens de monseigneur le prince de Condé, l'auteur de l'Épreuve délicate, comédie en trois actes, d'une Odé sur la mort du prince Léopold de Brunswick, etc.)

L'objet de cet ouvrage est de discuter le système de Montesquieu sur la constitution française. L'auteur commence par rendre à ce grand homme l'hommage dû à son génie. « Montesquieu, dit-il, trouva l'étude des lois au même point où Descartes avait trouvé toute la philosophie; il osa comme lui oublier tous ses maîtres, et percer de nouvelles avenues vers la vérité.... Son influence sur l'esprit humain sera aussi durable que son

influence sur l'esprit de son siècle fut rapide; sa méthode fit l'éducation de tous ses successeurs.... Il est donc vrai, et c'est sa plus grande gloire, que Montesquieu est la cause première des changemens heureux qui sont promis à la France; mais, par une contradiction singulière, son génie lutte aujourd'hui contre lui-même, et paraît suspendre la révolution qu'il a préparée.... »

Pour développer ces idées, l'auteur compare d'abord Montesquieu avec l'esprit dominant à l'époque à laquelle il écrivit, ensuite avec les philosophes qui l'avaient précédé dans la même carrière. Après ce parallèle tracé fort rapidement, M. Grouvelle se permet de discuter avec beaucoup de liberté les premières bases du système de l'Esprit des Lois; il trouve fausse la distinction de la monarchie et du despotisme, il observe très-bien que sous le nom de monarchie Montesquieu n'eut presque jamais que la France en vue, qu'en conséquence il s'attache à charger les nuances qui distinguent la monarchie du despotisme; mais il ne saurait concevoir comment, après avoir montré dans la France le modèle des monarchies, il peut placer le gouvernement d'Angleterre au nombre des gouvernemens monarchiques... « Tel est, ajoute-t-il, l'esprit général de ce grand ouvrage : il présente des résultats divers, suivant les différens points de vue d'où il est observé. Une prudence craintive, en éteignant l'éclat des vérités, altère leurs véritables traits. Une modération scrupuleuse, en voulant corriger, adoucir, ébranle, atténue. Une sorte de scepticisme politique y favorise tous les intérêts, et laisse dans les nuages les abus; les droits, les biens et les maux.» En général l'opinion de Montesquieu lui paraît trop favorable au pouvoir absolu.

L'examen que fait ensuite l'auteur et des lois fondamentales qui existent en France, et des pouvoirs intermédiaires destinés à les maintenir, ne tend qu'à prouver l'insuffisance de toutes ces barrières politiques. « L'instruction générale et le crédit public rétrécissent de jour en jour le cercle de l'autorité arbitraire. L'énergie morale de ces principes est l'instinct conservateur des peuples répandus et multipliés sous mille formes diverses, ils sont pour ainsi dire un aliment impalpable qui sans cesse fortifiait nos ames languissantes sous l'atmosphère du despotisme; ils nous ont seuls soutenus, ils vont nous régénérer. Voilà les uniques, les vraies puissances intermédiaires dont la répulsion universelle supplée à la constitution quand elle manque, et la maintient quand elle existe. »

Après avoir rassemblé dans un seul chapitre, avec beaucoup de précision, ce qu'on trouve, ce qui manque et ce qu'on reproche à l'Esprit des Lois, l'auteur ne craint pas de décider que ce grand ouvrage, tout admirable qu'il est, fait trop sentir l'absence d'une double inspiration nécessaire au vrai législateur, l'amour du peuple et le sentiment de l'égalité. Il peint lui-même ce dernier sentiment avec l'éloquence la plus touchante; c'est assurément le morceau le mieux écrit de tout le livre je doute cependant qu'on veuille en conclure que le génie de M. Grouvelle est plus législateur que celui de Montesquieu.

:

Le principe qui domine dans ce petit ouvrage, où nous avons trouvé d'ailleurs une foule de réflexions également justes et profondes, est celui de tous nos grands hommes du jour; s'il est encore permis de le révoquer en doute, ce n'est qu'avec une extrême réserve. M. Grou

velle et tous ces Messieurs pensent que la liberté est la fin nécessaire de tous les gouvernemens. Cette idée ne serait-elle pas susceptible de plusieurs modifications essentielles? Point de bonheur sans une liberté raisonnable sans doute; mais si les hommes n'avaient eu pour premier but que la liberté, n'eussent-ils pas fait le plus sot calcul du monde en se soumettant aux conditions de

quelque pacte que ce puisse être? Ce n'est donc pas là le principal objet du système social. Ce qu'on a dû se proposer d'abord en se réunissant avec ses semblables, c'est d'assurer son repos et sa propriété, en sacrifianţ au besoin de la réunion de toutes les forces en commun pour garantir ce repos et cette propriété le moins possible de sa liberté personnelle, De cette première idée, ainsi déterminée, je vois dériver, ce me semble, tous les principes d'une constitution heureuse et durable, je ne vois dans tout le reste que désordre et instabilité. Si M. Grouvelle s'était placé sous ce point de vue, après avoir médité davantage l'ensemble de l'Esprit des Lois, il n'eût pas, je crois, prononcé si durement que Montesquieu éclaira les nations, mais qu'il aveugla leş Français.

Sans être toujours de son avis, sa brochure nous a fait un grand plaisir. Le style en est inégal, un peu néo¬ logique, un peu maniéré, mais souvent plein d'esprit, et quelquefois même d'une énergie très-ingénieuse.

Des Propriétés et des Privilèges. Extrait d'un ouvrage

manuscrit,

Propriété.

Si l'homme n'eût jamais désiré de pouvoir dire: Ce

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