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fait les notables en 1787? ils ont défendu leurs privilèges contre le trône; qu'ont fait les notables en 1788? ils ont défendu leurs privilèges contre la nation. Le trône n'a donc d'ami que la nation, et la nation d'ami que le trône.

« On soutient que la noblesse a placé la couronne sur le front de Hugues Capet. La noblesse était bien plus disposée alors à démembrer le trône qu'à le donner..... On soutient encore que la noblesse seule a rétabli le sceptre dans les mains de Charles VII; mais Jeanne d'Arc, qui opéra cette révolution inattendue, l'armée qui combattit sous cette héroïne, les villes, les hameaux qui se soulevèrent contre l'usurpateur étranger, étaientils la noblesse? Mais la noblesse, qui avait appelé les Anglais, le duc de Bourgogne, qui avait fomenté les partis, l'évêque de Beauvais, qui précipita sur un bûcher infame la libératrice de Charles VII et du royaume, étaient-ils le peuple? etc. >>

<< Ils disent que la noblesse se croirait dégradée si elle paraissait en équilibre avec le tiers-état. Quoi! cinq à six cent mille hommes se croiraient dégradés de paraître en équilibre avec ving-quatre millions d'hommes !..... La France, qui pendant deux cents ans avait adopté le même équilibre, avait donc dégradé ses nobles pendant deux cents ans?..... Les enseignes romaines, sur lesquelles le monde entier lisait ces mots: Senatus populusque Romanus, dégradaient donc le sénat romain aux yeux du monde entier ?..... La philosophie, qui rapproche les humains, dégrade donc les humains? La religion, qui leur ordonne de fraterniser, ordonne donc qu'ils se dégradent? Et vous-même, prince religieux et philosophe, quand vous prononciez l'éloge du tiers-état,

vous prononciez donc la dégradation des deux premiers ordres? Votre ombre généreuse et sensible s'indigne et s'afflige d'une pareille expression..... Elle s'indigne et s'afflige de voir qu'au moment du danger public, au moment de réunir tous les secours, au moment d'accueillir toutes les lumières, ceux qui en ont les obscurcissent, sèment les terreurs au lieu de clartés, portent les divisions au lieu de secours, accélèrent le danger au lieu de le suspendre, menacent d'une scission formidable les esprits qu'ils pouvaient calmer.... Ombre auguste et tutélaire, c'est à vous seule qu'il appartiendrait de dire au monarque héritier de vos sentimens: Vous avez promis de faire le bonheur de vingt-six millions d'hommes, et cinq à six cent mille exigent de vous le sacrifice de tous les autres! c'est comme s'ils vous demandaient d'abdiquer votre empire, car les nobles composent votre Cour, et le tiers-état votre puissance, etc. »

Voyage du jeune Anacharsis en Grèce, dans le milieu du quatrième siècle avant l'ère vulgaire; par M. l'abbé Barthélemy. Quatre volumes in-4°, et sept volumes in-8°.

Ce grand ouvrage, commencé en 1757, vient enfin d'être publié, et ne paraît pas indigne de la haute attente qu'on en avait conçue. Ce n'est ni un poëme, ni un roman : l'érudition semble y tenir l'imagination par la lisière, mais il était difficile de rassembler dans un cadre plus intéressant tout ce que l'on sait et tout ce l'on a a pu deviner sur l'histoire, les mœurs, que les usages et les arts de la Grèce.

OEuvres complètes de Gilbert. Un volume in-8°.

Ce petit recueil fera regretter sans doute que l'auteur, né avec un vrai talent pour la poésie, soit mort si jeune, si malheureux, et qu'il n'ait et qu'il n'ait pas fait un meilleur emploi des dons qu'il avait reçus de la nature. Dans quelquesunes de ses Odes, on trouve de superbes images, dans ses Satires plusieurs traits dignes de Juvénal; en général une excellente facture de vers, des expressions hardies, énergiques, quelquefois forcées, mais souvent trèsheureuses.

JANVIER.

Paris, janvier 1789.

LE Démophon de M. Marmontel est emprunté d'un opéra du même nom du célèbre Métastase, comme l'opéra italien avait été emprunté d'une de nos plus intéressantes tragédies, d'Inès de Castro, de La Mothe. Métastase crut devoir y ajouter plusieurs épisodes qui en ont compliqué l'intrigue. M. Marmontel en a retranché une partie; la marche de son poëme est plus simple, mais le dénouement est-il aussi naturel, aussi vraisemblable?

La première représentation de cet ouvrage a été reçue plus froidement qu'elle ne le méritait, et celles qui lui ont succédé ne prouvent pas qu'on soit encore disposé à lui rendre plus de justice. Malgré les défauts que nous avons relevés dans le poëme, il offre des détails qui font honneur au talent de M. Marmontel; c'est peut-être de tous ses opéra celui dont le style est le moins négligé; les paroles de plusieurs airs, celles des duos en général sont des modèles de la manière dont les auteurs lyriques doivent traiter ces parties si importantes d'un opéra. Au lieu de suivre le plan tracé par La Mothe, M. Marmontel a voulu se rapprocher davantage de celui de Métastase : la double intrigue admise par ce dernier devait nécessairement partager l'intérêt et distraire de celui que la situation et le malheur de Dircé pouvaient et devaient naturellement inspirer; mais il fallait ne pas oublier peut-être que Métastase travaillait pour un Théâtre où

les doubles intrigues sont commandées par l'usage, la volonté des musiciens et la durée d'un spectacle, qu'il serait difficile de remplir par les seuls moyens d'une action simple et une, et qu'un double intérêt sert par la variété qu'il offre à la musique, plaisir que cherchent trop uniquement les Italiens dans leurs opéra. En France, il sera toujours très-difficile de présenter sur nos théâtrés lyriques des actions complexes, parce que la durée de nos spectacles ne permet pas les développemens que demandent deux intrigues pour être claires et pour intéresser. L'auteur de l'opéra d'Andromaque ne l'a fait peut-être avec quelque apparence de succès qu'en sacrifiant presque entièrement l'amour bien plus intéressant d'Oreste pour Hermione que celui de Néade pour Ircile à l'amour maternel d'Andromaque pour son fils. La présence de cet enfant, introduit sur la scène dès le second acte, produisait l'intérêt le plus attendrissant, parce qu'il avait été préparé à l'aide des développemens de la tragédie de l'immortel Racine, et l'amour d'Oreste pour Hermione n'affaiblissait pas ce sentiment si attachant, parce que l'auteur n'en avait conservé que ce qui était nécessaire pour lier l'intrigue et accroître l'intérêt de son action. C'est le seul outrage fait au grand modèle qu'il traduisait sur la scène de l'Opéra qu'on a dû lui pardonner en faveur des larmes que les deux situations dans lesquelles il présentait Astyanax ont fait répandre aux spectateurs.

Quant à la musique de Démophon, elle n'a pas rempli tout ce qu'on attendait du talent très-avantageusement annoncé de M. Chérubini. Ses chants, quoique purs, et sous ce rapport dignes de l'école du célèbre Sarti, où ce jeune compositeur a été élevé, n'ont pas paru toujours

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