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Il a été décidé qu'il recevrait une belle épée damasquinée aux armes de Sa Majesté. De semblables encouragemens honorent tout à la fois le talent qui les obtient et l'auguste protection qui sait si bien le distinguer. Ce sont les bonnes mœurs qui ont fait le succès de l'École des Pères, et la récompense que Sa Majesté vient d'accorder à l'auteur est une sorte d'hommage rendu à l'honnêteté publique, qui paraît être en même temps la censure la plus forte et la plus juste de tous les Figaro du jour.

Le vendredi 18 janvier, on a donné, sur le Théâtre Français, la première représentation de la Ressemblance, comédie en trois actes et en vers libres, de M. Forgeot, l'auteur des Deux Oncles, des Amis rivaux, etc.

Le jeu de mademoiselle Contat, qui a rempli deux rôles dans la pièce, le mouvement de l'action, le comique des situations soutenu par un dialogue vif et serré, semé même quelquefois de traits heureux, ont fait réussir les deux premiers actes de cette pièce; mais le troisième a paru languissant, parce qu'il prolonge sans intérêt une action dont le dénouement semblait annoncé à la fin du second acte. L'imbroglio produit seulement par la ressemblance de deux personnages, quelle que soit la variété des situations qui en résulte, cesse d'amuser les spectateurs lorsqu'il se multiplie au point de fatiguer l'attention. Quoique cette pièce ne soit ne soit qu'une imitation des Ménechmes de Regnard, des Trois Jumeaux vénitiens de Colalto, des Deux Arlequins de Bergame de M. de Florian, elle fait honneur au talent d'écrire de M. Forgeot; on regrette seulement de lui voir employer ce talent, qui paraît digne de la bonne

TOM. XIV.

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comédie, à un genre de pièces dont le petit théâtre des Variétés amusantes vient de s'emparer avec succès dans la Nuit aux aventures, dans Ruse contre ruse, etc. pièces dont l'intrigue d'ailleurs est beaucoup mieux conçue que celle des nouveaux Ménechmes femelles.

De la Morale naturelle. Un volume in-16, avec cette épigraphe :

Ενά σε δεῖ ἄνθρωπον, εἶναι... EPICTÈTE.

Par M. M. de Z*** (1).

Ce petit ouvrage a eu beaucoup plus de succès que n'en obtiennent d'ordinaire des ouvrages si sérieux. Un des premiers journalistes (2) qui en ait rendu compte a dit « que ce livre était le code de l'homme de bien au milieu du luxe et des arts, de l'homme qui sait user de tout sans laisser altérer en lui les sources du bonheur que la nature a voulu que nous tenions d'elle seule... » Mais on ne pouvait mieux saisir l'esprit dans lequel ce petit ouvrage a été conçu : « C'est ce caractère distinctif qui lui prépare un rang distingué parmi les moralistes dont on renouvelle souvent la lecture... L'auteur s'approche encore d'eux par le point le plus intéressant, c'est qu'il montre une ame à lui, etc... >> Cette dernière observation, dont nous oserons avouer la justesse, est la plus propre, ce semble, à justifier au moins l'indulgence avec laquelle on a bien voulu accueillir le nouvel essai de morale. S'il y avait plus d'hommes accoutumés de bonne heure à se replier sur eux-mêmes, qui voulussent faire ainsi la confession naïve de leurs sentimens et

(1) Meister de Zurich. Voir ses Mélanges.

(2) M. de Lacretelle, dans le Journal de Paris, n° 20. (Note de Grimm.)

de leurs pensées, et nous la donner avec la même candeur, avec la même simplicité que l'auteur de la Morale naturelle, on finirait peut-être, en rassemblant tous les résultats de ces expériences particulières, par avoir des matériaux suffisans pour former un système de morale aussi complet que peuvent l'embrasser les bornes de notre intelligence.

Lettre de madame Necker à l'auteur de la Morale

naturelle.

« Je ne puis assez vous exprimer, Monsieur, combien je suis sensible à l'aimable confidence que vous me faites. Vous avez agrandi mes pensées et réveillé ou fait naître dans mon cœur tous les sentimens que vous peignez avec tant d'énergie, et cependant nos opinions sur le principe de nos vertus sont bien différentes : vous les attribuez toutes à la nature, vous les placez de front dans le cœur de l'homine, et vous donnez le même rang et la même source à la religion; cette idée pure et ingénieuse vous distingue de tous les philosophes du siècle; mais pour moi, qui fus accoutumée à regarder l'Être suprême comme l'auteur de mon existence et de mes penchans, j'aime à faire tout dériver de cette grande origine, et l'amour de l'ordre me paraît bien moins le sentiment de mes convenances que l'effet de mon admiration et de mon amour pour le modèle éternel qui frappe continuellement mes regards. Mais cette différence dans le système ne change rien aux conséquences; je les adopte toutes, et j'admire en même temps ces résultats d'un esprit pénétrant qui prennent toujours la forme de la raison, qu'on trouve trop près de nous pour ne pas la

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confondre avec nos sentimens les plus intimes. La simplicité, la pureté, la douce harmonie forment à la fois le mérite de vos pensées et de votre style; vous avez bien montré que la véritable finesse n'a point d'obscurité, et que les nuances bien graduées donnent un caractère distinctif aux traits les plus délicats. Combien j'ai été frappée du portrait de madame de Vermenoux! Ce chefd'œuvre de grace et de sentiment permet à son ombre d'attendre sans impatience un monument moins durable et moins propre à nourrir nos regrets; la douleur que vous exprimez si bien a cependant un caractère particulier qui doit la rendre moins amère, car elle est en même temps une jouissance mélancolique des plus doux souvenirs et des plus grands sacrifices que l'on ait jamais faits à l'amitié. Le portrait de Diderot fait une impression différente il est impossible de le tracer avec plus de grace et d'adresse; mais, quoi que vous fassiez, tous les moyens que vous employez pour le faire estimer se tirent de la délicate insinuation de sa folie; ce trait si ingénieux qui nous découvre dans votre modèle l'image fidèle de son système de la nature, la fécondité et toutes les merveilles réunies sans un maître qui les conduise, montre tout à la fois la démence de ce système, la déraison et le génie supérieur de celui qui voulait le faire adopter. Jamais un seul rapport n'en a réveillé un plus grand

nombre. >>

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Lettre de M. Necker au même.

« J'ai lu et relu, Monsieur, votre précieux ouvrage; il répond à l'idée que j'avais de votre esprit, et il satisfait mon amitié pour vous; ainsi je suis parfaitement con

tent, et je vous fais tous mes complimens; toutes vos idées sont fines et spirituelles sans aucune ostentation, et votre style est parfaitement pur, souple et naturel. Et ce portrait qui m'intéresse si sensiblement, avec quel charme, avec quelle vérité vous l'avez fait! Vous m'avez rendu compte d'une chose que je n'avais fait que sentir, en développant avec tant d'esprit et de délicatesse l'attrait singulier de la personnalité de notre adorable amie. Je vous demande instamment, quelque parti que vous preniez pour la publicité, de me donner une copie de cette image fidèle d'un objet si cher et si présent à mon

cœur. >>

Le Petit Almanach de nos Grands Hommes. Un volume in-16, avec cette épigraphe :

Diis ignotis, aux dieux inconnus.

Depuis les satires de Swift et de Pope, nous n'avons rien vu de plus original et de plus gai que ce petit ouvrage. On prétend que M. le marquis de Créqui et M. de Champcenetz y ont eu quelque part, mais l'idée et l'exécution n'en appartiennent pas moins à M. le comte de Rivarol, ci-devant M. de Parcieux, ci-devant M. LongChamp, fils d'un aubergiste de Bagnols, l'auteur d'un excellent Discours sur l'Universalité de la langue française, d'une critique fort piquante du poëme des Jardins et d'une nouvelle traduction de l'Enfer du Dante.

Le Petit Almanach de nos Grands Hommes est dédié à M. Cailhava de l'Estandoux, président du grand Musée de Paris. « Si l'Almanach Royal, lui dit-on dans cette dédicace, seul livre où la vérité se trouve, donne la plus haute idée des ressources d'un État qui peut supporter

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