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somme de deux cent cinquante millions est à la valeur du total de la production annuelle, tant sur la terre que dans l'industrie, comme un est à dix-neuf, il est évident qu'anéantir pour deux cent cinquante millions de moyens d'acheter, c'est anéantir un dix-neuvième du revenu général de la terre et de l'industrie. Mais si le dix-neuvième de ce revenu est évidemment produit par le dix-neuvième de vos travailleurs, voilà donc évidemment aussi le dixneuvième de vos travailleurs sans autre ressource que les grands chemins.... Considère-t-on de sang-froid dans les grands chemins cette multitude de malheureux que la banqueroute nationale y précipite? Réfléchit-on que le dix-neuvième des travailleurs, joint aux dépendans de toute espèce que les victimes de la banqueroute faisaient vivre, forme bien plus d'un million d'ames?..... Ce corps formidable n'a besoin que d'un chef pour ne pas se borner aux assassinats suffisans pour subsister pendant la journée. Songez que, dans le nombre des ruinés, il suffit d'un Marius ou d'un Catilina pour changer dans bien peu de temps le nom de tous les propriétaires de la

France, etc. >>

Ces images sont trop funestes pour y arrêter plus long-temps notre pensée.

La Couronne, épigramme faite à Lyon.

La Rive obtint ici jadis une couronne ;

A Duval (1) aujourd'hui tout le public la donne.
Ce public est changeant, mais il s'y connaît bien,

Il rend toujours hommage au plus grand comédien.

Le mardi 11 novembre, on a donné, sur le Théâtre Italien la première représentation des Dangers de l'ab(1) Duval d'Espréménil.

sence, ou le Souper de famille, comédie en prose et en deux actes, de M. Pujoulx, de plusieurs sociétés littéraires.

Cette pièce, qui est plutôt un proverbe qu'une comédie, malgré beaucoup de scènes inutiles ou languissantes, a eu le succès qu'aura toujours la peinture de nos ridicules et de nos mœurs, lorsqu'on y reconnaîtra du naturel et de la vérité. Plusieurs détails ont paru bien sentis; le tableau du vieillard jouant à la bataille avec ses deux petits-enfans a quelque chose de doux et d'intéressant. Si le dénouement ne fait pas plus d'effet, c'est qu'il est beaucoup plus attendu qu'il n'est heureusement préparé. Le caractère de madame de Florville a des nuances trop prononcées; on sent bien qu'elle ne peut décemment se dispenser de reconnaître à la fin l'erreur qui l'avait séduite, mais on n'en est pas plus touché de son repentir, et peut-être serait-on même assez excusable de n'y pas croire.

Le samedi 15 novembre, les Comédiens Français ont essayé de donner une représentation du Faux Noble, comédie en vers et en cinq actes, de M. de Chabanon.

Nous eûmes l'honneur de vous rendre compte de cette comédie lorsqu'elle parut imprimée dans les OEuvres de cet estimable Académicien (1); l'accueil qu'elle vient de recevoir au théâtre n'a que trop confirmé le jugement que nous en avions porté alors; mais si la sévérité avec laquelle le parterre a traité le Faux Noble n'est pas absolument injuste, elle est au moins infiniment dure et cruelle les murmures qui avaient commencé dès les premières scènes ont éclaté avec tant de violence à la fin (1) Voir précédemment page 55.

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du troisième acte, qu'il n'a pas été possible d'achever la représentation. Ce sont moins quelques expressions triviales ou négligées, quelques détails de mauvais goût, qui ont occasioné cette chute effroyable, que l'espèce de langueur qui règne dans tout l'ouvrage; les situations, comme les caractères, ont paru manquer de naturel et de mouvement; on sent partout l'effort de l'auteur, qui cherche des contrastes et se tourmente à faire marcher une intrigue qui n'en paraît pas moins immobile. Quelques scènes d'une intention assez comique n'ont produit aucun effet, tantôt parce qu'elles sont trop prolongées, tantôt parce qu'elles passent la mesure de l'exagération théâtrale. La vérité du comique n'est pas la même que celle de l'intérêt, mais il n'y a jamais d'effet au théâtre sans le degré de vraisemblance qu'exige au moins l'illusion du moment. A ces défauts essentiels, que n'ont pu racheter des traits pleins d'esprit et d'un vrai talent, s'est encore joint un tort pour lequel l'auteur s'était flatté d'obtenir grace plus aisément dans la circonstance actuelle que dans aucune autre, c'est celui d'avoir osé dégrader sur la scène, dans le vil personnage de son duc et pair (1). La première classe de notre hiérarchie politique; les mêmes personnes qui lisent avec transport tous les ouvrages qui invitent la nation à faire justice des privilèges des différens ordres dans la

(1) Je sais bien que Dorante, dans le Bourgeois gentilhomme, joue un rôle tout aussi vil que le duc d'Alfort, mais rien ne prouve d'abord que ce comte Dorante soit un homme de qualité; et quand il le serait, la bassesse de son caractère disparaît, pour ainsi dire, sous le comique des situations où il se trouve placé. Les caractères essentiellement odieux ne peuvent être supportés au théâtre qu'autant qu'ils excitent dans la tragédie encore plus d'admiration que d'horreur, dans la comédie plus de rire encore que de mépris.

(Note de Grimm.)

prochaine assemblée des états-généraux, ont paru voir avec indignation l'excès de l'avilissement dans lequel on osait lui présenter un grand seigneur. Le peuple veut souvent que l'on respecte l'idole même à laquelle il ne croit plus, et il tient encore en France à ces antiques monumens d'une féodalité qu'il voudrait détruire.

Quoi qu'il en soit, l'auteur du Faux Noble a trouvé une sorte de consolation à se persuader qu'il n'y avait qu'une cabale de ducs qui avait fait tomber sa pièce. A la bonne heure! Que n'appelle-t-il aussi du parterre aux états-généraux, comme M. de La Blancherie (1), l'agent de la Correspondance générale, qui me disait ces jours passés : « Je suis las de toutes les persécutions qu'éprouve le plus bel établissement dont on ait jamais conçu l'idée (celui de la Correspondance générale). Je travaille dans ce moment à un grand mémoire pour les états-généraux; je suis bien aise de faire décider à la nation assemblée si je suis un sot ou non. »

Dénonciation au public à l'occasion de quelques écrits anonymes, particulièrement d'une comédie ayant pour titre la Cour Plènière (2), calomnieusement attribuée à M. Bergasse; avec des détails sur sa retraite en Suisse, l'époque et les motifs de cette retraite, des réflexions sur le danger de ce qu'on appelle Bulletins à la main, et

(1) Mammès Claude Pahin de la Blancherie, né à Langres en 1652. Il entreprit, mais sans succès, d'établir à Paris un bureau de Correspondance générale pour les sciences et les arts; il publia cependant 8 vol. in-4o de Correspondance qui lui valurent bon nombre d'épigrammes. Réfugié à Londres à l'époque de la révolution, il y mourut en 1811.

(2) La Cour Plénière, héroï-tragi-comédie en trois actes et en prose, par M. l'abbé de Vermond (par Gorsas); Baville (Paris), chez la veuve Liberté, à l'enseigne de la Révolution. 1788, in-8°.

les moyens sourds qu'emploie une cabale pour favoriser et faire renaître les anciens abus de la Police; bro

chure.

Ce misérable pamphlet, dont nous ignorons l'auteur, mais qu'on ne peut se dispenser d'attribuer à quelque enthousiaste du talent et des vertus de M. Bergasse', est dirigé principalement contre M. de Flandres de Brunville, procureur du roi au Châtelet, que les bruits publics avaient désigné un moment pour remplacer M. de Crosne au département de la police. Nous aurions dédaigné de parler, de ce libelle s'il n'avait pas été honoré d'une sentence du Châtelet, qui le supprime comme contenant des faits faux, calomnieux, etc., et si, dans le réquisitoire qui précède cette sentence, nous n'avions pas trouvé cette phrase vraiment remarquable : « Vous ne confondrez pas, Messieurs, la licence sans frein qui a enfanté cette production coupable, avec cetie liberté si désirable de la presse, cette conquête nouvelle de l'opinion publique, ce moyen puissant de lumières dont nous ressentons déjà les utiles effets, et dont l'avenir nous promet encore de plus heureuses influences... » Et c'est ainsi qu'aujourd'hui l'on parle au Châtelet, dans ce tribunal que l'on vit, il y a quelques années, tout près de condamner aux galères le pauvre M. Delisle, pour avoir fait un livre presque aussi moral qu'ennuyeux, intitulé la Philosophie de la Nature!

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