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Ah! monsieur le comte, pourquoi n'écrivez-vous pas toujours ainsi ?

Mémoires de M. le duc de Saint-Simon, ou l'Observateur véridique, sur le règne de Louis XIV, et sur les premières époques du règne suivant; trois volumes in-8°. (L'ouvrage original a onze volumes in-folio (1), mais il est hérissé de détails rebutans et de redites fatigantes.)

Les trois volumes que nous avons l'honneur de vous annoncer ne sont qu'un extrait des Mémoires de M. de Saint-Simon, mais où l'on assure avoir conservé scrupuleusement les expressions de l'original, sans s'être permis d'y ajouter une seule phrase. Si c'est, comme on l'a dit dans le monde, l'extrait qu'en avait fait anciennement l'abbé de Voisenon pour M. le duc de Choiseul, il est à présumer que l'ouvrage a été imprimé sur une copie fort défectueuse, car on y rencontre à tout moment des phrases qui n'ont ni fin ni liaison, et de ces sortes de fautes qui ne peuvent être attribuées qu'à l'impéritie de l'imprimeur ou du copiste. Quoi qu'il en soit, les Mémoires de M. de Saint-Simon, dont il existait depuis long temps plusieurs copies manuscrites, ont été cités si souvent par nos meilleurs écrivains, que l'extrait qu'on nous en donne aurait été plus imparfait encore, qu'il ne pouvait manquer d'exciter une grande curiosité. On ne trouve guère dans ces trois volumes que des anecdotes domestiques sur le caractère de Louis XIV et de ses ministres, sur celui du Régent et de ses favoris, sur la cour de Philippe V; mais il en est un assez grand nombre dont l'originalité est vraiment fort piquante. Si

(1) Ils viennent d'être imprimés. Paris, Sautelet 1829-1830. 21 vol. in-8°.

le style de M. de Saint-Simon est en général d'une grande négligence, il étincelle quelquefois d'expressions infiniment énergiques, de traits que n'eût point désavoués le génie de Tacite et de Montesquieu. Si l'amertume et la causticité sont les caractères habituels de sa manière de voir, il n'en loue pas avec moins de grace; personne n'a peint avec plus de charme l'ame et les vertus de Fénélon; voici ce qu'il dit de sa physionomie :

<< Elle ne pouvait s'oublier, ne l'aurait-on vue qu'une fois; elle rassemblait tout, et les contraires ne s'y combattaient point; elle avait de la gravité et de l'agrément, du sérieux et de la gaieté; elle sentait également le docteur, l'évêque et le grand seigneur; ce qui y surnageait, ainsi que dans toute sa personne, c'était la finesse, l'esprit, les graces, la décence, surtout la noblesse. Il fallait faire effort pour cesser de le regarder.

Malgré la multitude des ouvrages écrits sur le règne de Louis XIV, il semble que l'énigme fastueuse du caractère de ce prince ne se débrouille entièrement à vos yeux qu'en lisant les Mémoires de l'Observateur véridique, beaucoup trop véridique sans doute pour l'intérêt d'une gloire qui en imposa si long-temps à l'Europe

entière.

Nouveau Voyage en Espagne, ou Tableau de l'état actuel de cette monarchie, contenant les détails les plus récens sur la constitution politique, les tribunaux, l'inquisition, les forces de terre et de mer, le commerce et les manufactures, principalement celles de soieries et de draps, etc.; ouvrage dans lequel on a présenté avec impartialité tout ce qu'on peut dire de plus neuf, de plus avéré et de plus intéressant sur l'Espagne de

puis 1782 jusqu'à présent; trois gros volumes in-8° (1). Nous ne croyons pas qu'il existe dans ce moment, en aucune langue, un livre qui soit aussi propre à faire connaître l'Espagne telle qu'elle est aujourd'hui sous autant de rapports, avec plus d'exactitude et de vérité. Ce n'est ni un ouvrage profond, ni un ouvrage brillant, mais on y trouve partout l'empreinte d'un esprit sage et mesuré, d'un bon esprit qui cherche à bien voir, et qui juge tout ce qu'il voit avec une grande impartialité. Ce nouveau tableau de l'Espagne est de M. le chevalier de Bourgoin, élève de l'École militaire, qui a passé plusieurs années en Espagne avec M. le comte de Montmorin, et qui est dans ce moment ministre du roi à Hambourg; c'est lui du moins qui en avait rassemblé tous les matériaux. Les occupations dont il est chargé ne lui ayant pas permis d'en achever entièrement la rédaction, il en a laissé le soin à son ami, M. l'abbé Giraud, qui parcourut lui-même une grande partie de l'Europe, et qui eut l'honneur d'accompagner monseigneur le comte d'Artois au siège de Gibraltar.

Chaque jour, chaque heure, pour ainsi dire, voit éclore quelque nouvelle brochure, quelque nouveau volume sur les états-généraux, et si l'on rassemble tous ces écrits à la Bibliothèque du Roi, l'on y comptera très-incessamment plus de volumes encore sur la constitution

(1) Quoique cet ouvrage porte le millésime de 1789, il fut publié dans les derniers mois de 1788; une quatrième édition parut en 1807 sous le titre de Ta bleau de l'Espagne moderne, avec le nom de l'auteur et un atlas in-4o. JeanFrançois baron de Bourgoin parcourut avec succès la carrière diplomatique ; ministre plénipotentiaire à Hambourg; envoyé de Louis XVI en Espagne jusqu'à la révolution, il fut depuis ambassadeur à Copenhague, à Stockholm et enfin à Dresde, où il mourut en 1811 âgé de 64 ans.

de la monarchie qu'il n'y en a déjà sur la constitution Unigenitus; car sur cette grande et belle question, il n'y en a, dit-on, guère au-delà de dix mille. Ne pouvant parler en détail de toutes les productions patriotiques du moment, il faut bien choisir. L'une d'elles, qui nous a paru mériter le plus d'attention, quoiqu'un peu trop métaphysique pour faire tout l'effet qu'eût désiré l'auteur, est intitulée de la Convocation de la prochaine tenue des états-généraux en France, par M. Lacretelle; elle est divisée en deux parties; dans la première on tâche d'établir nettement l'état de la question, dans l'autre les principes généraux d'une saine représentation nationale. Nous avons été frappé de la franchise avec laquelle l'auteur s'explique sur le premier point.

<< Disons la chose comme elle est : nous voulons être assemblés en corps de nation, mais nous ne savons comment nous y prendre.... Il me semble que j'entends un étranger me témoigner son étonnement et me dire: Votre nation n'a-t-elle jamais été assemblée? Jusqu'au temps où les grands progrès de notre civilisation ont commencé, nous avons eu, à de longs intervalles, ce qu'on appelait des états-généraux.-Eh bien, assemblezvous comme autrefois. — C'est ce que tout le monde a dit d'abord; mais en y regardant de plus près, nous avons vu que ces convocations représentaient essentiellement des corps de la nation et fort peu la nation elle-même. Nous avouons tous qu'elles ont des vices auxquels il est difficile de se résigner; il n'y a plus que ceux qui ne les connaissent pas qui les défendent; ceux qui les ont étudiés craindraient tout, mais ils se rassurent par leur incompatibilité avec l'état actuel du royaume.-Vous êtes trop heureux d'être ainsi conduits à vous affranchir des

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liens antiques de la barbarie; il n'y a pas en Europe de peuple libre qui ne vous enviât cette position. Faites votre plan de représentation d'après vos lumières, et pour votre intérêt commun. Mais qui a droit de le tracer?-Que vous importe, si celui qu'on vous offre vous convient? Mais s'il ne nous convenait pas? Vous ne l'accepteriez pas. N'avez-vous pas vos Parlemens pour veiller sur vos droits et les réclamer? Ils récla- ment aussi. Le roi veut donc vous condamner à vos anciens états?— Point du tout, il voudrait assembler la nation dans un plan meilleur.-Eh bien? Eh bien, on lui oppose que cela n'est pas légal.—Quoi! il n'est pas légal qu'un roi fasse à son peuple plus de bien que le peuple n'avait su s'en faire lui-même ? C'est une inquiétude qui nous trouble, une question qui nous divise, et c'est pour cela que nous avons une assemblée de notables. J'avais bien ouï parler de l'inconséquence des Français, mais non pas de leur pédanterie. Qui a pu vous inspirer une crainte si bizarre? - La déclaration de nos Parlemens doit avoir ici de l'autorité. - Quoi! ils résistent également à la cour plénière et à de bons, de vrais états-généraux! Je ne reconnais plus leur sagesse, leur patriotisme, leur générosité.— Il y a, diton, une partie de la noblesse, du clergé, qui pense comme eux; c'est un si beau droit de dominer dans les assemblées d'une nation, une si noble prérogative que celle de casser ou de corriger ses décrets, qu'on a peine d'y renoncer. Je cominence à vous entendre.— Non, vous ne m'entendez pas... Loin d'inculper les Parlemens, je crois que s'ils séparent les droits de leurs corps de ceux de la nation, c'est qu'ils n'ont pas encore assez aperçu combien cette séparation serait funeste et

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