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sont plongés dans un abîme affreux de désastres et de calamités. Cette domination-là n'est point naturelle, c'est une chimère qui enivre tellement les hommes qu'elle leur ôte le sens commun, et ils s'attirent tant d'ennemis, et des ennemis si redoutables, qu'il leur est impossible d'y résister à la longue; les habitans des côtes, les habitans des îles, les puissances voisines, les puissances éloignées, enfin toutes s'arment entre elles contre ceux qui ont usurpé l'empire de la mer, comme contre les tyrans du genre humain.» Ne semble-t-il pas, ajoute M. de Paw, qu'Isocrate ait voulu désigner par ces expressions la Grande-Bretagne, et lui prédire exactement tout ce qui lui est arrivé et tout ce qui lui arrivera encore, si elle ne juge pas à propos d'adopter des principes plus modérés, et de suivre des maximes plus équitables?

La section qui traite du commerce des Athéniens est divisée en trois parties; la première traite des différentes spéculations des négocians grecs, des foires, des compagnies de commerce des colonies; la seconde, du système des monnaies; la troisième, des revenus de la république, et cette section termine le premier volume.

Dans le second, M. de Paw considère plus particulièrement l'état de la civilisation chez les Athéniens, la formation de leurs tribunaux, l'esprit des lois de Solon, le génie des orateurs d'Athènes, les causes de la grandeur et de la décadence de l'Aréopage, le code civil et criminel, les réglemens de police. En parlant de la jurisprudence criminelle, il observe que, chez les Athéniens, tous les tribunaux qui pouvaient condamner un citoyen à mort, ou à l'exil, ou à l'infamie, étaient remplis par un grand nombre d'hommes. Il est vrai que lorsqu'il fut question de juger Démosthènes, qu'on accusait de s'être

laissé corrompre par l'argent d'Harpalus, on assembla contre lui une cour composée de quinze cents juges pour décider une question de fait et pour prononcer sur la nature de la peine; mais ce jugement pourrait bien avoir été un jugement extraordinaire, que l'auteur cite mal à propos pour un exemple de la règle commune; ce qu'il ajoute n'en paraîtra pas moins digne d'attention. « Il y a ce vice, dit-il, dans la plupart des tribunaux criminels de l'Europe, qu'ils sont composés d'un trop petit nombre de juges, tellement que la vie, l'honneur et la fortune y dépendent d'un trop petit nombre d'opinions. Il en coûterait trop, dit-on, pour payer une multitude de juges dans les matières criminelles, qui ne sont pas ellesmêmes fort lucratives. Ainsi c'est l'avarice la plus sordide et la plus honteuse qui a perpétué jusqu'à présent cet usage digne des Cannibales. >>

Nos jeunes magistrats n'auront pas manqué d'admirer la sagesse profonde du législateur d'Athènes en apprenant de M. de Paw que si, dans l'origine, l'Aréopage ne fut qu'un simple tribunal de judicature, Solon en fit un sénat dirigeant qui devait être le conservateur des lois et l'inspecteur général de l'État.

Il y a plus d'érudition que de philosophie et de goût dans les deux sections qui traitent, l'une de l'état des beaux-arts à Athènes, l'autre de la religion; mais de toutes les parties de l'ouvrage il n'en est point où l'esprit paradoxal de l'auteur domine plus que dans celle où il analyse le caractère et les mœurs des Spartiates, leur constitution et leur gouvernement; c'est un vrai libelle contre cette république et son fondateur. Il faut oublier tout ce que nous en avaient dit Plutarque et Xénophon pour se persuader, ainsi que le prétend M. de Paw, que

Lycurgue était un homme sans génie, un barbare qui ne savait ni lire ni écrire, et dont les institutions ne furent qu'une copie grossière et maladroite de celles de la Crète, etc. Toute originale que lui semble cette opinion, nous osons douter qu'elle fasse une grande fortune; on n'a pas attendu jusqu'à ce moment pour reconnaître les vices de la constitution de Sparte; mais on ne cessera jamais de la regarder comme le plus beau triomphe du génie des lois sur les affections et sur les faiblesses de la nature humaine. Il n'y eut jamais de législateur qui ait fait aussi précisément que Lycurgue tout ce qu'il voulait faire; il n'en est point qui ait su former un ensemble plus parfait et d'une durée plus imposante: respectée par une si longue suite de siècles et de révolutions, quels efforts pourraient détruire, quels efforts pourraient ébranler aujourd'hui la gloire d'un pareil monument?

ÉPIGRAMME de M. de Rulhière, de l'Académie Française, contre M. Barthès, médecin de feu M. le duc d'Orléans, conseiller de la Cour des Aides et chancelier de l'Université de Montpellier.

Ce magistrat, docteur en médecine
Et chancelier de la gent assassine,
Dans je ne sais lequel de ses fatras
Prône beaucoup le moment du trépas :
Agoniser est un plaisir extrême,

Et rendre l'ame est la volupté même.
On reconnaît à l'œuvre l'ouvrier.

Un jour de deuil lui semble un jour de noce :

C'est bien avoir l'amour de son métier.

Vous êtes bien orfèvre, monsieur Josse.

Le samedi 13 septembre, on a donné, sur le Théâtre Français, la première représentation de Lanval et Viviane, ou les Fées et les Chevaliers, comédie héroïféerie, en cinq actes et en vers de dix syllabes, mêlée de chants et de danses, par M. André de Murville, gendre de inademoiselle Arnould, l'auteur du Rendez-vous du Mari, de Melcour et Verseuil, etc.

Le fond du nouveau drame est tiré d'un ancien fabliau, le Lay de Lanval, traduit en langage moderne par M. Le Grand d'Aussy, et mis en vers par M. Imbert, dans la collection qu'il a intitulée Choix de Fabliaux, deux petits volumes in-8°.

Artus, ce roi de la Grande-Bretagne si célèbre dans nos vieux romanciers, tenait sa cour plénière; il prodigue ses largesses à ses chevaliers, mais il oublie Lanval, le plus brave et le plus fidèle de tous. Ce chevalier quitte la Cour, et suit le premier chemin pour lequel se décide son coursier. Arrivé dans un vallon, il descend de cheval, s'assied sur l'herbe et rêve à son infortune. L'apparition de deux nymphes le tire bientôt de sa rêverie; elles l'invitent à les suivre, et le conduisent sous une tente órnée avec autant de luxe que de goût. Le chevalier y voit une femme d'une beauté céleste, qui sourit de la surprise qu'elle lui cause; elle lui déclare qu'elle l'aime depuis long-temps, et qu'elle veut lui faire un sort digne des plus grands rois. Lanval répond, comme le doit un galant chevalier, à l'amour de la fée Viviane, et jouit de son bonheur jusqu'à l'instant où l'ordre des destins force son amante à se séparer de lui; elle ne le renvoie qu'après lui avoir donné les moyens de vivre dans l'abondance, et en lui promettant de paraître à ses yeux toutes les fois qu'il prononcera son nom; mais elle lui annonce en

même temps que s'il se s'il se permettait la moindre indiscrétion sur leur amour, il la perdrait pour jamais. Lanval, de retour à la cour du roi Artus, l'éblouit de son éclat. La reine en devint amoureuse, et lui déclara son amour; non-seulement le chevalier y fut insensible, mais il osa même lui dire

Qu'il n'était point de reine

Qui de sa mie égalât la beauté.

Indignée, et, qui plus est, jalouse, la reine se plaignit à son époux, qu'un chevalier déloyal, après l'avoir priée d'amour, avait eu l'audace d'insulter à ses charmes et de les mépriser. Lanval est arrêté. Il invoque en vain la fée à plusieurs reprises; il a faussé son serment en parlant de sa mie, et Viviane ne paraît point. On va prononcer l'arrêt de Lanval, quand un chevalier propose de le contraindre, avant son jugement, à montrer sa maîtresse, pour voir s'il a seulement manqué de politesse sans outrager la vérité. Lanval se refuse à ce moyen imaginé par son ami lui sauver la vie. On le conduit au suppour plice, lorsque plusieurs nymphes se présentent tour à tour, et annoncent l'arrivée de leur maîtresse. La fée paraît enfin; elle avoue que si elle n'a pu se dispenser de punir la désobéissance de Lanval, elle doit un prix à sa fidélité, et elle le lui donne en l'emmenant avec elle pour ne s'en séparer jamais.

Ce sujet avait déjà été traité sur un de nos petits théâtres avec une sorte de succès, sous le titre d'Urbelisse et Lanval; l'auteur de ce drame à l'intérêt du conte a su mêler du spectacle et de la gaieté; il n'a point négligé surtout les machines qui se présentent si naturel

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