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Vous n'avez pas de loi qui établisse la liberté de la presse, car vous en demandez une; et, jusqu'ici, vos pensées ont été asservies, yos vœux enchaînés; le cri de vos cœurs dans

l'oppression a été étouffé, tantôt par ce despotisme des particuliers, tantôt par ce despotisme plus terrible des corps.

Vous n'avez pas, ou vous n'avez plus de loi, qui nécessite votre consentement pour les impôts, car vous en demandez une; et depuis deux siècles, vous avez été chargé de plus de trois ou quatre cent millions d'impôts, sans en avoir consenti un seul.

Vous n'avez pas de loi qui rende responsables tous les ministres du pouvoir exécutif, car vous en demandez une; et les créateurs de ces commissaires sanguinaires, les distributeurs de ces ordres arbitraires, les dilapi dateurs du trésor public, les violateurs du sanctuaire de la justice, ceux qui ont trompé lęs vertuis d'un roi, ceux qui ont flatté les passions d'un autre, ceux qui ont causé le désastre de la nation, n'ont rendu aucun compte, n'ont subi aucune peine..

Enfin, vous n'avez pas une loi générale, positive, écrite, un diplôme national et royal tout-à-la-fois, une grande chartre, sur laquelle repose un ordre fixe et invariable, où chacun

apprenne ce qu'il doit sacrifier de sa liberté et de sa propriété, pour conserver le reste ; qui assure tous les droits, qui définisse tous les pouvoirs: au contraire, le régime de votre gouvernement a varié de règne en règne, souvent de ministère en ministère ; il a dépendu de l'âge, du caractère d'un homme. Dans les minorités, sous un prince foible l'autorité royale, qui importe au bonheur et à la dignité de la nation, a été indécemment avilie, soit par des grands, qui d'une main ébranloient le trône, et de l'autre fouloient le peuple, soit par des corps, qui dans un tems envahissoient avec témérité ce que dans un autre ils avoient défendu avec courage. Sous des princes orgueilleux qu'on a flattés, sous des princes vertueux qu'on a trompés, cette même autorité a été poussée au-delà de toutes les bornes; vos pouvoirs secondaires, vos pouvoirs intermédiaires, comme vous les appelez, n'ont été ni mieux définis ni plus fixés. Tantôt les parlemens ont mis en principe qu'ils ne pouvoient pas se mêler des affaires d'État;" tantôt ils ont soutenu qu'il leur appartenoit de les traiter comme représentans de la nation. On a vu, d'un côté, des proclamations annonçant les volontés du roi ; de l'autre des arrêts dans lesquels les officiers du roi défen

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doient, au nom du roi l'exécution des ordres du roi : les cours ne s'accordent pas mieux entr'elles, elles se disputent leur origine, leurs fonctions, elles se foudroient mutuellement par des arrêts.

Je borne ces détails que je pourrois étendre jusqu'à l'infini: mais si tous ces faits sont constans, si vous n'avez aucune de ces loix que vous demandez et que je viens de parcourir, ou si, en les ayant, ( et faites bien attention à ceci ) vous n'avez pas celle qui force à les exécuter, celle qui en garantit l'accomplissement et qui en maintient la stabilité; définissez-nous donc ce que vous entendez par le mot de constitution, et convenez au moins qu'on peut accorder quelqu'indulgence à ceux qui ne peuvent se préserver de quelques doutes sur l'existence de la nôtre. On parle sans cesse de se rallier à cette constitution; ah! plutôt perdons de vue ce fantôme pour y substituer une réalité. Et quant à cette expression d'innovation; quant à cette qualification de novateurs, dont on ne cesse de nous accabler; convenons encore que les premiers novateurs sont dans nos mains; que les premiers novateurs sont nos cahiers; respectons, bénissons cette heureuse innovation qui doit tout mettre à sa place, qui

doit rendre tous les droits inviolables, toutes les autorités bienfaisantes, et tous les sujets heureux.

C'est pour cette constitution, messieurs, que je forme des vœux ; c'est cette constitution qui est l'objet de tous nos mandats, et qui doit être le but de tous nos travaux; c'est cette constitution qui répugne à la seule idée de l'adresse qu'on nous propose: adresse qui compromettroit le roi autant que la nation; adresse enfin qui me paroît si dangereuse, que non-seulement je m'y opposerai jusqu'au dernier instant ; mais que s'il étoit possible qu'elle fût adoptée, je me croirois réduit à la douloureuse nécessité de protester solemnellement contr'elle.

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MÉTAMORPHOSE

DES COMMUNES

EN ASSEMBLÉE NATIONALE.

LE 15 juin, M. l'abbé Syeyes, après avoir rappelé la résolution prise le 10 du même mois sur sa proposition, démontra, par un enchaînement de principes et de conséquences, la nécessité de procéder à la constitution de l'assemblée, en assemblée active. Passant ensuite à l'énumération des différens titres sous lesquels cette constitution pourroit se faire, et leur trouvant à tous dés inconvéniens, il se détermina pour celui d'assemblée des représentans connus et vérifiés de la nation françoise.

D'autres dénominations furent proposées par différens membres; les uns vouloient la constituer sous le titre de majorité des députés délibérant en l'absence de laminorité duement invitée, les autres sous celui de représentans du peuple français; enfin M. Legrand trouva le nom qui lui convenoitle moins alors, celui d'assemblée nationale, et il fut

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