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On fête, on chante Flore et l'antique Cybèle,
Éternellement jeune, éternellement belle.

Leurs discours ne sont pas tous ces riens si vantés,
Par la mode introduits, par la mode emportés ;
Mais la grandeur d'un Dieu, mais sa bonté féconde
La nature immortelle et les secrets du monde.
La troupe enfin se lève; on vole de nouveau
Des bois à la prairie, et des champs au coteau ;
Et le soir dans l'herbier, dont les feuilles sont prêtes,
Chacun vient en triomphe apporter ses conquêtes. 24
Aux plantes toutefois le destin n'a donné

Qu'une vie imparfaite, et qu'un instinct borné.
Moins étrangers à l'homme et plus près de son être,
Les animaux divers sont plus doux à connoître :
Les uns sont ses sujets, d'autres ses ennemis
Ceux-ci ses compagnons, et ceux-là ses amis.
Suivez, étudiez ces familles sans nombre:

;

Ceux que cachent les bois, qu'abrite un antre sombre;
Ceux dont l'essaim léger perche sur des rameaux,
Les hôtes de vos cours, les hôtes des hameaux;

Ceux qui peuplent les monts, qui vivent sous la terre;
Ceux que vous combattez, qui vous livrent la guerre.

Étudiez leurs mœurs, leurs ruses, leurs combats,

Et surtout les degrés, si fins, si délicats,

Par qui l'instinct changeant de l'échelle vivante 25
Ou s'élève vers l'homme, ou descend vers la plante.
C'est peu; pour vous donner un intérêt nouveau,'
De ces vastes objets rassemblez le tableau.
Que d'un lieu préparé l'étroite enceinte assemble
Les trois règnes rivaux, étonnés d'être ensemble.
Que chacun ait ici ses tiroirs, ses cartons;
Que, divisés par classe, et rangés par cantons,
Ils offrent de plaisir une source féconde,
L'extrait de la nature et l'abrégé du monde.

Mais plutôt réprimez de trop vastes projets.
Contentez-vous d'abord d'étaler les objets
Dont le ciel a pour vous peuplé votre domaine,
Sur qui votre regard chaque jour se promène:
Nés dans vos propres champs, ils vous en plairont mieux.

Entre les minéraux présentez à nos yeux
Les terres et les sels, le soufre, le bitume;
La pyrite, cachant le feu qui la consume;
Les métaux colorés, et les brillans cristaux,
Nobles fils du rocher, aussi purs que ses eaux;
L'argile à qui le feu donna l'éclat du verre,
Et les bois que les eaux ont transformés en pierre, 27
Soit qu'un limon durci les recouvre au dehors,

Soit

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que des sucs pierreux aient pénétré leurs corps;

Enfin tous ces objets, combinaison féconde
De la flamme, de l'air, de la terre et de l'onde.
D'un œil plus curieux et plus avide encor
Du règne végétal je cherche le trésor.
Là, sont en cent tableaux, avec art mariées,
Du varec, fils des mers, les teintes variées;
Le lichen parasite, aux chênes attaché ; 28
Le puissant agaric, qui du sang épanché 29
Arrête les ruisseaux, et dont le sein fidèle
Du caillou pétillant recueille l'étincelle ;
Le nénufar, ami de l'humide séjour, 30
Destructeur des plaisirs et poison de l'amour,
Et ces rameaux vivans, ces plantes populeuses, 31
De deux règnes rivaux races miraculeuses.
Dans le monde vivant même variété !

Le contraste surtout en fera la beauté.

Un même lieu voit l'aigle et la mouche légère, Les oiseaux du climat, la caille passagère, L'ours à la masse informe et le léger chevreuil, Et la lente tortue et le vif écureuil ;

L'animal recouvert de son épaisse croûte, 32 Celui dont la coquille est arrondie en voûte; 33 L'écaille du serpent, et celle du poisson,

Le poil uni du rat, les dards du hérisson ;

34

35

Le nautile, sur l'eau dirigeant sa gondole ;
La grue, au haut des airs naviguant sans boussole;
Le perroquet, le singe, imitateurs adroits,
L'un des gestes de l'homme et l'autre de sa voix;
Les peuples casaniers, les races vagabondes;
L'équivoque habitant de la terre et des ondes,
Et les oiseaux rameurs 36, et les poissons ailés. 37
Vous-mêmes dans ces lieux vous serez appelés,
Vous le dernier degré de cette grande échelle,
Vous, insectes sans nombre, ou volans ou sans aile,
Qui rampez dans les champs, sucez les arbrisseaux,
Tourbillonnez dans l'air, ou jouez sur les eaux.
Là je place le ver, la nymphe, la chenille;

Son fils, beau parvenu, honteux de sa famille ;
L'insecte de tout rang et de toutes couleurs,
L'habitant de la fange, et les hôtes des fleurs;
Et ceux qui, se creusant un plus secret asile,
Des tumeurs d'une feuille ont fait leur domicile; 58
des fruits, et le ver assassin,

Le ver rongeur

En rubans animés vivant dans notre sein. 39

J'y veux voir de nos murs la tapissière agile,
La mouche qui bâtit 4o, et la mouche qui file ; 41
Ceux qui d'un fil doré composent leur tombeau,
Ceux dont l'amour dans l'ombre allume le flambeau; 43

42

L'insecte dont un an borne la destinée ; 44
Celui qui naît, jouit et meurt dans la journée,
Et dont la vie au moins n'a pas d'instans perdus.
Vous tous, dans l'univers en foule répandus,
Dont les races sans fin, sans fin se renouvellent,
Insectes, paroissez, vos cartons vous appellent.
Venez avec l'éclat de vos riches habits,

Vos aigrettes, vos fleurs, vos perles, vos rubis,
Et ces fourreaux brillans, et ces étuis fidèles,
Dont l'écaille défend la gaze de vos ailes; 45
Ces prismes, ces miroirs, savainment travaillés ;
Ces yeux qu'avec tant d'art la nature a taillés, 46
Les uns semés sur vous en brillans microscopes,
D'autres se déployant en de longs télescopes.
Montrez-moi ces fuseaux, ces tarrières, ces dards,
Armes de vos combats, instrumens de vos arts, 47
Et les filets prudens de ces longues antennes,
Qui sondent devant vous les routes incertaines.
Que j'observe de près ces clairons, ces tambours,
Signal de vos fureurs, signal de vos amours,
Qui guidoient vos héros dans les champs de la gloire,
Et sonnoient le danger, la charge et la victoire ;
Enfin tous ces ressorts, organes merveilleux, 49
Qui confondent des arts le savoir orgueilleux,

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