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D'autre part, la guerre déclarée à la France par l'Autriche répandait ses ravages depuis les bords du Pô jusqu'au Danube et même jusqu'au Mein, frappant de son fléau les nombreuses contrées comprises entre ces deux fleuves. La Souabe, le Wirtemberg, la Suisse, le pays des Grisons, le Tyrol devinrent les principaux théâtres du choc des armées autrichiennes et russes, contre les armées françaises. La cause de cette guerre désastreuse, acharnée et de longue durée, ne doit point être attribuée aux Français; ils voulaient la paix, ils en avaient besoin; ils ne furent point les agresseurs, mais, menacés, attaqués, ils devaient se défendre; ils devaient aussi venger l'horrible attentat de Rastadt.

L'armée que commandait le général Jourdan, alors nommée armée du Danube, s'était, après plusieurs victoires, avancée jusqu'aux bords du lac de Constance; mais ce général, étant tombé malade, en confia, le 14 germinal, le commandement au général Ernouf, et rentra en France. Peu de temps après, un général qui commandait la droite du camp de Breuzeben, se laissa surprendre en plein jour dans son quartier, n'en avertit point le général en chef qui, se voyant sur le point d'être tourné, ordonna la retraite, et l'armée du Danube se replia sur les bords du Rhin.

Masséna, général en chef de l'armée d'Italie, contenait, repoussait quelquefois sur les rives de

l'Adige, l'armée autrichienne'; le général Lecourbe, qui commandait dans le pays des Grisons et dans la Valteline, se tenait paisiblement sur la défensive il fut, dans la journée du 11 et du 12 floréal, attaqué sur toute sa ligne, et se défendit avec ce bonheur et ce courage qui ne l'abandonnaient point dans ses expéditions militaires.

La veille de cette attaque, le 10 floréal, nos ennemis en faisaient une sur toute la ligne du Rhin.

Cependant les flottes anglaises ne restaient pas inactives auxiliaires de tous les ennemis de la France, elles se portaient sur différens points, faisaient des débarquemens, bombardaient des ports, prenaient des îles, inquiétaient les Français partout où il s'en trouvait, et allaient jusque sur les côtes d'Égypte et de la Syrie pour fournir aux Musulmans des armes, des hommes et des munitions. Leur manoeuvre nuisit beaucoup à l'expédition de Bonaparte en Orient.

Ce général en chef sentait la nécessité d'occuper son armée; transportée dans un pays dont la température, les mœurs, les habitudes, les productions, étaient si différentes de celles de la France, elle fut atteinte par la mélancolie; le désespoir

Le Moniteur rapporte qu'à cette époque, dans l'espace d'environ quatre mois, Masséna avait causé à l'ennemi la perte de dix-huit mille huit cent six hommes tués, blessés ou prisonniers, de trente pièces de canon, d'un obus, de cinquante-deux caissons et deux cent quatre-vingt-quatorze che

vaux.

s'empara, dès le commencement de l'expédition, de la plupart des Français. « L'empereur avait vu deux >> dragons sortir des rangs et courir à toute course » se précipiter dans le Nil. Bertrand avait vu les » généraux les plus distingués, Lannes, Mu>> rat, jeter, dans des momens de rage, leurs cha» peaux brodés sur le sable et les fouler aux pieds >> en présence des soldats. »

La passion s'accroît avec l'impossibilité de la satisfaire; plusieurs militaires avaient laissé en France, en Italie l'objet de leur tendre affection, et Bonaparte comptait dans son armée la faction des amoureux. A la tête de cette faction il plaçait le général Berthier. « A côté de sa tente, il en avait >> toujours une autre aussi magnifiquement soi» gnée que le boudoir le plus élégant, dit-il; elle >> était consacrée au portrait de sa maîtresse, au» quel il allait jusqu'à brûler parfois de l'encens. » Cette tente s'est dressée même dans les déserts » de la Syrie.....

» L'humeur des soldats, en Égypte, s'exhalait >> heureusement en mauvaises plaisanteries; c'est >> ce qui sauve toujours les Français. Ils en vou>> laient beaucoup au général Cafarelli qu'ils >> croyaient un des auteurs de l'expédition. Il avait une jambe de bois, ayant perdu la sienne sur les >> bords du Rhin. Quand, dans leurs murmures, » ils le voyaient passer en boitant, ils disaient à »ses oreilles: Celui-là se moque bien de ce qui ar

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» rivera, il est toujours bien sûr d'avoir un pied en » France 1. >>

Le général en chef avait promis à chacun de ses soldats sept arpens de terre. Quand ils se trouvèrent dans le désert au milieu de cette mer de sable sans limites, ils parlèrent de la générosité du général qui pouvait bien leur en promettre davantage: Le gaillard, disaient-ils, peut bien assurément en donner à discrétion, nous n'en abuserons pas'.

Bonaparte voulait vaincre la répugnance que les musulmans avaient pour les chrétiens, et il n'aurait pas été éloigné d'embrasser l'islamisme et d'entraîner son armée dans le même parti, si cette conversion eût pu faire réussir ses projets ambitieux. Avec les Scheiks (chefs de tribu) il employait les formes orientales, citait les sentences du Koran. « Tous les jours, au soleil levant, les >> Scheiks de la grande mosquée de Gémil et » Azar ( espèce de Sorbonne) se rendaient à son lever; il leur faisait prodiguer toutes espèces de » marques d'égards; il s'entretenait longuement >> avec eux des diverses circonstances de la vie du prophète, des chapitres du Koran....... Il leur » proposa de publier de publier un fétam , par lequel ils or» donneraient au peuple de prêter le serment d'o

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· Mémorial de Sainte-Hélène, tome I, pages 260, 261,

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>>béissance au général en chef. Cette proposition » les fit pâlir, les embarrassa fort, et après un peu » d'hésitation, le Scheik Cherkaoui, respectable >> vieillard, répondit: Pourquoi ne vous feriez-vous » pas musulman avec toute votre armée? Alors » cent mille hommes accourraient sous vos ban»nières, et disciplinés à votre manière, vous réta» bliriez la patrie arabe et soumettriez l'Orient. » Il leur objecta la circoncision et la prohibition » de boire du vin, boisson nécessaire au soldat » français '. >>

Les Scheiks, entraînés par le prosélitisme, et disposés à des concessions, discutèrent pendant trois semaines sur la question de la circoncision; puis ils déclarèrent par un fétam que cette cérémonie n'étant qu'une perfection, on pouvait être musulman sans s'y soumettre. La question du vin fut discutée pendant six semaines, après les quelles. les muphtis déclarèrent qu'on pouvait être musulman et boire du vin, pourvu que l'on employât le cinquième de son revenu, au lieu du dixième, en œuvres de bienfaisance.

Le général en chef fit alors tracer le plan d'une mosquée plus grande que celle de Gémil et Azar; il déclara qu'il la ferait bâtir pour servir de monument à l'époque de la conversion de l'armée. Les prêtres satisfaits accordèrent le fétam d'obéis

'Mémoires pour servir à l'Histoire de France, par le gé-. néral comte de Montholon, t. II, p. 216, 217, etc..

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