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proportionnellement petit, employèrent toutes leurs forces contre lui, et furent vaincues. »>

Les victoires de Frédéric excitèrent un véritable enthousiasme en Angleterre. On voyait partout son portrait : il y eut illumination pour l'anniversaire de sa naissance; Pitt lui fit décréter un subside de sept cent mille livres sterling par an, pour enrôler des soldats; et, sur la proposition de Frédéric, il mit, à la tête de l'armée destinée à défendre l'Allemagne orientale, Ferdinand de Brunswick, en qui l'on vit bientôt le second général de son siècle.

Les simples Allemands avaient frémi au spectacle des barbaries commises par les Français, avec leurs rubans et leur visage fardé de rouge. Ils comprenaient que si Frédéric avait péri, c'en eût été fait des libertés germaniques et du protestantisme. Ils se sentaient fascinés par la sobriété et par le courage de ce roi, qui montrait que la puissance du génie l'emporte sur la force physique, et qui luttait victorieusement contre les Français, les Autrichiens et les Russes.

Frédéric, de son côté, était loin d'insulter par son faste à tant de misères dont la guerre était cause; et il dut prendre une grande confiance en lui-même lorsqu'il trouva dans le camp de Soubise une foule de vivandières, de cuisinières, de comédiens, de perruquiers, de perroquets, de parasols, et des caisses d'eau de lavande. Toutefois, il avouait devoir plutôt ses heureux succès aux fautes de ses ennemis qu'à sa propre habileté. « La méthode que j'ai employée ne s'est trouvée bonne que par les fautes de mes ennemis, par leur lenteur, qui a secondé mon activité, par leur indolence à ne jamais profiter de l'occasion. Elle ne saurait être proposée pour modèle; la loi impérieuse de la nécessité m'a obligé de donner beaucoup au hasard. La conduite d'un pilote qui se livre aux caprices du vent, plus qu'aux indications de la boussole, ne doit jamais servir de règle. Il est question de se faire une juste idée du système que les Autrichiens suivent dans cette guerre. Je m'attache à eux, comme à ceux de nos ennemis qui ont mis le plus d'art et de perfection dans ce métier. Je passe sous silence les Français, quoiqu'ils soient avisés et entendus, parce que leur inconséquence et leur esprit de légèreté renversent, d'un jour à l'autre, ce que leur habileté pourrait leur procurer d'avantages. Pour les Russes, aussi féroces qu'ineptes, ils ne méritent pas qu'on les nomme. Mais si je loue la tactique des Autrichiens, je ne puis que blâmer leurs plans de campagne et leur conduite dans

les hautes parties de la guerre. Il n'est pas permis, avec des forces aussi supérieures, avec autant d'alliés que cette puissance tient à sa disposition, d'en tirer un si petit avantage. Je ne saurais assez m'étonner du manque de concert dans les opérations de tant d'armées, qui, si elles faisaient un effort général, écraseraient les troupes prussiennes toutes en même temps. Que de lenteur dans l'exécution de leurs projets! Combien d'occasions n'ont-ils pas laissé échapper! En un mot, que de fautes énormes auxquelles jusqu'à présent nous devons notre salut! >>

L'Autriche aurait voulu vaincre sans qu'il lui en coutât ni hommes ni argent. Lors d'un armistice, elle ne stipula rien pour les princes qui l'avaient favorisée, et elle les laissa exposés à la vengeance de Frédéric, qui rançonna la Franconie et poussa ses excursions jusqu'à Ratisbonne, ce qui fit accepter sa proposition d'accorder la paix à quiconque retirerait ses troupes. Puis, lorsque les Russes envahirent la partie de ses États qui leur était destinée, Frédéric faisant trois cent milles en vingt-quatre jours, avec quatorze mille hommes, les atteignit sous Custrin et les défit; après quoi il mit en fuite Daun et Laudon, qui portaient le ravage en Saxe.

Mais les populations étaient épuisées, et ses ennemis resserraient leur alliance. Aussi, l'année suivante, la campagne fut-elle désastreuse pour lui. Il éprouva à Kunersdorf une déroute complète; et, s'étant sauvé avec peine sur les épaules du capitaine Pritwitz, il écrivit à son ministre : Tout est perdu. Sauvez la famille royale et les archives. Adieu pour toujours! Les Austro-Russes s'avancèrent jusqu'à Berlin, mettant d'énormes contributions et se livrant à un pillage effréné, pour assouvir leur vengeance et l'avidité des soldats de Tottleben.

Frédéric, réduit à la défensive, ordonna des levées, fit ramasser comme il put du pain, des pommes de terre, des armes. Que le pays soit ruiné, que la jeunesse périsse, pourvu que le royaume soit sauvé!

Il défit Laudon à Liegnitz, et attaqua Daun à Torgau, où se livra une des batailles les plus sanglantes dont l'histoire fasse mention. Quatre cents canons y foudroyèrent les Prussiens, et détruisirent leurs fameux grenadiers. Déjà l'on chantait des Te Deum à Vienne, et l'on y déclarait Frédéric déchu de ses fiefs, droits et priviléges, quand on apprit qu'il avait remporté la victoire.

Frédéric, voyant la Russie acharnée à sa perte, suscita contre

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elle la Porte et le khan des Tartares. Pitt, arbitre du parlement anglais, y fit considérer cette guerre comme nationale et d'un intérêt commercial; ce qui valut au roi de Prusse la continuation des subsides. Comme les hostilités ne s'arrêtaient pas aux limites de l'Europe, les flottes de la Grande-Bretagne enlevaient à la France plusieurs de ses possessions sur le Gange, ainsi que Pondichery et Mahé sur la côte de Malabar; et les Français se trouvaient ainsi exclus de l'Inde. Ils perdaient en Afrique le fort Saint-Louis du Sénégal, l'île de Gorée et tous leurs établissements sur ce fleuve, où l'or et les esclaves étaient une grande source de richesse. Ils se voyaient enlever le cap Breton dans l'Amérique, où était né le prétexte de cette guerre. Lorsque ensuite, à la mémorable bataille de Québec, eurent péri les deux généraux en chef Montcalm et Wolf, tout le Canada fut pris par les Anglais, et Rodney occupa la Guadeloupe, la Dominique, la Martinique, la Grenade, Saint-Vincent, Sainte-Lucie, Tabago. Chaque nouvelle flotte que la France équipait était capturée et détruite; si bien qu'elle perdit ainsi trente-six vaisseaux de ligne et soixante-quatre frégates. Elle songea à envahir l'Angleterre et fit de vastes préparatifs en Bretagne, à Dunkerque et dans les ports de Normandie; mais les premiers bâtiments qui sortirent de Toulon furent battus sur la côte de Lagos, et les autres foudroyés à Quiberon.

Le duc de Choiseul, chef du ministère français, était dévoué à madame de Pompadour et à la maison de Lorraine; il résolut d'apporter quelque remède à tant de désastres en rapprochant toutes les branches de la maison de Bourbon. L'Espagne obéissait au pacifique Ferdinand VI, qui, malgré ses contestations avec l'Angleterre, ne pouvait se décider à une alliance avec la France, même au prix de la cession de Majorque. Il avait également refusé de s'allier avec l'Angleterre, bien qu'elle lui offrit Gibraltar et de belles compensations en Amérique. Mais lorsqu'il eut cessé de vivre, Charles III, qui lui succéda, se montra hostile à la GrandeBretagne, dans la crainte qu'elle ne vint à s'agrandir encore en écraPacte de fa- sant la marine française. Il consentit donc au pacte de famille, par suite duquel on put dire encore qu'il n'y avait plus de Pyrénées. Il fut convenu que l'on aurait les mêmes ennemis, et qu'on se garantirait mutuellement ses possessions, y compris celles du duc de Parme et du roi des Deux-Siciles; les secours à se fournir réciproquement furent déterminés, et l'on dut faire, en cas de guerre, tous ses efforts

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mille.

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de part et d'autre, stipuler de concert les traités de paix, et partager les avantages.

Ce traité était secret; mais les Anglais, en ayant eu connaissance, se jetèrent sur l'Espagne, et attirèrent le Portugal de leur côté. George II étant mort sur ces entrefaites, Pitt avait été contraint de céder le pouvoir aux torys, mal disposés pour le roi de Prusse. Mais, d'un autre côté, la czarine cessait de vivre, et Pierre III, ami personnel de Frédéric, et qui déjà avait protesté contre la guerre injuste qu'on lui faisait, suspendit aussitôt les hostilités, et lui restitua tout ce que les Russes avaient occupé. Catherine II, qui succéda à ce prince détrôné violemment, arrêta les secours qu'il destinait à la Prusse; mais elle confirma la paix. La Suède entra aussi en arrangement; et Frédéric n'eut plus contre lui que les Autrichiens, les Français, les Saxons et les Impériaux.

Alors s'ouvrit une nouvelle campagne, dont le fait le plus mémorable fut le siége de Schweidnitz. Pendant ce temps les Anglais enlevaient à l'Espagne Manille, et les Philippines en Océanie; et en Amérique la Havane, avec les trésors qui s'y trouvaient.

Marie-Thérèse, qui s'était opposée fièrement à tout accord tant qu'elle avait vu le carnage des Russes épargner le sang de ses troupes, se résigna alors à proposer une paix que réclamaient hautement les princes de l'Empire, entraînés par elle dans une guerre opposée à leurs intérêts. Elle fut enfin signée à Paris.

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On convint d'abord de l'échange des prisonniers, dont vingt Paix de Paris. mille Français se trouvaient au pouvoir de l'Angleterre, sur un beaucoup plus grand nombre qui avaient péri par suite de mauvais traitements. La France renonça honteusement à toute prétention sur l'Acadie, au Canada, au cap Breton, ainsi qu'aux autres îles et côtes tant du fleuve que du golfe Saint-Laurent. Ses sujets eurent la faculté de pêcher sur le banc de Terre-Neuve et dans le golfe Saint-Laurent, mais à trois lieues de distance des côtes anglaises et à quinze du cap Breton; et il lui fut interdit de fortifier les îles de Saint-Pierre et Miquelon, que lui céda l'Angleterre. En Amérique, les îles de Belle-Isle, la Martinique, la Guadeloupe, Marie-Galante, la Désirade, Cuba, étaient rendues à la France; à l'Angleterre, celles de la Grenade avec les Grenadines, de Saint-Vincent, la Dominique et Tabago, la Floride, le fort Saint-Augustin, la baie de Pensacola, et toutes les possessions à l'est et au sud du Mississipi, dont le cours devait être la limite en

Paix de Hubertsbourg.

tre les deux puissances, avec la liberté d'y naviguer. Il en fut de même du fleuve du Sénégal, où les Français furent réintégrés dans Gorée. Dans les Indes orientales, l'Angleterre restituait les forts et comptoirs de Coromandel, de Malabar, d'Orica, du Bengale, tels qu'ils étaient avant 1749; la France rendait Natal et Tabanonhy, dans l'île de Sumatra, en s'obligeant à ne pas tenir de troupes dans le Bengale, et à renoncer à toute acquisition faite depuis la même époque. En Europe, Minorque et Saint-Philippe étaient recouvrés par l'Angleterre, de même que le Hanovre par le landgrave de Hesse; et par le comte de Lippe, les terres prises sur ce seigneur. Les possessions du Portugal, en Europe, étaient évacuées, et on lui restituait les colonies qui lui appartenaient auparavant.

La paix fut ensuite conclue à Hubertsbourg entre l'impératrice et le roi de Prusse. Marie-Thérèse renonça à toute prétention sur les États de Frédéric : elle s'engagea à lui faire restituer la ville et le comté de Glatz, ainsi que les forteresses de Wesel et de la Gueldre. Le roi promit secrètement son suffrage pour l'Empire à Joseph, fils de Marie-Thérèse, et à un autre archiduc, afin qu'il épousât l'héritière du duc de Modène.

Les dommages furent considérés comme compensés entre Frédéric et le roi de Pologne, électeur de Saxe; les prisonniers et les villes occupées furent restitués de part et d'autre.

Sept années de carnage laissèrent donc l'Europe dans le même état qu'auparavant (1), sauf que l'Angleterre, outre ses acquisi

(1) « Si nous examinons, dit Frédéric II dans l'Histoire de la guerre de sept ans, les causes qui ont tourné les événements d'une manière si inattendue, nous trouverons que les raisons suivantes empêchèrent la perte des Prussiens : le défaut d'accord et le manque d'harmonie entre les puissances de la grande al liance; leurs intérêts différents, qui ne leur permirent pas de convenir de certaines opérations; le peu d'union entre les généraux russes et autrichiens, qui les rendait circonspects lorsque l'occasion exigeait qu'ils agissent avec vigueur pour écraser la Prusse, comme ils l'auraient pu faire effectivement; la politique trop raffinée et quintessenciée de la cour de Vienne, dont les principes la conduisaient à charger ses alliés des entreprises les plus difficiles et les plus hasardeuses, pour conserver, à la fin de la guerre, son armée en meilleur état et plus complète que celle des autres puissances, d'où, à différentes reprises, il résulta que les généraux autrichiens, par une circonspection outrée, négligèrent de donner le coup de grâce aux Prussiens, lorsque leurs affaires étaient dans un état désespéré; la mort de l'impératrice de Russie, avec laquelle l'alliance de l'Autriche fut ensevelie dans un même tombeau; la défection des Russes et l'alliance de Pierre III avec le roi de Prusse, et enfin les secours que cet empereur envoya en Silésie.

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