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1773.

Deux-Siciles.

11776.

1784.

Il fut remplacé par M. de Llano; mais Amélie feignit d'être malade pour ne pas le voir, et, bouleversant l'étiquette, au lieu de recevoir les grands, elle n'admettait près d'elle que les personnages subalternes, tandis que son mari se livrait de nouveau à ses bruyants plaisirs. Le roi d'Espagne s'adressa à Marie-Thérèse pour qu'elle eût à mettre fin à la conduite violente et inconsidérée de sa fille, et Joseph II la menaça même d'un monastère. Mais l'infante, au lieu de céder, emmena avec elle son mari à Livourne, pour l'éloigner de Llano. En conséquence, Marie-Thérèse cessa toute correspondance avec elle; ce que firent aussi les rois d'Espagne et de France, quand le portefeuille fut enlevé au ministre. Alors le duc dut faire des excuses à Charles III et rappeler Llano, qui, harcelé sans cesse par la haine des infants, finit par demander à se retirer. Il fut remplacé par le comte de Sacco, à qui précisément il avait recommandé de ne pas se fier.

Ferdinand IV, qui était monté sur le trône des Deux-Siciles, n'avait aucun penchant pour le savoir, qu'il méprisait : il n'aimait que la chasse et la lutte; ses goûts et ses manières étaient vulgaires. Marie-Thérèse, qui considérait toujours le royaume de Naples comme usurpé sur sa maison, voulut au moins s'y ménager de l'influence en mariant sa fille Caroline à Ferdinand, avec la clause expresse qu'elle aurait entrée au conseil d'État. Elle greffait dans ce royaume la politique autrichienne qui régit ainsi toute l'Italie, à l'exception du Piémont.

Caroline, impérieuse par caractère et par suite des insinuations de sa mère, voulait détacher le roi de la cour de Madrid et du pacte de famille. Afin d'y réussir, elle fit congédier Tanucci, en lui donnant pour successeur le marquis de la Sambucca, sa créature, auquel elle adjoignit le chevalier Acton, qu'elle mit ensuite, à la tête de l'État. Acton avait de l'aptitude pour la marine, mais non pour le gouvernement. D'une extrême docilité, flatteur, et se souciant peu d'un pays qui n'était pas le sien, il reconnut que la reine était tout en conséquence, il s'appliqua à se concilier ses bonnes grâces; et, uniquement occupé de sa fortune, il excita ensuite autant

chait des rois de France et d'Espagne, ainsi que le pro-
duit des commenderies espagnoles, la recette s'éle-
vait à.

La dépense à.

Ce qui laissait tous les ans un fond de caisse de.

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de mécontentement qu'il avait d'abord fait naître d'espérances. On promulgua à cette époque de bonnes et de mauvaises lois. Michel Jorio prépara un code de commerce et de marine qui resta en projet. On ne sut pas rendre l'administration communale uniforme, ni la soustraire aux feudataires. Les arts et métiers étaient encore dans les liens des corporations; l'industrie des vers à soie se trouvait entravée par le monopole royal.

Les habitants de Torre del Greco, toujours menacés par le Vésuve, s'étaient adonnés avec intrépidité à la pêche du corail, et leur audace leur avait procuré des richesses étonnantes; mais cette industrie languit aussitôt que le gouvernement voulut s'en mêler, et lui donner les règles dans le code Corallin. On favorisa cependant le défrichement des terres, on peupla des îles désertes; on institua les archives royales pour la conservation des hypothèques. Le roi, qui avait visité les laiteries de la Lombardie, voulut en essayer dans son pays. Il fonda donc à San-Leuccio une colonie, à laquelle il donna la forme d'un Etat indépendant, avec ses lois, sa milice propre, et un gouvernement en commun entre les chefs de famille. C'était un amusement de roi; mais l'éducation des vers à soie prospéra dans cette petite république, où furent introduits les métiers pour la fabrication du gros de Naples.

La justice et la jurisprudence étaient tombées au plus bas degré ; le choix demeurait incertain et arbitraire entre les douze législations qui s'étaient succédé, et l'astuce avait beau jeu dans ce dédale. Pour le jugement du truglio, le procureur fiscal et le défenseur royal des accusés pouvaient transiger, en convertissant la peine de la détention en celle de l'exil ou des galères, sans mener le procès à fin, et seulement pour vider les prisons. Les procès étaient perpétués par des appels sans fin, des recours en nullité, et souvent par des interventions du roi. Les gens de loi, fléau de ce pays, devinrent l'objet de quelques mesures de répression; les jugements furent soustraits à l'arbitraire; mais on conserva la procédure inquisitoriale, ainsi que la torture et les peines barbares contre les filous. Ceux qui lisaient Voltaire étaient condamnés à trois ans de galères, à six mois de prison les lecteurs de la gazette de Florence. Les routes étaient tellement infestées de voleurs, que le gouvernement se voyait réduit à recommander aux voyageurs d'aller en caravanes. Les Barbaresques ne cessaient d'insulter les côtes.

La noblesse, sans armes ni puissance, et hors d'état de refréner

le roi, était le fléau du peuple. La propriété se trouvait concentrée dans un petit nombre de mains; en même temps les non-propriétaires étaient grevés de taxes aussi diverses qu'arbitraires; de forts droits d'entrée et de sortie pesaient sur les marchandises; l'impôt frappait sur tout, jusque sur l'eau pluviale, indépendamment des obligations personnelles, telles que les corvées comme paysan, comme courrier. David Winspeare a énuméré trois cent quatre-vingt-quinze droits sur les choses et les personnes, qui subsistaient encore lors de l'avénement de la famille de Napoléon. Le tribunal des subsistances, continuation de l'ancien office des maestri de' passi, examinait arbitrairement les marchandises sur la frontière de l'État pontifical, empêchant la sortie de tous grains, du bétail, du numéraire, et punissant à son gré les délinquants, d'où résultaient et du désordre et de l'immoralité. Il n'y avait pas moins de préjudice pour les terres de l'Abruzze maritime, qui étaient assujetties à la servitude du pâturage d'hiver (regii stucchi): c'était au point qu'on ne pouvait ni les enclore, ni les cultiver en grains, ni les planter d'arbres, et que c'était pitié de les voir. Ces abus furent supprimés, sur les réclamations de Melchior Delfico (1).

La Sicile était administrée comme une province dont on éludait les franchises, où on laissait dominer la féodalité, dépérir l'agriculture, et qu'on accablait d'impôts. Des bandes de voleurs infestaient les malheureuses campagnes, et un certain Testalonga, de Piétrapercia, en avait trois nombreuses sous ses ordres; en même temps les côtes étaient exposées aux attaques des Barbaresques. Tanucci fit peupler Ustica, île qui servait de refuge à ces pirates; mais ils n'en vinrent pas moins, et enlevèrent les colons. Les disettes étaient fréquentes dans ce grenier de l'Italie. Aussi, comme ce n'était pas assez de défendre l'exportation des grains, on tenait

(1) Les Mémoires sur le royaume de Naples, par M. ORLOF, ont beaucoup d'intérêt, quoiqu'ils soient écrits avec passion.

C'est un ouvrage que le noble Russe a, dit-on, acheté du Napolitain de Angelis, qui maintenant est à Buenos-Ayres. P. L. LEOPARDI.

Voyez aussi :

GALANTI, Descrizione geografica e politica delle Sicilie.

ARRIGUI, Saggio storico per servire di studio alle rivoluzioni di Na

po li.

Et surtout:

VINCENZO Coco, Saggio sulla rivoluzione dia Napoli, rempli d'aperçus politiques et économiques de la plus haute valeur.

en réserve de grands magasins de blé, et un capital (colonna frumentaria) destiné spécialement à en acheter en cas de besoin. Le marquis Fogliano, vice-roi, ayant accordé au Génois Gazzini l'autorisation d'exporter des grains, le peuple attribua à cette concession le renchérissement qui était survenu dans le prix des céréales: bientôt il mit le feu à la maison de Gazzini, s'empara des canons qui étaient sur les bâtiments mouillés dans le port, délivra les criminels; et il aurait massacré le pusillanime vice-roi, si l'archevêque Filangieri ne l'eût favorisé dans sa fuite à Messine. George Caraffa, général sexagénaire, étouffa l'émeute par la rigueur; mais Filangieri contribua plus encore à l'apaiser par les voies de douceur. En même temps le parlement était réuni à Cefalu, en Sicile, pour faire droit aux doléances; Fogliano fut destitué; et le gouvernement fut réformé, mais peu amélioré. Il n'y eut de sang répandu que dans les supplices.

Dominique Caracciolo, marquis de Villamarina, fut envoyé dans l'île en 1781, avec le titre de vice-roi. Il s'était lié d'amitié dans ses voyages avec Diderot, d'Alembert, Garat, et autres; imbu des idées novatrices, il s'appliqua à les introduire sans discernement. Il assoupit les divisions attisées à dessein de pays à pays; fit abolir l'inquisition (1782); réorganisa le parlement de telle sorte que les barons ne fussent pas seuls à y être élus, et qu'ils eussent à contribuer aussi aux charges. Il disait ne vouloir reconnaître que le roi et le peuple. Il écrivit Sur l'extraction des blés de Sicile, qu'il voulait que l'administration eût le droit d'empêcher. L'école dont il sortait faisait qu'il se vantait lui-même, qu'il se moquait des dénigrements, qu'il bravait l'opinion publique, et tournait en ridicule la dévotion à la lettre de la sainte Vierge et à sainte Rosalie, tout en fréquentant les danseuses et les cantatrices. Nommé ministre à Naples, il fut tellement saisi en apprenant la prise de la Bastille, lui novateur et ennemi de la féodalité, qu'il en mourut.

Le royaume fut désolé par des désastres naturels, éternellement mémorables. Déjà, en 1743, la peste avait moissonné à Messine trente-quatre mille personnes. Puis commencèrent, en 1783, d'horribles tremblements de terre, qui réduisirent cette ville en un monceau de décombres. Toute la Calabre fut ébranlée, le sol s'ouvrit, et engloutit les villages et les habitants; la mer, soulevée, balaya les côtes; et la famine, les maladies, sévissant au milieu d'une population exposée aux intempéries et aux pri

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vations de tout genre, rendirent le désastre plus terrible encore. Il y avait donc en Italie des chefs animés de bonnes intentions, mais qui, faisant et défaisant à la hâte, sans expliquer leurs motifs, ébranlaient la foi publique, et ne s'attachaient pas à satisfaire la raison, qui commençait à briller. L'éducation y était étendue, mais seulement dans certaines classes. La littérature faisait consister la réforme à changer de modèles, et s'arrangeait de l'imitation; elle n'éprouvait pas le besoin de cette originalité qui naît de vérités vivement senties, et exprimées dans le langage de tous; aussi ne produisit-elle aucun de ces ouvrages où l'auteur laisse quelques lambeaux de sa vie aux ronces de son glorieux chemin. La société prenait pour un présage de bonheur la langueur des âmes et l'abaissement des caractères. La situation politique n'offrait aucune de ces grandes choses qui, lorsqu'on les veut fortement, développent les grandes facultés. Il y avait un besoin d'améliorations, dont on était effrayé dès qu'elles venaient à toucher à des points essentiels. C'est dans de pareilles circonstances, où un rhéteur seul peut voir un siècle d'or, que l'Italie fut surprise par la révolution française.

CHAPITRE XXXI.

LITTÉRATURE ITALIENNE.

La pauvreté vaniteuse de la littérature, dans le cours du dix septième siècle, eut pour remède principal la fatigue causée par l'Arcadie; elle n'eut pourtant pas le bon esprit de recourir à la nature, et à la source inépuisable des sentiments: elle se releva avec l'aide des trecentisti et des cinquecentisti, de Pétrarque principalement. Les écrivains ne lui empruntèrent pas seulement l'art, mais encore ses pensées, et sa pureté sans vigueur, pour en tirer une apparence classique, sans rien de solide : pleins d'estime pour eux-mêmes et faisant peu de cas du public, ils visèrent à la rime, à la phrase, en évitant de dire les choses naturellement. Il en résulta des compositions minaudières, une petite élégance maniérée, une loquacité artificielle, une science de parade; et l'on se figura qu'il suffisait, pour élever un sujet trivial et fantasque, de l'envelopper d'expressions sonores. La littérature italienne fut envahie par

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