Imatges de pàgina
PDF
EPUB

les monastères de son diocèse; mais, confondant avec la superstition certaines pratiques au moins innocentes, il défendit le Chemin de la croix, le Sacré Cœur, etc., et répandit les livres de Quesnel et des autres jansénistes, qui suscitèrent des questions ignorées jusque-là en Italie. Poussé par ce prélat, le grand-duc publia deux espèces d'instructions pastorales, où il ordonnait de réunir le clergé en synode au moins tous les deux ans, pour traiter de cinquantesept objets qui y étaient indiqués: ainsi, composer de meilleurs livres de prières, des bréviaires et des missels; examiner s'il convenait mieux d'employer l'italien dans l'administration des sacrements; restituer aux évêques l'autorité usurpée par la cour de Rome; donner au clergé un enseignement uniforme, pour que tous se conforment à la doctrine de saint Augustin sur la grâce; porter l'examen sur les reliques et les images miraculeuses, en écartant celles qui seraient les moins authentiques; supprimer les chapelles particulières et les fêtes superflues.

Pistole.

1786.

Conformément à cet ordre, Scipion Ricci convoqua un concile Concile de à Pistoie, en y appelant Tamburini et les autres champions du collége ecclésiastique de Pavie. On y suivit en tout les traces des appelants français. Voici les décisions qui furent prises dans les sept séances: « Les évêques sont les vicaires du Christ, et non du pape; ils tiennent immédiatement du Christ leurs pouvoirs pour le gouvernement de leur diocèse, et ces pouvoirs ne sauraient être altérés ou entravés; les prêtres eux-mêmes doivent avoir voix délibérative dans les synodes diocésains, et, comme l'évêque, décider en matière de foi. » Le concile arrêta en outre ce qui suit : « Il n'y aura dans les églises qu'un seul autel; la liturgie sera en langue vulgaire et à voix haute; il n'y aura point de tableaux représentant la sainte Trinité, ni d'images plus vénérées les unes que les autres; le limbe des enfants est une fable; l'Église ne peut introduire des dogmes nouveaux, et ses décrets ne sont infaillibles qu'autant qu'ils sont conformes à la sainte Écriture; l'indulgence n'absout que des pénitences ecclésiastiques; l'existence d'un trésor surérogatoire des mérites de Jésus-Christ, et son application aux défunts, est une invention des scolastiques; la réserve des cas de conscience, et le serment des évêques avant leur consécration, doivent être abolis. L'excommunication n'a qu'un effet extérieur; les princes peuvent établir des empêchements dirimants au mariage. »

Plus de deux cents prêtres adhérèrent à cette doctrine, qui, di

1787.

sait-on, était celle de saint Augustin sur la grâce; ils acceptèrent les quatre propositions de l'Église gallicane et les douze articles du cardinal de Noailles; approuvèrent les réformes introduites par le grand-duc et par l'évêque Ricci; et l'on prescrivit l'adoption du catéchisme que venait de publier Antoine de Montazet, archevêque de Lyon. Les uns s'effrayaient de voir l'Italie envahie par Calvin; mais les autres se réjouissaient de ce que l'outrecuidance papale se trouvait réprimée.

Pierre-Léopold avait hâte que son encyclique fût approuvée par tous les évêques; et comme plusieurs prélats s'y refusaient isolément, il songea à réunir un synode; mais il le fit précéder d'une conférence, dans le palais Pitti, entre trois archevêques et quinze évêques de son État, dont chacun put amener des conseillers et des canonistes, pourvu qu'ils ne fussent pas moines, afin de préparer un concile national. La plupart des assistants adhérèrent au synode de Pistoie; mais quelques-uns s'y montrèrent opposants, soutenus par le mécontentement général du peuple et de ceux qu'on traitait alors de fanatiques; en sorte que Léopold ne tarda pas à s'apercevoir qu'un synode lui ferait perdre sa cause.

Cependant Ricci continuait à marcher dans la même voie il faisait dire les psaumes en italien; changeait quelques mots dans l'Ave Maria; enlevait des églises les ornements précieux, les brefs et les souvenirs d'indulgences. Mais lorsqu'il voulut faire disparaître l'autel où les habitants de Prato vénèrent la ceinture de la sainte Vierge, le peuple se souleva en tumulte, et envahit l'église à main armée, en chantant et en sonnant de la manière défendue par Ricci. Il brûla le trône et les armoiries épiscopales, ainsi que les livres qui contenaient les innovations; ensevelit les lettres pastorales dans la terre d'où il exhumait les reliques, et se mit à faire des processions, à chanter des litanies, à vénérer les images, pour faire l'opposé des ordres de Ricci. Bientôt après, de nombreux écrits révélèrent des erreurs grossières de la part de ce prélat; la résistance se répandit partout, même dans les chapitres des deux cathédrales; de telle sorte que les réformes furent supprimées, et que lui-même, réduit à s'enfuir, se démit de son siége.

Pie VI fit examiner les actes du synode de Pistoie; puis il condamna, par la bulle Auctorem fidei, cinq de ses propositions comme hérétiques, et soixante-dix autres comme schismatiques, erronées, scandaleuses, calomniatrices et malicieuses. Ricci, avec

lequel le pape avait négocié pendant huit ans pour l'amener à une rétractation, dénonça cette condamnation comme injuste au gouvernement; mais sur ces entrefaites l'Italie fut bouleversée, Ricci de plus en plus mal vu comme partisan des Français, et il dut enfin reconnaître son erreur.

Dès le temps où Pie VI remplissait, sous le nom d'Ange Braschi, les fonctions de trésorier, il avait montré une intégrité exemplaire, et désapprouvé l'abolition des jésuites. François Beccatini, qui a écrit une Vie de ce pontife dans le style élogieux d'un rhéteur, dit (1) que l'État pontifical était l'État le plus mal administré qu'il y eût alors, à l'exception de la Turquie. Toute exportation de grains était défendue, et le commerce en était entravé; l'administration des subsistances avait le droit d'acheter tout ce dont elle avait besoin, et de le payer au prix qu'elle fixait elle-même; elle enrichissait en outre qui lui plaisait, en accordant des permissions de sortie pour les denrées. Plus d'un cinquième des terres sur les plages fertiles de l'Adriatique restaient improductives, à tel point que les propriétaires voisins étaient autorisés à les cultiver pour leur propre compte. Le tribunal de police était une autre source de vexations: il taxait les bestiaux à son gré, et achetait toute l'huile du pays, qu'il revendait ensuite à un prix élevé; il n'y avait point de manufactures; l'introduction des objets de fabrique étrangère était très-coûteuse, et, par suite, la contrebande très-grande; les revenus fonciers étaient affermés pour 400,000 écus, tandis qu'ils auraient pu facilement rendre le double. Dans les onze années que régna Clément XIII, on enregistra douze mille meurtres, dont quatre mille eurent lieu dans la capitale seule.

Pie VI songea à apporter quelques remèdes à cet état de choses; mais ils furent inefficaces. Ce pontife, beau de sa personne, éloquent, majestueux, se complaisait dans ces dons naturels, et se confiait dans l'impression qu'il supposait devoir produire sur les autres. Déjà son prédécesseur avait élevé un monument aux beaux-arts dans le musée Clémentin; Pie VI l'augmenta considérablement (2); il lui donna en outre son nom, qu'une vanité pardonnable lui faisait sculpter partout; et il chargea le célèbre antiquaire Ennio Quirino

(1) Chapitre III.

(2) La congrégation de la Propagande fit imprimer, vers 1789, le Catéchisme romain en arabe, la Grammaire et le Vocabulaire kurde, l'Alphabet thibétain et celui de Ava.

T. XVII.

39

Visconti d'en décrire les richesses. Il ajouta à Saint-Pierre la sacristie, où la richesse supplée à la beauté; étendit le palais Quirinal, et améliora le port d'Ancône et l'abbaye de Subiaco. Il dépensa des sommes énormes pour dessécher les marais Pontins, en encaissant l'Amaseno et l'Ofanto, et en creusant le long canal, dit fleuve Sixte, par lequel les eaux s'écoulèrent à la mer, et laissèrent à sec des terrains qui se couvrirent d'une nouvelle culture.

Il est à regretter que ces travaux, dignes des anciens Romains, eussent pour but de créer une principauté pour ses neveux, qu'il favorisa à un degré dont on n'avait pas vu d'exemple depuis longtemps. Il s'entendait peu à la politique des cabinets; nous ne devons pas toutefois passer sous silence qu'au milieu de l'orage qui menacait alors le pays, quelques cardinaux lui suggérèrent un projet digne des temps de la grandeur pontificale: il s'agissait de réunir l'Italie en une confédération, sous la suprématie de Rome; mais la ligue italique faisait plus de peur à quelques-uns que l'invasion enuemie, et le saint-siége se voyait menacé par un volcan tout près d'éclater, sans apercevoir aucun moyen d'en arrêter l'éruption.

CHAPITRE XXX.

ITALIE.- DERNIERS ÉVÉNEMENTS.

Il est certain qu'en voyant la marche des choses, la prudence humaine aurait dit: Rome a fini son temps, Rome s'en va. Les princes, ne comprenant pas qu'il faut avoir dans la religion non pas une ennemie ni une esclave, mais une alliée libre, qui substitue les raisonnements théoriques à la force des sentiments et des habitudes, se faisaient despotes après avoir attiré dans leurs mains toute l'autorité publique; mais ce n'était pas pour tyranniser leurs peuples: ils réalisaient même les améliorations prêchées par les philosophes. Les uns et les autres étaient d'accord pour faire le bien des peuples, qui, satisfaits qu'on s'occupât d'eux, croyaient qu'ils allaient jouir dans l'insouciance d'un tranquille bonheur.

Pauvre prudence humaine!

Déjà les Italiens avaient dû réfléchir en voyant s'écrouler tout à coup ce qui avait été l'œuvre d'un instant. Il en avait été ainsi moins en Toscane qu'ailleurs, parce qu'en réalité les réformes n'y

avaient pas été radicales, et que le peuple y était préparé à les recevoir par une certaine bonhomie inerte. Cependant, lorsque Léopold quitta le grand-duché pour s'asseoir sur le trône impérial, on y vit s'élever de vives réclamations: il y eut des troubles à Pistoie pour renverser les innovations de Ricci; à Livourne, les portefaix appelés vénitiens se soulevèrent, et en vinrent à des voies de fait, surtout contre les juifs; d'autres villes suivirent cet exemple. Ferdinand III, qui succéda à son frère, se hâta de rétablir plusieurs des abus qu'il avait supprimés, afin de se concilier le peuple; il rendit aux châtiments leur ancienne rigueur, attendu que le pays était devenu le refuge de tous les mauvais sujets des environs. Il fit revivre les règlements qui entravaient le commerce, et il en résulta le renchérissement des vivres, jusqu'au moment où il affranchit la circulation intérieure. Du reste, il suivit les traces de son frère, en employant moins d'espions; et, devenu Toscan, il sépara les intérêts du pays de ceux de la maison d'Autriche.

1790.

Venise avait été dépouillée de la Morée par la paix de Passaro- | Venise. witz, et réduite au territoire qu'elle conserva jusqu'au moment de sa chute : elle possédait le duché (dogado), c'est-à-dire, les îles et les lagunes environnantes; les provinces de Padoue, Vicence, Vérone, Brescia, Bergame, Crema, la Polésine de Rovigo, et la Marche de Trévise, qui comprenait Feltre, Bellune et Cadore; au nord du golfe, le Frioul et l'Istrie; au levant, la Dalmatie vénitienne, avec les îles qui en dépendent; une partie de l'Albanie, c'està-dire, le territoire de Cattaro, Butrinto, Parga, Prevesa, Vonitza; dans la mer Ionienne, les îles de Corfou et de Paxos, Sainte-Maure, Céphalonie, Théaki, Zante, Axos, les Strophades et Cérigo. En 1722, les anagraphes lui donnaient 4,500,000 écus; le revenu public s'élevait à 6 millions de ducats (à raison de 4 fr. 95 cent. le ducat), et la dette à 28 millions.

Dans le gouvernement, la souveraineté appartenait au grandconseil, composé de tous les patriciens qui avaient accompli leur vingt-cinquième année, et il compta parfois jusqu'à douze cents membres; il en fallait deux cents dans les cas ordinaires, huit cents dans les circonstances graves, pour obvier aux collusions et aux plans ambitieux. Le gouvernement était confié au sénat, élu annuellement par le grand-conseil, et composé de cent vingt membres, indépendamment des magistrats patriciens, pendant la durée de leur charge; l'exécution concernait la seigneurie ou collége formé

« AnteriorContinua »