Imatges de pàgina
PDF
EPUB

1676-1758.

mes d'argent à Rome. Venise fut ensuite la première puissance catholique qui soumit à l'impôt les biens ecclésiastiques sans licence de Rome; elle exclut la bulle In cœna Domini, et enleva au pape la collation des canonicats et des bénéfices ayant charge d'âmes, excepté celle des évêchés. Elle défendit que personne prit l'habit ecclésiastique avant vingt et un ans, et prononçât des vœux avant vingt-cinq; qu'aucune bulle fût obligatoire sans l'approbation de la seigneurie, et aucune dispense valable si elle n'était donnée par le patriarche. Il parut à Clément XIV que la république usurpait les droits de l'Église, et il lui adressa une admonition avec cette mansuétude de langage que les temps ne réclamaient que trop; mais le sénat répondit avec hauteur, et s'attribua la décision des affaires ecclésiastiques.

[ocr errors]

Pendant l'insurrection de la Corse, Paoli, qui sentait l'importance du saint-siége, supplia le pape de prendre l'ile sous sa protection, et en outre de remédier aux désordres introduits dans l'Église corse durant la guerre civile. Clément XIII demanda l'adhésion de la république de Gênes; et ne l'ayant pas obtenue, quoique les Génois fussent moins opposés au saint-siége que les Vénitiens, il envoya dans l'île un visiteur apostolique. Mais la république voyant là une sorte d'atteinte à sa souveraineté, envoya des frégates et des ordres pour s'y opposer, en même temps que des libelles virulents excitaient les esprits. Le visiteur débarqua dans l'île, en dépit de la récompense de 6,000 écus promise à qui le livrerait, et y apporta des bénédictions, qui vinrent en aide aux espérances. Paoli, d'accord avec lui, fit beaucoup de bien sous ce rapport, encourageant ainsi le clergé à de grands sacrifices pour l'affranchissement de la patrie; ce qui n'empêcha pas le chef corse de punir sévèrement, et même de la peine capitale, les prêtres et les moines coupables. En même temps il donnait asile aux juifs et accueillait jusqu'aux jésuites, libéralisme étonnant pour l'époque.

Naples, dont la dépendance envers le saint-siége était plus immédiate, se trouvait portée à en étudier les droits avec plus de détail; c'est pourquoi le droit canonique y fut réduit en corps de doctrine régulier. Nicolas Capasso et Gaëtan Argenti s'étaient jadis prononcés hautement en faveur de la prérogative royale. Pierre Giannone, d'Ischitella, avait écrit, au milieu des occupations du barreau, une Histoire civile du royaume de Naples (1724). C'était déjà un progrès, non pas seulement de s'apercevoir, mais de

professer que l'histoire ne consiste pas seulement dans les faits. Il vit en outre la connexion qui existe entre les faits et la jurisprudence, et il fit marcher et se développer de front, comme éléments de la civilisation nouvelle, le droit impérial, le droit canonique, le droit féodal et le droit municipal. Mais les connaissances lui manquaient, et l'art plus encore; il fit donc de tout cela un ouvrage pesant, indigeste, avec beaucoup d'erreurs chronologiques et des omissions importantes. Il ne compulsa pas des monuments inédits, tandis qu'il mettait largement à contribution les pensées et même les expressions d'autrui. Servile à la lettre comme un avocat, aussi dédaigneux pour le peuple qu'humble vassal des rois, le progrès l'effrayait tellement, qu'il craignait que la presse ne préjudiciât « au génie par l'érudition, à l'éducation par la multiplicité des livres, à la diffusion des idées fortes par la foule des mauvais livres (1). » Toujours attentif à la querelle entre les deux puissances, pour élever celle du prince au détriment du pouvoir ecclésiastique, non-seulement il pécha par excès de partialité, mais même il se permit des facéties contre l'Eglise et sa discipline.

[ocr errors]

Ses compatriotes lui en surent si mauvais gré, qu'il fut insulté plusieurs fois brutalement par le peuple (2). » Il se réfugia en conséquence à Vienne, où, tandis que l'on condamnait son livre à Rome, Charles VI lui assignait mille florins par an. Mais il lui supprima cette rente quand il perdit le royaume ; et Giannone erra çà et là, trouvant des contradicteurs à ses faussetés, et des ennemis pour ses attaques mordantes. Il publia à Genève le Triregno, livre rempli d'hérésies. Il n'avait pourtant pas abandonné sa religion maternelle; car s'étant laissé entraîner par un émissaire dans un village dépendant du roi de Sardaigne pour y faire ses pâques, il y fut arrêté. Quoiqu'il se fût rétracté et que l'inquisition l'eût rebéni, le roi le retint prisonnier jusqu'à sa mort. Cette infâme persécution lui valut une réputation d'écrivain libéral, qu'il est bien loin de mériter.

Charles III de Naples, voulant aussi faire tourner à l'éclat et à la richesse du royaume les revenus exorbitants des ecclésiastiques, s'adressa au pape pour être autorisé à diminuer le nombre des prêtres, à conférer les évêchés et les bénéfices, à prohiber les legs

(1) Histoire civile, VIII, p. 272.

(2) SORIA.

aux établissements de mainmorte. Il demandait en outre le droit de proposer un cardinal, et de donner l'exclusion dans le conclave. Enfin, il fut convenu que le roi pourrait lever un impôt sur les biens ecclésiastiques (1), pour former les commendes des ordres de Saint-Charles et de Saint-Janvier, et qu'il y aurait à Naples un tribunal mixte pour les litiges entre ecclésiastiques et laïques.

Le marquis Tanucci, ministre du roi Charles et de son successeur, était l'ami de la monarchie plutôt que celui du pays : plein de zèle pour la toute puissance royale, il professait les impiétés pédantesques du temps; inébranlable dans ses projets, quels qu'ils fussent, despotique au point de ne tenir aucun compte de l'histoire ni du caractère national, il chercha cependant à opérer des améliorations. Les barons furent appelés à la cour, et en réalité se trouvèrent privés du pouvoir. Il fut ordonné aux juges de ne statuer que sur un texte de loi précis, et de faire imprimer les motifs de leurs décisions. Galanti, qui reçut la mission de visiter le royaume, ne dissimula pas les maux du pays dans la belle Description qu'il en donna (2).

Plusieurs francs-maçons ayant été arrêtés, Tanucci, au lieu de les trouver coupables, fit mettre en accusation don Janvier Pallanti, président du tribunal (capo di rota) qui les avait fait prendre. Il abolit les dîmes ecclésiastiques, défendit les acquisitions nouvelles aux établissements de mainmorte, ainsi que le recours à Rome, et restreignit la juridiction ecclésiastique et le nombre des prêtres à dix, puis à cinq, par mille âmes. Il déclara que les bulles, tant anciennes que nouvelles, n'auraient de valeur qu'avec l'assen. timent royal; définit le mariage un contrat civil; éleva les évêques au détriment de Rome, et les soumit en tout au roi. Il déclara la guerre aux jésuites, qu'il fit transporter tout à coup sur le territoire de l'Église, au nombre de quatre cents, dit-on. Il fit assigner une pension « au fils de l'homme le plus grand, le plus utile que le royaume eût produit dans ce siècle et le plus injustement persécuté, c'est-à-dire, Giannone.

[ocr errors]

Lorsque la nonciature venait à vaquer, les princes catholiques

(1) Quatre pour cent. On calcula qu'il devait rapporter un million de ducats. (2) Il trouva dans le fief de Saint-Janvier de Palma, à quinze milles de Naples, que les serviteurs du baron habitaient seuls dans des maisons, tandis que deux mille bourgeois n'avaient pour abris que des grottes et des huttes.

pouvaient présenter trois candidats, sur lesquels le pape en choisissait un. Clément XIII voulut restreindre cette faculté aux puissances de premier ordre; mais Naples, ne se trouvant pas comprise dans le nombre, déclara qu'elle n'admettrait plus pour nonces que des prélats qui lui agréeraient. Le gouvernement napolitain, s'étant ainsi brouillé avec la cour de Rome, se mit à chicaner sur les bulles et sur les brefs, et à en entraver la publication. Il enleva au saint-siége la dépouille des évêques et le revenu des siéges vacants, dont il fit des aumônes aux pauvres. Les diverses rétributions perçues par la chancellerie romaine furent supprimées, ainsi que le patronage qui revenait au pape chaque fois qu'un fief ou un fonds quelconque était annexé à un bénéfice. La nomination aux cent évêchés de Sicile fut réservée au trône, le tribunal de l'inquisition aboli dans l'île ; et un évêque pour les Grecs unis y fut installé, sans en donner même avis au pape. Les moines mendiants furent réduits de seize mille à deux mille huit cents; on fit donner par les évêques les dispenses pour les mariages; enfin on supprima le tribunal de la nonciature.

La Sicile étant considérée comme ancien fief de l'Eglise, chaque année, la veille de Saint-Pierre, par suite d'une convention de 1479 entre Sixte VI et Ferdinand d'Aragon, un connétable of

1759

frait en présent, au pontife, une haquenée et 6,000 écus. Il s'était La haquenée. même élevé une difficulté au commencement du dix-huitième siè

cle, attendu que Philippe de Bourbon et Charles d'Autriche voulaient tous deux s'acquitter de ce tribut; puis Charles III s'y obligea solennellement en recevant l'investiture en 1739. Or Tanucci conseilla au roi de s'affranchir de cette cérémonie, qu'on pouvait considérer comme humiliante, mais non pas taxer d'illégale, ainsi que le soutinrent une foule de rhéteurs.

Ferdinand IV se décida, en 1777, à offrir la haquenée et les 6,000 ducats; mais le prince Colonne, qui accomplissait cette cérémonie avec le titre de grand connétable du royaume, déclara qu'il rendait cet hommage aux saints apôtres Pie VI répondit qu'il recevait la redevance féodale de la couronne de Naples. Il en fut de même les années suivantes; mais en 1788 on n'envoya point la haquenée: seulement un plénipotentiaire du roi offrit à la secrétairerie d'État 7,000 ducats, comme oblation à la tombe des saints apôtres ; et comme ils étaient refusés parce que la haquenée manquait, il les déposa chez un banquier, à la disposition de la chambre apostolique.

[ocr errors][merged small]

Pie VI se plaignit alors de ce que le roi voulait se soustraire à l'obligation de vasselage, et il parut beaucoup d'ouvrages où la question était discutée avec passion et mauvaise foi. Sous le nouveau ministre Caraccioli, comme la révolution grondait déjà, il fut convenu que tout roi nouveau offrirait à Saint-Pierre 500,000 ducats d'argent; qu'au pape appartiendrait le droit de conférer les bénéfices mineurs, mais en ne les donnant qu'à des nationaux ; qu'il désignerait les évêques sur une liste de trois candidats présentés par le roi; qu'il donnerait les dispenses matrimoniales, en confirmant celles qui auraient été accordées par les évêques durant les démêlés; que l'hommage de la haquenée cesserait, et que le royaume ne serait plus qualifié vassal du pape.

En Toscane, on avait commencé à restreindre l'autorité ecclésiastique dès que les princes autrichiens avaient succédé aux Médicis. Le comte de Richencourt, régent au nom de François Ier, soutenu par le sénateur Rucellai et par Pompée Néri, limita les acquisitions des établissements de mainmorte, enleva au saint office la censure des livres, et imposa deux assesseurs à ce tribunal pour les affaires qu'il avait à juger. On alla plus loin lors de l'avènement de Pierre-Léopold, qu'animaient les exemples de Joseph II, son frère. Mais si les réformes de l'empereur, dit Botta, étaient d'un philosophe, celles de Pierre-Léopold étaient d'un janséniste. Il supprima l'immunité des biens ecclésiastiques, abolit les asiles, les ermites, la mendicité, deux mille cinq cents confréries et beaucoup de moines, entre autres les barnabites, qui se vouaient à l'éducation. Il décida que les supérieurs seraient responsables de l'observation de la règle, et que les cures seraient données au concours. Il rendit les professions religieuses difficiles, défendit de publier les censures contre ceux qui violaient le précepte pascal; ordonna de prêcher contre les flagellations, les pèlerinages, et toutes les dévotions non approuvées par le gouvernement. Les tribunaux épiscopaux furent forcés de se restreindre aux causes ecclésiastiques, et celles-ci devaient être discutées dans la langue vulgaire ; les évêques durent donner aux curés l'autorisation de connaître des cas réservés; plus de processions, à l'exception de celle du saint sacrement; les images pieuses durent être continuellement découvertes; enfin le tribunal de la nonciature fut aboli.

Pierre-Léopold était animé à agir ainsi par Scipion Ricci, évêque de Pistoie, qui découvrit et corrigea de graves désordres dans

« AnteriorContinua »