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magne, en leur donnant des subventions et des terres à bas prix. Léopold abolit les fermes pour l'impôt, qui pesaient lourdement sur le peuple et rapportaient peu au trésor; il renonça à certains monopoles onéreux, et à l'obligation imposée à chaque famille d'acheter une quantité déterminée de sel. Il laissa libre la culture du tabac, ainsi que le débit des eaux-de-vie et les fonderies de fer. Non-seulement il combla les vides causés par ces réformes, au moyen d'une perception plus économique, mais il accrut les revenus de 1,237,969 livres par an ; et, dans l'espace de trente-sept ans, il réduisit la dette publique de 87 millions et demi à 24, en y employant sa fortune propre et la dot de sa femme. Il consomma 30 millions en améliorations, et en laissa cinq dans le trésor à son successeur, après avoir embelli la capitale et les villas impériales.

Afin que la Toscane jouît de la paix et qu'elle en offrit l'apparence, il supprima tous les bâtiments de guerre, et, par suite, les chevaliers de Saint-Étienne. Il projetait en outre une constitution assez large pour l'époque (1).

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« Persuadé que la meilleure manière pour acquérir au gouvernement la confiance du peuple est de faire connaître aux citoyens les motifs des ordres qui deviennent successivement nécessaires, et de les informer sans détour de l'emploi des revenus publics, attendu que le mystère inspire la défiance et fait méconnaître les intentions du prince et de ses agents, Léopold fit publier l'état des finances et les principales dispositions relatives aux diverses sources de la prospérité publique. Lui-même rendit compte de ce qu'il avait fait dans un livre intitulé Gouvernement de la Toscane sous le règne de Léopold 11.

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Il fit tort à tant de belles qualités par un espionnage frivole et tracassier, de même que par son défaut de modération dans les ma. tières religieuses. C'est que le siècle portait les gouvernements à vouloir l'indépendance; à croire, par suite, qu'ils devaient s'affranchir de cette tutelle sous laquelle ils avaient grandi pendant le moyen âge; à annuler les priviléges que les sujets pouvaient opposer à la volonté d'un seul; à étendre la puissance temporelle même sur les choses ecclésiastiques; à séparer l'Église de la nation, et à faire que celle-ci foulât aux pieds l'autorité sacrée, pour se laisser

(1) De Potter a publié le modèle d'une constitution dont ce prince avait conçu l'idée. On y retrouve le caractère du temps.

ensuite opprimer plus sûrement par le pouvoir profane. Aux décisions des papes se substituaient celles des diplomates. A l'époque de la paix d'Utrecht, on disposa des fiefs du saint-siége sans même le consulter, et l'Autriche acquit, de l'autre côté des Alpes, la prépondérance dont jouissait auparavant la papauté. Les pontifes eurent à lutter dans ce siècle contre ce désir d'affranchissement des princes.

1716,

Nous avons parlé ailleurs des bulles sur le jansénisme et sur les missions de la Chine, bulles publiées par Clément XI, ce digne Clément XI. pontife, qui fut l'un des premiers à favoriser les études orientales. Au moment où les Turcs menaçaient Corfou, il tenta de réveiller l'esprit des croisades, mit une contribution sur tout le clergé d'Italie, envoya à Venise de l'argent qui provenait de la chambre apostolique et des cardinaux, pressa les rois de Portugal et d'Espagne, le grand-duc et la république de Gênes, de soutenir l'État de Saint-Marc. Il lui semblait qu'il importait surtout à l'empereur, comme roi de Hongrie, de repousser les Turcs; mais ce prince différait, dans la crainte que l'Espagne ne vînt à en profiter. Clément sentait donc comme les papes d'autrefois; et lorsque les Espagnols eurent envahi la Sardaigne, il se courrouça contre Alberoni, au point de lui refuser les bulles d'archevêque de Séville, et d'en venir à une rupture avec Philippe V. Prêtant l'oreille aux réclamations de l'évêque de Lipari relativement à certains revenus qui lui étaient dus, ii excommunia cinq diocèses de Sicile; mais VictorAmédée, qui était alors roi de cette île, défendit d'obéir au pontife, en vertu du privilége attribué à la monarchie sicilienne. De là de déplorables déchirements dans cette île infortunée, qui se trouvait privée des consolations de la religion, en même temps que Victor punissait d'une manière atroce ceux qui tenaient compte de l'interdit pontifical. Deux factions y restèrent armées l'une contre l'autre, et près de trois mille ecclésiastiques, qui s'étaient inclinés devant les foudres de Rome, allèrent chercher un refuge près du pape, qui dépensa pour leur entretien 60,000 écus romains, et abolit le tribunal de la monarchie sicilienne.

Victor-Amédée était donc déjà brouillé avec le saint-siége quand le pape prétendit qu'il eût à recevoir de lui l'investiture de la Sardaigne, par suite de l'ancienne souveraineté du pape sur les îles sur le refus de Victor, Clément XI cessa de donner l'investiture aux évêques, et les siéges demeurèrent vacants.

T. XVII.

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1715.

Innocent

XIII.

1724.

Innocent XIII (Michel-Ange Conti), qui succéda pour très-peu de temps à Clément XI, termina le différend relatif à la Sicile, et donna l'investiture du royaume à Charles VI, en le dégageant de Benoit XIII. la défense d'y réunir la couronne impériale. Après lui, Benoît XIII (Pierre François Orsini) établit que dans le royaume des DeuxSiciles les affaires ecclésiastiques seraient décidées, à l'exception des causes majeures, par les supérieurs ordinaires, en première instance par les archevêques, en appel et en dernier ressort par un juge revêtu d'une dignité ecclésiastique, et nommé par le roi avec l'autorisation du pape. Ainsi se trouva rétablie de fait la monarchie sicilienne. Charles VI, de son côté, céda Comacchio, qui avait été occupé violemment, sans toutefois reconnaître aucun droit nouveau au siége pontifical.

Quand Félix V abdiqua la papauté que lui avait conférée le concile de Bâle, Nicolas V s'obligea à ne disposer d'aucun bénéfice dans les États de Savoie. Il en était résulté plusieurs difficultés; enfin Benoît XIII mit aussi fin au désordre de Sardaigne en reconnaissant Victor-Amédée pour roi de l'île, avec droit de patronage sur les églises royales, et droit de présentation pour les siéges métropolitains, les évêchés et les abbayes. Victor, de son côté, promit d'employer pour le bien de l'Église les revenus des bénéfices vacants, et il obtint, par voie de tolérance, que les bulles romaines fussent visées par le roi.

Benoît XIII avait été dominicain : habitué à obéir, il accepta la tiare par obéissance, et jamais il ne se départit des habitudes du cloître. Il ne voulut point de gardes; ses appartements furent dis. posés avec une simplicité monastique: souvent il allait dîner à la Minerve avec ses frères en religion, et il baisait la main du père supérieur; il ne souffrait pas que les prêtres s'agenouillassent devant lui, et, agissant comme un évêque où un curé, il visitait les églises et les hôpitaux. Il éloigna ses neveux; mais il se donna un maître dans le cardinal Coscia. Tout populaire, il supprima la loterie de Génes et d'autres impôts onéreux; mais, ne connaissant pas la valeur de l'argent, il aggrava ainsi l'état des finances. Il canonisa Grégoire VII, dont il ordonna qu'on récitât l'office, ordre auquel la cour de Vienne s'opposa par la force.

Dans le conclave très-orageux qui suivit sa mort, on vit apparaître pour la première fois, avec le parti impérial et le parti franco-espagnol, le parti savoyard; ce qui contribua à multiplier les

1730.

exclusions. Enfin Laurent Corsini fut proclamé sous le nom de Clé- Clément XII. ment XII; il avait soixante-dix-neuf ans, et jamais il n'avait connu les affaires; mais il avait l'esprit juste, et ses intentions étaient bonnes. Il abandonna à la haine publique les favoris de son prédécesseur, et se proposa pour but de ramener la concorde entre les princes qui se disputaient les lambeaux de l'Italie, tout en défendant les droits du siége pontifical, de quelque part qu'ils fussent menacés (1). Il continua l'œuvre de son homonyme, en embellissant le Vatican, dont il enrichit les collections de chefs-d'œuvre d'art. Il fit placer dans le Capitole le musée Albani, qui fut acheté 76,000 écus.

A sa mort, la lutte du conclave dura six mois, attendu que les zélés s'opposaient à celui que désignait le choix des puissances; enfin on proclama l'homme auquel on pensait le moins, Prosper Benoit XIV. Lambertini, de Bologne ; il avait soixante-cinq ans, et ne se recommandait pas tant par des mœurs sévères que par de bons écrits (2),

(1) Nous trouvons un exemple du déplorable système de concessions où la cour de Rome se trouvait réduite, dans les exigences insatiables d'Élisabeth Farnèse. Comme elle ne voyait point de couronne à donner à son troisième fils, elle le fit nommer par son mari à l'archevêché de Tolède, le premier et le plus riche de l'Espagne; or, il était alors âgé de sept ans. Clément XII refusa les bulles d'investiture, qui l'auraient reporté scandaleusement aux temps de Marozia; mais il fut harcelé de toutes parts, toutes ses dépêches étaient interceptées et ouvertes honteusement. Ce fut en vain qu'il assigna au prince, enfant, une grosse pension sur cet archevêché: on voulait à la fois le lucre et l'honneur. Enfin le successeur de Grégoire VII se résigna à l'accorder, en ajoutant cette clause, que « l'infant, une fois parvenu à l'âge canonique, serait confirmé dans la dignité archiepiscopale, s'il avait l'aptitude à ce requise par les canons. » Cette clause parut offensante, elle causa une rumeur incroyable, à tel point que le pape l'effaça; et, pour comble de faiblesse, il nomma l'infant cardinal. La cour de Madrid en fut transportée de joie, et en retour il fut décidé qu'on donnerait aux cardinaux le titre d'éminentissimes, au lieu de celui d'illustrissimes. Ce ne fut pas encore assez la cour d'Espagne demanda que l'archevêché de Séville fût réuni à celui de Tolède; et, malgré les prescriptions du concile de Trente, le pape y consentit. Le premier rapportait 100,000 écus, et le second 200,000. Le roi d'Espagne exigea ensuite du pape la faculté de percevoir la dime sur tous les biens ecclésiastiques; et le pape Benoît XIV l'accorda, en recommandant verbalement « qu'on ne s'en servit pas pour troubler le repos des princes catholiques. » Plusieurs chapitres s'opposèrent à cette mesure; mais l'inquisition punit ceux qui osaient désapprouver la concession du saint-siége, et les armes royales les réduisirent à l'obéissance.

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(2) Les œuvres de Lambertini furent publiées par le jésuite Emmanuel de

1740.

par la science canonique et surtout par un caractère aimable, ainsi que par sa condescendance pour les idées du temps.

Afin que son clergé ne restât pas en arrière au milieu des progrès du siècle, il fonda à Rome quatre académies, pour les antiquités romaines, pour les antiquités chrétiennes, pour l'histoire ecclésiastique et celle des conciles, pour le droit canonique et la liturgie. Il forma un musée chrétien, acheta pour le Vatican la bibliothèque Ottobuoni, qui comptait trois mille trois cents manuscrits, et créa des chaires de chimie et de mathématiques au collège de la Sapience, avec une de peinture et une de sculpture au Capitole. Les pères Boscowitch et Christophe Maire mesurèrent par ses ordres deux degrés du méridien; il régla les droits des églises d'Orient, en faisant de larges concessions; réprima les superstitions, en posant des règles sages pour la sanctification; diminua le nombre des jours fériés, renouvela les anciennes condamnations contre le duel, régla la justice dans Rome, et voulut que le commerce fût libre entre la capitale et les provinces. Le fils de Walpole lui éleva un monument en Angleterre, avec cette inscription: Aimé des catholiques, estimé des protestants; pape sans népotisme, monarque sans favori; et, nonobstant son esprit et son savoir, docteur sans orgueil, censeur sans sévérité.

Quant aux droits pontificaux, Benoît XIV, élevé au saint-siége au milieu des querelles, et n'ayant peut-être pas, comme Bolonais, une grande idée de la papauté, était décidé, dans l'intérêt de la paix, à restreindre ses prétentions. Il se réconcilia avec l'Espague en lui cédant la collation des petits bénéfices, à l'exception de cinquantedeux; ce qui fit perdre à la daterie trente-quatre mille écus par an. Il agit de même avec le roi de Sardaigne, à qui il conféra le titre de vicaire perpétuel dans quatre fiefs disputés, à la condition qu'il offrirait chaque année un calice d'or de la valeur de 1000 écus. Il confirma une ordonnance du roi de Portugal, à qui il décerna le titre de très-fidèle; ordonnance par laquelle il était établi que les biens des individus condamnés par l'inquisition seraient confisqués au profit de la chambre royale, et que les appels de ce tribunal seraient portés non pas au pape, mais au roi. Il l'autorisa en outre à

Azevedo, en 12 vol. (Rome, 1747 et années suivantes). Les quatre premiers coutiennent son ouvrage le plus important, De servorum Dei beatificatione et beatorum canonizatione.

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