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puissance exagérée, lorsque Kaunitz concentra le gouvernement à Vienne. Joseph réunit ensuite en un conseil de gouvernement la magistrature camérale, la commission ecclésiastique, le tribunal héraldique et de salubrité, le commissariat général et la congrégation d'État. Il établit des gardes de police qui, armés d'un bâton le jour, d'un fusil la nuit, se servaient de l'un et de l'autre. Il changea les anciens noms de beaucoup de choses, sans autre but que d'innover. Il donna un code de procédure plus expéditif, mais dont nous avons déjà signalé les défauts (1). Il fit emprisonner d'un seul coup tous les mendiants; et comme leur entretien devenait coûteux, il leur rendit la liberté, sous le serment de ne plus mendier.

C'est ainsi qu'il faisait à la hâte, et qu'il défaisait de même. En enlevant aux corps l'autorité pour la concentrer dans le ministère, il enleva au pays ces formes traditionnelles d'administration qu'un législateur prévoyant réforme sans les détruire. Mais Joseph agissait dans de bonnes intentions: il adressa aux chefs de département une circulaire sur la manière de traiter les affaires publiques, les invitant à laisser de côté les formalités pour l'essentiel, à écouter tout le monde sans acception de condition, de langage ou de culte; car le devoir d'un prince est de ne pas regarder la propriété de l'Etat comme la sienne, ni comme créés pour lui des millions de sujets, mais de se croire élevé par la Providence pour leur être utile. Il ajoutait que l'augmentation des revenus ne fait pas un bon ministre, que les sujets ne sont tenus de contribuer que pour ce qui est d'une nécessité absolue au maintien de l'autorité, de la justice, du bon ordre, et au bien de l'État ; enfin, que le roi doit lever l'impôt de la manière la moins onéreuse, et rendre un compte public de l'emploi qu'il en a fait.

Dans le Piémont, pays amphibie, dit Alfieri, où le gouvernement et la cour étaient français, les habitudes et les croyances italiennes, le roi Victor II avait aussi entrepris des améliorations. Il promulgua, avec le concours de Corsignani et de Bersini, un code qui devait servir pour toute la monarchie; il assura le pays contre les entreprises du dehors, au moyen de forteresses et de levées de troupes; il embellit Turin d'édifices. Le président Pensabene et François d'Aguirre, qui avaient été ses appuis pendant ses démêlés

(1) Page 446.

Piémont,

1723.

1730.

1772.

avec le pape en Sicile, l'excitèrent à enlever les écoles aux jésuites et aux prêtres réguliers, pour rétablir l'université, et tâcher de ramener l'enseignement à des règles uniformes.

Victor II abdiqua tout à coup à l'âge de soixante-quatorze ans, et se retira à Chambéry avec Charlotte Canale de Cumiana, qui s'était unie à ce prince par un mariage morganatique (1). CharlesEmmanuel prit le sceptre, après avoir supplié son père de renoncer à cette résolution. Mais bientôt le manque d'occupations, d'éclat, de courtisans, pesa à Victor, qui chercha sous main à ressaisir le pouvoir. En conséquence Charles-Emmanuel fut obligé de le faire garder à vue dans le château de Rivoli, en le tenant séparé de sa femme, qui lui avait suggéré cette ambition intempestive; puis, dès qu'il crut pouvoir le faire sans danger, il les réunit, et lui rendit sa résidence de Moncalieri, où il mourut plein de résignation.

Charles-Emmanuel III, qui jusqu'alors était resté éloigné des affaires, et dont l'éducation avait été très-médiocre, montra plus de qualités qu'on n'en attendait de lui; et, secondé par les conseils du marquis d'Ormea, le Richelieu du Piémont, il aida, avec une lenteur prudente, au développement de la prospérité dans ses États. Nous avons vu les avantages que lui valut la guerre, tellement qu'il s'assura par le traité de Worms une bonne partie du Milanais: quant au duché de Plaisance, auquel il prétendait, il eut comme compensation une rente de 328,000 livres, égale au revenu de ce pays.

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Le Codex Carolinus, qu'il promulgua, passe pour un chef-d'œuvre. Il y reproduisit celui de Victor-Amédée II, en y ajoutant de nouvelles lois pour en affermir les effets; et il en ordonna la publication, afin que toutes les provinces, villes et communautés, obtinssent le bienfait d'une législation uniforme. » Il chercha à se procurer de bonnes troupes. Il revit lui-même et fit imprimer, bien qu'elles fussent réprouvées par la censure, les Révolutions d'Italie, de Denina; et il répondit à ceux qui traitaient cette manière d'agir de nouveauté: J'aime mieux les esprits modernes que les vieux pédants. Il disait encore: Je ne connais pas de meilleure

(1) On appelle ainsi un mariage où les époux sont ou non de condition égale, mais où, par exception à la règle générale, les droits de l'épouse et ceux des enfants à naitre d'elle se trouvent limités. Il y est stipulé, par exemple, qu'elle ne portera pas le titre de son mari, que ses enfants n'hériteront pas selon Ja loi, etc.

méthode d'études pour un Etat que de choisir de bons mattres, et de les laisser enseigner à leur manière (1). .

Le comte Jean-Baptiste Bogino, qui, après avoir été employé 1701-1784. dans la diplomatie, était alors ministre d'Etat, imprimait à l'administration une direction meilleure. Il s'occupa de terminer le cadastre, réforma les monnaies, chercha même à s'entendre avec les autres princes italiens pour les rendre uniformes dans la péninsule, s'appliqua à suivre les études, jusque-là négligees, et affranchit la Savoie des mainmortes et des liens féodaux.

La Sardaigne, érigée en royaume, cessait d'être une de ces provinces dont la diplomatie se sert comme d'un appoint pour égaliser les poids dans la balance. Devenue propriété inaliénable, elle acquérait une plus grande importance par sa réunion avec la petite Savoie, qu'avec l'Espagne au vaste territoire. Bogino en fit connaître la valeur; et l'on chercha alors à y faire disparaître peu à peu les inégalités établies par l'Espagne, à encourager l'agriculture par des monts de secours, à détruire les brigands, les vengeances sanglantes, et ces rivalités que les Aragonais avaient alimentées entre les deux factions qui se partageaient l'île. Il la repeupla au moyen de colonies, surtout des gens de Tabarca. Il fit décrire par divers savants ce pays presque ignoré, y fonda les universités de Cagliari et de Sassari ; d'où il résulta que la langue italienne finit par l'emporter sur l'espagnol, et il y diminua le nombre des employés forestiers.

Cependant la crainte des innovations prévalut dans le royaume, ainsi que le respect pour d'absurdes préjugés. Des entraves que l'on brisait ailleurs y étaient maintenues et fortifiées. Alfieri, Lagrange, Denina, Berthollet, Bodoni, durent renoncer à respirer l'air de leur patrie.

ducs.

Les princes lorrains trouvèrent la Toscane façonnée à une Les grandsdouce obéissance, et livrée aux abus du pouvoir. Les francs-maçons s'étant répandus dans le pays, au point qu'on en comptait, disaiton, jusqu'à trente mille dans Florence, le saint office s'en effraya, et il en arrêta plusieurs, entre autres Thomas Crudeli, qui mettait plus de feu dans ses discours et plus d'idées dans ses vers qu'on n'était dans l'habitude de le faire alors. Jeté en prison, il subit

(1) ROBERTI, Lettre à un professeur dans le Frioul, 1777.

les angoisses d'une procédure secrète, que prolongea la nécessité d'envoyer à Rome les pièces de l'instruction; puis, comme on ne put établir contre lui aucun tort réel, il fut relégué pour sa vie entière dans sa maison de Pioppi, où on lui imposa de dire les psaumes de la pénitence une fois par mois, ce dont il dut prêter serment sur l'Évangile (1).

Déjà François de Lorraine avait commencé à détruire les abus et les entraves, à affranchir les propriétés, à combattre les restes de la féodalité, en attirant à soi la puissance législative et judiciaire, la levée des troupes, et les autres prérogatives royales. Il accepta le calendrier grégorien en abolissant l'ère pisane (2), et réorganisa l'administration.

Pierre-Léopold pensa qu'il était possible d'écarter cet étalage d'atrocité et de violence que l'on croit devoir être l'accompagnement des gouvernements réguliers, et que ce luxe de soldats, de police, de cachots, d'entraves à la liberté n'était pas indispensable au bien des peuples et à la sûreté des princes. Peut-être ses réformes sont-elles les seules du siècle passé qui aient été durables, parce qu'elles se fondaient sur la nature de ce peuple, et sur les besoins de progrès que toute nation éprouve.

L'ancienne république, formée par l'agrégation successive de petits corps, chacun avec ses priviléges et sa juridiction particulière, avait laissé un ordre de justice civile très-vicieux, et des lois qui variaient de la ville à la campagne, d'une province à l'autre.

Léopold rendit les lois uniformes; les magistrats inutiles furent supprimés; il supprima également le conseil des deux-cents, chefs de familles plébéiennes qui se réunissaient six fois l'an, pour nommer par la voie du sort les juges et les chefs des villes de province; et il agit de même à l'égard des tribunaux privilégiés concernant les régales et des objets particuliers ou certains établissements. Après avoir réduit les juges et avoir fait un choix parmi eux, il promulgua un nouveau règlement de procédure, et chargea Joseph Vernaccini, et ensuite Michel Ciani, de rédiger un code qui fut continué par Lampredi, mais qui fut interrompu par la révolution. Reconnaissant que la sévérité empêchait bien moins les crimes que

(1) Voyez Antoine-François Pagani, Hist. de l'inquisition de Toscane, Florence, 1783.

(2) Ce fut en 1750. Les protestants d'Allemagne l'avaient accepté en 1700; l'Angleterre ne s'y décida qu'en 1751.

des châtiments modérés, mais prompts et certains, accompagnés d'une surveillance exacte, il supprima la peine de mort, à laquelle il substitua les travaux forcés. Il abolit toute immunité, tout privilége personnel ou droit d'asile; et en même temps la torture, la confiscation, les procès de haute trahison, le serment des prévenus, les dénonciations secrètes, les accusations contre les parents, les procès de chambre, où les accusés n'étaient pas admis à se défendre, les dépositions des témoins officiels, la condamnation par contumace. Les amendes durent former un fonds destiné à indemniser ceux qui auraient été emprisonnés injustement.

Tels étaient les beaux exemples que donnait le père de Francois Ier

Les Médicis avaient détruit la liberté, mais non les inconvénients qu'elle entraîne, et entre autres le système des douanes, qui isolait les unes des autres les villes, où des statuts locaux imposaient des taxes et des mesures funestes à l'industrie. Léopold (1781) substitua à cet état de choses une taxe unique pour tout le grand-duché, permit à toute marchandise d'entrer, de sortir et de circuler librement; déclara libre le trafic de la soie, les prix de vente, le commerce des biens de toute sorte; établit un tarif unique, ouvrit des routes nouvelles, des canaux, des lazarets, et encouragea ceux qui créaient des manufactures. Il brisa les liens que les corporations d'arts et métiers imposaient à l'exercice de l'industrie; abolit les corvées des paysans, les monopoles, les exceptions, les fidéicommis; déchargea les propriétés de la servitude du pâturage public, qui empêchait de s'enclore de haies; fit vendre les biens communaux; confia l'administration des communes à ceux qui avaient intérêt à leur prospérité, c'est-à-dire aux propriétaires eux-mêmes, sans dépendance du gouvernement; fonda des maisons d'éducation, même pour les filles, des hospices pour les pauvres, des conservatoires pour les arts, et ordonna les inhumations dans les cimetières.

L'uniformité de la législation entraîna alors une répartition plus égale de droits et de fortune; l'agriculture se releva; Ximenès, Ferroni, Fantoni, s'occupèrent du dessécheinent des maremmes, et celle de Sienne fut mise en culture, et peuplée autant qu'il est possible d'y réussir. Le succès fut encore plus complet dans le val de Nievole, dans le val de Chiana, et dans les environs de PietraSanta, où l'on appela des habitants du dehors, surtout de la Ro

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