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1787.

ritable bataille dans Amsterdam. Le cabinet de Versailles fomenta les espérances des républicains, qui, mettant à la tête des troupes le général Van Russel, enlevèrent encore au stathouder cette portion d'autorité. La Hollande arma, et étendit un cordon le long de ses frontières, sous le commandement du rhingrave Frédéric de Salm. Enfin Guillaume fut déclaré déchu des fonctions de stathouder et d'amiral général.

La femme de Guillaume, qui l'avait encouragé à la résistance, résolut de se rendre en personne à la Haye, dans l'espoir d'obtenir par sa présence que l'autorité fût rendue à son mari. Mais, arrivée à la frontière, elle fut renvoyée sous escorte. C'était un affront inouï. Elle en demanda vengeance au roi de Prusse, qui, n'ayant pas obtenu satisfaction, déclara la guerre à la république. Les Prussiens s'avancèrent en force par Nimègue, et se jetèrent avec impétuosité sur le territoire de l'Union. Les républicains se trouvèrent incapables de résister à l'invasion étrangère; le rhingrave de Salm, manquant de loyauté ou de courage, laissa prendre Utrecht et la Haye; une sécheresse extrême rendit inutile la rupture des digues, et les Prussiens terminèrent en trois semaines la conquête d'un pays que les Espagnols n'avaient pu soumettre en quatrevingts ans, et Louis le Grand en plusieurs campagnes. Enfin Amsterdam ayant été aussi réduite à capituler, les états généraux s'y réunirent, et cassèrent les actes dirigés contre le prince d'Orange, qui fut rétabli; mais il n'obtint pas ces accroissements d'autorité qui suivent les révolutions manquées; seulement la réunion des dignités de stathouder, de capitaine général et d'amiral général lui fut garantie. Guillaume lui-même se montra modéré : quant au roi de Prusse, il n'exigea rien pour lui, pas même ses dépenses. Mais il fit alliance avec la république et avec l'Angleterre; d'où il résulta que la France, après avoir vainement intrigué, perdit honteusement les sommes qu'elle avait dépensées pour acquérir la prépondérance en Hollande.

CHAPITRE XXVII.

CORPS HELVÉTIQUE.

La Suisse, après avoir été reconnue dans la paix de Westphalie, était demeurée tranquille pendant toute la durée du dix-septième siècle, sans que ses frontières eussent changé. Si toutes les confédérations sont faibles dans leur lien mutuel, sauf les cas de péril, cela est surtout vrai pour la confédération helvétique, où s'ajoutent les dissentiments religieux et la domination commune sur certaines acquisitions anciennes. Les cantons, en dominant tour à tour sur ces pays, y favorisaient successivement leurs coreligionnaires, et s'accusaient réciproquement d'injustice et d'abus. Il semblait aux catholiques que Berne et Zurich se rapprochaient, à leur détriment, de la Hollande et de l'Angleterre; les réformés reprochaient aux catholiques la ligue Borromée, et leur amitié avec l'Espagne et la Savoie. Les choses en vinrent au point que Zurich et Berne prirent les armes contre les cantons catholiques; mais cette guerre fut terminée par voie d'arbitrage.

Les Suisses n'ont pas, comme les autres réformés, un livre symbolique qui leur soit propre ; et la première confession helvétique, en 1536, n'avait plus de valeur après que Calvin eut fait prévaloir le dogme de la prédestination. Tous les calvinistes de France s'y étaient rattachés. Mais comme il déplaisait à beaucoup d'entre eux, Moïse Amyrant, ministre de Saumur, écrivit la défense de Calvin, en modifiant tellement la doctrine de la prédestination, qu'elle ne différait presque pas de la grâce universelle de Luther. On en disputa beaucoup en France parmi les réformés; néanmoins elle fut acceptée, et se répandit de là en Suisse. Les orthodoxes de ce pays ne voulurent pas s'y opposer; et les gouvernements de Zurich, de Bâle, de Genève, adoptèrent un livre symbolique (Formula consensus Ecclesiarum helveticarum reformæ circa doctrinam de gratia universali et connexa, aliaque nonnulla capita) en vingt-six articles, où sont condamnées les doctrines d'Amyrant et celles du Suisse Louis Cappel, qui prétendait que les points dia. critiques, dans l'Écriture hébraïque, étaient d'origine récente.

Les réformés allemands protestèrent. De là des haines et des

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persécutions. Berne établit sa chambre de religion pour veiller sur les croyances et sur les mœurs des citoyens, sans ménager les emprisonnements et les exils; en un mot, c'était une inquisition. Le temps seul put apaiser les esprits; et peu à peu le consensus fut regardé comme une formule, non pas de foi, mais de doctrine.

Quand Louis XIV envahit la Franche-Comté, les cantons déterminèrent le contingent que chacun d'eux devait fournir, en cas de péril; il comprenait en tout quatre-vingt-treize mille hommes, divisés en trois corps (defensionale).

Les villes usaient de tyrannie sur les habitants des campagnes, ilotes à qui ils ne laissaient que le droit de travailler et de payer. Des baillis, arrogants et avides, punissaient leurs moindres fautes avec une verge de fer, et les épuisaient par des amendes. Venait-on à réclamer? les magistrats étaient soutenus dans les conseils et devant les tribunaux par leurs parents et par tous les nobles, et leur impunité encourageait les subalternes. En 1653, les paysans commencèrent à se récrier hautement contre les impôts, contre le prix du sel, et contre la dépréciation des monnaies usées. Ceux du canton de Lucerne prirent d'abord les armes, puis ceux de Berne, de Soleure, de Bâle ; et de même qu'autrefois les comtes et les seigneurs s'étaient affranchis de la puissance impériale pour acquérir le domaine héréditaire de leur territoire, et que les grandes villes s'étaient soustraites à l'autorité des comtes, de même alors les paysans voulaient secouer le joug des villes, et obtenir une égale liberté. Leur tentative etait intempestive, et ils furent contraints, tant par les armes que par les supplices, de se soumettre de nouveau.

Le territoire de Toggenbourg causa une autre guerre contre l'abbé de Saint-Gall, qui, soutenu par l'Empire, prétendait y exercer une autorité despotique: cette guerre continua avec beaucoup de cruauté jusqu'en 1718, et fut la dernière lutte religieuse. Déjà les dissensions s'étaient apaisées par le traité d'Aarau, qui accorda la liberté du culte. La paix publique, arrêtée à Bade, régla tout ce qui concernait les possessions communes, soit sous le rapport du droit civil, soit pour les affaires religieuses. Après la révocation de l'édit de Nantes, et plus tard au temps des persécutions de Louis XV, un grand nombre de réformés s'étaient réfugiés en Suisse, où ils avaient apporté leur industrie. Ils introduisirent la culture de la vigne dans le pays de Vaud, et les alentours de Vevey lui doivent leurs terrasses verdoyantes. Ils établirent à Lausanne un sémi

naire entretenu aux frais de plusieurs puissances protestantes. C'est en 1481 que fut tenue la première diète, où tous les cantons envoyèrent des députés. On décida ensuite qu'elle se réunirait tous les ans, et que la convocation serait faite par Zurich. Elle s'assembla d'abord à Baden en Argovie, et, l'an 1712, à Frauenfeld en Thurgovie; deux députés y siégeaient par canton.

Au milieu des guerres de cabinet qui furent pour l'Europe une cause d'abjection plus encore que de ruine, la modération des chefs helvétiques sut résister aux intrigues des rois, qui voulaient entraîner la Suisse dans leurs démêlés. Le pays grandit alors; et, sans compter les arts et l'industrie, il enfanta des hommes remarquables, tels que Haller, Rousseau, Bödmer, Hottingler, Steinbückel, Bernoulli, le mathématicien Euler, l'astronome Lambert, les naturalistes de Saussure et Bonnet, les médecins Tissot et Zimmermann, l'historien Müller, Lavater, dont les théories sur la physionomie sont tombées en oubli, mais dont le peuple n'a pas oublié les hymnes patriotiques; et Gessner, qui, en peignant la tranquillité pastorale, charma les imaginations.

La Suisse n'était plus cependant le pays poétique de la pure liberté l'amour des richesses et du pouvoir y avait envahi les cœurs. Flattant les étrangers et les servant, non-seulement par les armes (1), mais encore par les intrigues, ses habitants cherchaient à acquérir des titres, des décorations, des colliers. Les petits cantons, nourrissant des rancunes contre les cantons riches, qui prédominaient, songeaient à se fortifier par des alliances étrangères, et les ambassadeurs des puissances fomentaient dans le pays les haines fraternelles. Humbles au dehors, les Suisses devenaient orgueilleux à l'intérieur. Un petit nombre d'oligarques dominaient sur une multitude négligée, et un égoïsme imprévoyant leur faisait préférer le canton au pays entier, de même que leur classe au canton.

En même temps donc que les grands n'étaient pas moins serviles que ceux des monarchies, le vulgaire s'y trouvait beaucoup plus mal. Personne ne s'inquiétait de l'éducation ni des besoins qui se faisaient sentir. Il n'était pas permis aux sujets de s'élever par l'instruction au niveau de ceux qui dominaient, ni de parvenir aux emplois civils, militaires ou religieux. L'industrie et le

(1) La Suisse avait un million et demi d'habitants, dont un tiers appartenait aux cantons de Berne et de Zurich. Trente-buit mille d'entre eux restaient pendant quatre ans au service étranger.

T. XVII.

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commerce étaient même interdits à certaines localités, attendu, prétendait-on, qu'ils étaient le privilége des grandes villes. La liberté de la presse effrayait les gouvernants; et, par suite, le silence gardé sur les affaires du pays empêchait qu'il ne se formât un esprit public. Aussi, bien que les Suisses fussent restés quatre-vingts ans sans guerres intestines, la tranquillité avait été fréquemment troublée par des haines intérieures toujours renaissantes, quoique sans but élevé, mais au détriment de leur dignité vis-à-vis de l'étranger.

Nous ne ferons mention que de quelques-uns de ces démêlés. Dans le canton de Zug, la famille de Zurlauben occupait depuis deux siècles les principales dignités, grâce à l'argent que la France distribuait en présents par ses mains, et dont elle gratifiait un petit nombre de personnes, au lieu de le répartir entre tous les citoyens. Il en résulta du mécontentement, et le parti qu'on appelait des doux trouva des opposants dans celui des rudes. Ces derniers, soutenus par l'Autriche, et ayant à leur tête Antoine Schumacher, l'emportèrent sur leurs rivaux, rompirent l'alliance avec la France, et persécutèrent ceux qui lui étaient favorables. Ces rigueurs déplurent, ce qui rendit bientôt aux Zurlaben leur influence; et l'on continua d'accepter les ignobles gratifications de la France.

Deux partis agitaient le canton d'Appenzell: sur les douze arrondissements (rodi) de ce canton, ceux qui étaient situés au pied des Alpes, appelés intérieurs, suivaient le culte catholique; les autres, dits extérieurs, sur les deux rives de la Sitter, professaient la religion réformée: il y avait ainsi inimitié entre les membres du même corps.

A Berne, la réforme avait enrichi l'Etat, en lui attribuant les biens du clergé ; le patriciat y devint par suite plus puissant, plus ambitieux, et il en résulta une jalousie inquiète : chacun cherchait à s'élever, à intriguer, à sacrifier l'intérêt public à celui de la famille; et les grands ne songeaient qu'à enchaîner le peuple dans l'obéissance, la pensée dans la censure, la vie dans l'espionnage. Il est vrai que, comme les autres tyrannies, celle-là favorisait les progrès matériels, l'agriculture, l'industrie; mais, comme elles aussi, elle ne voulait pas qu'on pensât. Haller et Bonstetten n'entrèrent point dans le sénat; ceux dont le génie menaçait d'éclipser leurs pères durent aller briller ailleurs. Tschiffelli, qui fonda à

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