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« et sans réplique (1). » Il supprima les couvents des moines réguliers qui n'obtempérèrent pas à cette injonction ; abolit les abbayes et les églises, ainsi que la fameuse société des Bollandistes. Comme ensuite plusieurs évêques réclamèrent contre le péril des âmes, il ordonna, sous peine de bannissement et de confiscation, à l'archevêque de Malines, d'aller examiner les doctrines et les professeurs de Louvain. Mais le prélat ayant posé pour premières questions de savoir s'il appartient aux seuls évêques de prêcher et de catéchiser, en quoi consiste la suprématie papale et autres choses semblables, Trautsmandorf défendit aux professeurs de répondre, et à lui de poursuivre l'examen.

Joseph II réforma ensuite de fond en comble l'ancien gouvernement; il subrogea au conseil d'État et aux autres corps constitutionnels un gouvernement central; supprima les justices patrimoniales, en établissant de nouvelles cours dépendantes de la cour suprême de Bruxelles. Il anéantit les stipulations de la Joyeuse entrée et détruisit la nationalité des Pays-Bas, en les déclarant provinces de la monarchie autrichienne; enfin, il ordonna « à tous ses sujets, << sans distinction, d'obéir, sans réplique ni retard, à tous les ordres « de ses agents, lors même qu'ils paraîtraient excéder les limites « de leur autorité (2). »

Il en résulta d'abord un sourd frémissement; puis, comme on voulait transférer un prévenu à Vienne, contrairement au droit des Brabançons d'être jugés dans leur pays par leurs concitoyens, le peuple se leva en tumulte, les états refusèrent les subsides annuellement demandés ; et, la hardiesse augmentant, ils exposèrent leurs griefs. Le conseil de Brabant abolit les nouveaux tribunaux ; l'archiduchesse Marie-Christine et son mari le duc de Saxe-Taschen furent obligés de promettre le rétablissement des priviléges.

Les Belges se montraient disposés ou résignés à obéir; mais ils voulaient, comme partie intéressée, que les états fussent consultés. Au lieu de faire droit à leur désir, Joseph II envoya des troupes. Cependant, ayant reçu leurs députés à Vienne, il promit de rétablir l'ancien ordre de choses, sauf toutefois le séminaire de Louvain; et,

(1) Dans une correspondance particulière de Joseph II avec Kaunitz, trouvée à Bruxelles, les prêtres sont traités d'imposteurs, l'évêque de Malines de brouillon imbécile, la résistance du prélat de farce, et il promet un petit parallèle assez croustilleux entre les deux Ambroise.

(2) Art. 12 de l'édit du 1er janvier 1787.

les trouvant fermes dans leur refus, il revint sur ses concessions, rapporta l'amnistie et les priviléges. Il répondait à Kaunitz, qui voulait l'amener à un arrangement: Le feu de la rébellion ne s'éteint que dans le sang; il inscrivit, sur une réclamation du cardinal de Frankerberg: L'archevêque doit plier ou casser. Il expédia donc des troupes pour terminer les affaires litigieuses; et il ajoutait: Le plus ou moins de sang que peut coûter une telle opération ne doit pas être mis en compte..... Je récompenserai les soldats comme s'ils eussent combattu les Turcs (1). Mais lorsqu'il vit les Brabançons en appeler à Dieu et à leur épée des conventions violées, se confédérer et s'armer, il s'effraya; et, ses rêves de bien public s'évanouissant, il s'aperçut qu'il avait perdu l'opinion, dont il s'était fait une idole. Il versa des larmes, déclara qu'il avait été abusé par des rapports erronés, et en revint à demander avis à Kaunitz, qui l'engagea de nouveau à des concessions; mais il était trop tard. Joseph II s'adressa au pape, pour qu'il invitât les évêques à la soumission: il demanda des secours, mais l'Empire ne se prêta pas à lui en fournir. La Prusse fomentait au contraire ces haines; la France avait bien d'autres embarras; l'Angleterre avait été offensée et trahie par lui; la Turquie le menaçait; les états héréditaires frémissaient. Ses troupes, commandées par Rhöder, furent battues; la Flandre se souleva aussi; Gand fut bombardé, mais la garnison en fut repoussée, de même qu'à Bruxelles; et la désolation des villages n'empêcha pas le cri de l'indépendance de retentir de ville en ville.

Mais, comme il arrive toujours, les dissensions intérieures commencèrent. Les partisans de l'avocat Van der Noot penchaient pour que l'on revint à l'Autriche, en ne réclamant qu'un frein aux usurpations, et un meilleur système de représentation dans les états, dont ils défendaient les priviléges. Mais l'avocat Vonck, plein d'ardeur pour les théories révolutionnaires, et ne se contentant pas d'une égalité qui est le nivellement sous le despotisme, aspirait à l'indépendance et à la souveraineté. Les vonckistes s'appuyaient sur leurs seules forces; les autres espéraient dans l'étranger et surtout dans la Prusse, désireuse d'affaiblir l'Autriche. Or la fausse politique du cabinet autrichien, s'effrayant des anciennes franchises que réclamait Van der Noot, caressait les vonckistes, c'est

(1) Lettre du 31 octobre 1789.

1790.

à-dire qu'elle excitait les masses, tandis qu'elle persécutait les modérés, qu'il eût été possible de satisfaire.

Dans le principe, les deux partis agissaient d'accord, et une confédération des états belges unis fut signée, établissant un congrès souverain de ces états, dont chacun conservait son indépendance. Une pareille oligarchie déplut aux vonckistes, qui, se récriant contre l'idée de se fier aux étrangers, disaient qu'il ne fallait pas différer pour les attendre, mais mettre toute sa confiance dans le peuple, et s'insurger. Quoiqu'ils eussent en effet poussé à prendre les armes et que la victoire eût couronné leur cause, les aristocrates l'emportèrent, et punirent leurs adversaires de l'emprisonnement et de la confiscation. Joseph put se réjouir de ce que l'ambition, qui avait causé sa ruine, tournait aussi au détriment de ses ennemis ; mais il mourut sans avoir vu leur chute. En effet, la destruction des priviléges nationaux ne devait être possible qu'après une révolution dont les princes auraient à garder pour eux l'absolutisme.

Joseph tenta, à l'égard de l'Empire, des excès de pouvoir du même genre, quoiqu'il n'en fût que le chef électif. Il annonça l'intention de corriger plusieurs abus, et notamment ceux de la chambre impériale de Veztlar en fait de juridiction. Elle exerçait, conjointement avec le conseil aulique, la haute justice en Allemagne. Mais si ce conseil, placé sous les yeux de l'empereur, resta dans les limites du devoir, l'autre abusa de l'espèce d'indépendance dont elle jouissait, et elle était accusée de prévarication, de négligence, de partialité; d'un autre côté, ses membres, en hostilité entre eux, formaient deux factions ennemies, qui s'entravaient réciproquement. Les empereurs avaient cherché plusieurs fois à y remédier; mais leurs propositions avaient toujours été ajournées. Joseph voulut y donner suite; mais les convenances se mirent à la traverse, les oppositions de décrets, les vieilleries contradictoires, les disputes de rang; et dix années se passèrent en discussions de grande importance alors, sans aucun intérêt aujourd'hui.

Par suite d'un usage antique, les empereurs pouvaient donner des lettres de pain (panisbriefes), dont le porteur obtenait, de certaines fondations, la nourriture, le vêtement et le logement. Joseph voulut étendre ce droit à toutes, et faire entretenir par elles ses propres serviteurs; mais la plupart s'y refusèrent, et l'empereur eût compromis en vain l'autorité dont il était investi. On vit combien cette autorité était faible, lorsque Joseph, qui n'avait point de

fils, voulut faire élire pour roi des Romains, non pas son frère, mais François, son neveu bien-aimé, préférence qui jeta de la discorde dans la famille impériale.

Les attentats de Joseph sur la Bavière causèrent dans l'Empire de plus graves mécontentements. Elle avait été régie par Maximilien-Joseph III, qui avait aussi du penchant pour les améliorations alors à la mode. Ce prince fonda à Munich l'Académie des sciences, à laquelle il attribua le monopole des almanachs, et dont les travaux furent dirigés par deux protestants alsaciens extrêmement distingués, J.-Henri Lambert, mathématicien, et C.-Frédéric Pfeffel, jurisconsulte et historien, qui publia le huitième volume des Monumenta boïca. L'esprit littéraire s'éveilla par suite dans le pays, qui était infesté par des voleurs et des vagabonds; et comme tout autre remède demeurait vain, l'électeur chargea le baron de Kreitmayer, son vice-chancelier, de faire un code criminel, qu'il traça en caractères de sang, et dans lequel le troisième vol qui excède trente kreutzers, ou le premier s'il est de la valeur de vingt florins, sont punis de la corde. Le sacrilége, les sorcelleries, les pactes avec le diable, entraînent le bûcher; celui qui tue encourt la mort; le suicide est enterré sous le gibet, et un tiers de sa succession confisqué; la torture est conservée. La Bavière fut donc remplie d'échafauds : on compta en dix-huit ans, dans le seul bailliage de Burghausen, onze cents victimes, tellement que le peuple ne faisait plus même attention à ces supplices atroces. Les deux codes civil et judiciaire (16861687), supérieurs alors à toute autre législation en Allemagne, apportèrent quelque remède à cet état de choses.

Cette maison électorale, issue de la branche cadette des Wittelspach, s'étant éteinte en 1777, l'électeur palatin, chef de la branche aînée, devait lui succéder. Mais l'électrice veuve de Saxe élevait des prétentions sur les biens allodiaux; Joseph réclamait, en qualité d'empereur, quelques fiefs dont cette maison avait été investie séparément; Marie-Thérèse en revendiquait d'autres, comme reine de Bohême et archiduchesse d'Autriche, mais en réalité pour donner corps à une autre idée de ce temps, celle d'arrondir ses États. On alla déterrer dans les archives un diplôme de 1426 (1); et Charles-Théodore, électeur palatin, pour succéder tranquillement au reste de l'héritage, consentit au

(1) Scholl (tom. XLI, p. 280) examine les documents produits à ce sujet, et les trouve altérés.

T. XVII.

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Bavière.

1745-1777

démembrement. En conséquence l'Autriche occupa les pays dont fut formé le cercle de l'Inn, sans en rien donner aux lignes intéressées. L'Autriche gagna le quartier de l'Inn; mais Joseph, qui aspirait à arrondir son duché paternel en échangeant la Bavière contre les Pays-Bas, trouva la compensation bien chétive. Il se mit donc à démolir les forteresses qu'il était obligé d'entretenir, et renvoya la garnison hollandaise. Enfin il proposa à la maison palatine de lui céder les Pays-Bas avec le titre de royaume de Bourgogne, en apaisant avec de l'argent les prétentions des collatéraux.

Joseph croyait pouvoir tout oser dans l'état d'épuisement où se trouvaient la France, l'Angleterre, l'Espagne et la Hollande, par suite de la guerre d'Amérique. Frédéric II jouissait en paix des fruits de la guerre; et l'empereur ne pensait pas qu'il voulût les risquer jamais pour défendre les intérêts d'un tiers. Mais si Joseph eût accompli son projet, la Prusse se serait trouvée environnée par les possessions de l'Autriche, qui aurait embrassé toute l'Allemagne méridionale. Frédéric reconnut en outre de quelle importance il serait pour lui de se faire le centre du mécontentement de toute l'Allemagne. Avec la résolution vigoureuse d'une politique supé rieure à l'égoïsme, il repoussa des propositions avantageuses; et s'il s'était montré usurpateur dans d'autres circonstances, il se leva alors pour défendre la constitution de l'Empire, menacé, disait-on, par cette ambition sans bornes.

Marie-Thérèse s'obstina à vouloir un arrangement; Joseph s'y opposa, au point de la menacer de transférer dans quelque autre ville la résidence impériale; et, avide de se mesurer de nouveau avec l'ancien adversaire de sa maison, il accepta la guerre : il se mit avec Lascy à la tête de cent mille hommes; mais le vieux Laudon, qui se trouvait gêné par la présence de l'empereur, s'était retiré. La France et l'Angleterre s'étant interposées, on fit la paix Traité de Tes- de Teschen, tout à l'avantage de Charles-Théodore, qui s'était constamment opposé à la guerre.

chen.

1779.

1786.

17 août.

Mais cette tentative de la part de Joseph II détermina une confédération qui avait pour but de prévenir de nouveaux abus de la force, et de conserver la constitution. En conséquence la ligue des princes (Fürstenbund) s'organisa entre Frédéric, la Saxe, le Hanovre; et plusieurs autres Etats y adhérèrent. La mort de Frédéric empêcha les confédérés d'y donner suite; mais ce fut la première idée de

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