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Prusse.

1498.

1525.

1566.

1618.

de l'année 1549 pour revendiquer le Milanais. Mais le prétendant le plus fort et le plus résolu était Frédéric II.

L'accroissement de la Prusse est un prodige de la puissance de l'homme. Ce royaume n'a ni frontières naturelles ni lien de langage ou de race: il a été constitué uniquement par la guerre et par la politique.

Par la paix de Thorn (1466) la Prusse avait cessé d'être indépendante, puisqu'une bonne partie de son territoire avait été réunié à la Pologne pendant trois siècles, tandis que la partie orientale continuait d'appartenir à l'ordre Teutonique, qui reconnaissait la suzeraineté de la Pologne (1). Les Polonais voyaient de mauvais œil ces voisins menaçants; de leur côté, les chevaliers teutoniques supportaient impatiemment la dépendance: ils demandérent en conséquence à l'Empire que la paix de Thorn fût annulée, et refusèrent le tribut. Il en résulta une guerre; puis, lors de la paix de Cracovie qui suivit, ce pays fut conféré par Sigismond, roi de Pologne, à Albert de Brandebourg comme fief polonais héréditaire. Ce chef de l'ordre Teutonique sécularisa son fief au temps de la Réforme. Il y introduisit la confession d'Augsbourg, sous peine d'excommunication contre les prédicateurs qui s'en écarteraient; et Osiander, ayant occasionné des troubles par des dogmes divergents touchant la justification, Funk, son gendre, fut impliqué dans un procès, et l'hérésie étouffée dans le sang.

Albert, homme faible, incessamment tourmenté par le remords de son apostasie et circonvenu par des intrigants, n'est digne de mémoire que pour avoir fondé l'université de Königsberg. Son fils Albert-Frédéric, qui lui succéda à l'âge de quinze ans, perdit la raison à dix-huit. En conséquence les intrigues se multiplièrent au sujet de la régence, ainsi que les agitations turbulentes des luthériens, qui finirent par chasser les calvinistes.

Il eut pour successeur son gendre Jean Sigismond, de la maison de Brandebourg, électeur de l'Empire, qui dominait en outre sur le duché de Prusse, c'est-à-dire sur la partie orientale, pour laquelle il relevait de la Pologne, comme il relevait de l'Empire pour la marche de Brandebourg et le duché de Clèves. Son autorité s'étendait ainsi sur quatorze cent quarante-huit milles carrés, peuplés de onze cent mille habitants. Il promulgua un code, fondé sur le droit romain, c'est-à-dire favorable aux droits ducaux.

(1) MANSO, Gesch. des Preussischen Staats.

laume.

1640.

Après son règne, dont la durée fut très-courte, et celui de George-Guillaume, son fils, qui fut extrêmement agité, parut Frédéric- Frédéric-GuilGuillaume, dit le grand Électeur, véritable fondateur de la monarchie prussienne. Le traité de Westphalie ajouta six cent milles carrés à ses possessions, qui toutefois se trouvaient éparpillées de la Vistule au Rhin; les communications étaient en outre très-difficiles entre elles, et pendant la guerre de Trente ans les Suédois, les Hollandais, les Polonais les parcoururent impunément. La paix était donc pour lui l'objet le plus important, et il y sacrifia ses passions et ses intérêts.

Élevé à l'école du malheur, il profita des circonstances, recouvra Spandau et Custrin; renvoya, moyennant un sacrifice d'argent, les Suédois de la Marche, et soutint les calvinistes lors des négociations pour la paix de Westphalie, de manière à se faire considérer comme le chef de ce parti. Son intention était de secouer la dépendance des Polonais, qui s'immisçaient sans cesse dans les successions et dans les affaires intérieures du pays. Placé entre eux et les Suédois, ennemis capitaux, il chercha à se rendre nécessaire à tous deux, et entreprit de défendre même la Prusse royale contre la Suède. En reconnaissance de ce service, Casimir promit de l'affranchir du lien féodal; mais Charles X étant accouru, il le mit de son côté en lui promettant une partie de la Pologne. En louvoyant ainsi, Frédéric-Guillaume parvint à se faire reconnaître indépendant lors du traité de Welau; et depuis lors on le voit figurer comme chef d'un État souverain.

Il prétendait que ce titre lui était attribué par la domination despotique qu'il exerçait dans son pays (1), tandis que les états, ne pensant pas que la Pologne eût pu lui transférer plus de droits. qu'elle n'en exerçait elle-même, réclamaient en conséquence le maintien de leurs priviléges, et soutenaient qu'il ne pouvait faire ni paix, ni guerre, ni alliances sans leur consentement, ni introduire dans le pays de troupes étrangères, ni mettre des impôts ou des droits nouveaux. L'électeur se tint sur la négative, et, partie en éludant les difficultés qu'il rencontrait, partie en jetant en prison les chefs qui lui faisaient obstacle, il organisa le pays à sa manière,

(1) Cette prétention étrange a été mise aussi en avant de nos jours par les princes d'Allemagne, qui lors de la paix de Presbourg, ayant été reconnus indépendants de l'Empire, entendirent par là se trouver affranchis des lois fondamentales de chaque État.

1656.

1657.

1663.

1675.

sans accorder autre chose que les sessions de la diète tous les six ans, et la prédominance des luthériens, en laissant aux réformés six églises seulement. Après avoir été amené à ce que l'on peut considérer comme l'acte constitutionnel de la Prusse, c'est-à-dire à promettre de ne pas entreprendre de guerres, ni mettre d'impôts que du consentement des états, il s'efforça constamment de réduire cette promesse à néant, et mécontenta ainsi les Prussiens, qui reconnurent qu'une constitution sans garantie est une arme émoussée. Plusieurs chefs de l'opposition furent condamnés, et Kalkenstein, arrêté sur le territoire polonais, envoyé à l'échafaud. L'Europe s'étant émue de cette violation du droit des gens, Frédéric-Guillaume condamna ses agents, mais pour les réintégrer bientôt.

Afin de défendre la souveraineté qu'il avait conquise, il recruta une bonne armée dans les rangs de ceux que la paix de Westphalie laissait sans solde, et la forma aux combats dans les guerres de la France, son alliée, avec la Suède. En conséquence, les Suédois envahirent le Brandebourg, en y commettant des horreurs à peine croyables. Le grand Électeur se retira en Franconie, pour réparer ses pertes, et attendre les secours promis par l'Empire'; mais, se voyant trompé à cet égard, il résolut de délivrer seul le pays; arrivé sur l'ennemi dans le plus grand secret, il s'empara de plusieurs forts, et mit en pleine déroute, à Fehrbellin, les Suédois, à qui les guerres précédentes avaient valu la réputation d'invincibles. Aussitôt le nom de Frédéric-Guillaume, qui seul et dans un pays ruiné avait triomphé de ces soldats, la terreur de l'Allemagne, fut partout porté aux nues, et ce fut à qui solliciterait son amitié. Mais, lorsque la France et la Suède se furent unies contre lui, il lui fallut accepter la paix de Saint-Germain en Laye, en restituant tout ce qu'il avait occupé de la Poméranie suédoise.

A partir de ce moment il s'occupa tranquillement de la politique extérieure et intérieure. Afin de rétablir ses finances, il s'attacha à la France, qui payait ses alliés, et chercha à empêcher la guerre de Louis XIV pour les réunions. Lors de la révocation de l'Édit de Nantes, il donna asile à vingt mille réfugiés qui apportèrent dans son pays les arts et la civilisation, dans ses conseils de la prudence et de l'habileté. Il accueillit aussi les juifs chassés de l'Autriche; établit les postes, favorisa l'agriculture, ouvrit le canal de Mühlroser, entre la Sprée et l'Oder, afferma les biens de l'Etat, fonda une marine, encouragea le commerce de l'Afrique. Il appela dans

ses États des étrangers distingués par leur savoir, comme de Rocèles et Grégoire Leti; fournit à Puffendorf les moyens de mener à fin son travail, fonda à Berlin une bibliothèque et une galerie de tableaux, de monnaies, d'œuvres plastiques. Il cultiva la musique, et embellit sa capitale, où les jardins, les allées de peulpiers qu'il planta parurent des merveilles.

Contraint de louvoyer, sa politique ne put avoir de vigueur; il eut toutefois bonne part à tous les traités de ce temps, et sut tellement en profiter, qu'il laissa à Frédéric III, son fils, deux mille quarante-deux milles carrés de territoire avec un million et demi de sujets.

Ce prince, chétif de corps, mais instruit en histoire et possédant plusieurs langues, était hargneux, inconstant, ombrageux, prodigue; son zèle pour le protestantisme fit qu'il devança l'un de ses successeurs dans la pensée de fondre ensemble les luthériens et les calvinistes. Il favorisa les bannis français, au point de fonder pour eux un collége et un tribunal supérieur ; il embellit Berlin, d'après les dessins de l'architecte Nehring, et il fournissait à quiconque voulait bâtir, de la chaux, des briques, des tuiles, du bois, en payant quinze pour cent de la dépense. Il commença le magnifique arsenal, sous la direction d'André Schlüter. Cet architecte très-habile fit aussi la statue équestre du grand électeur, et suggéra à Frédéric l'idée de fonder une académie des beaux-arts, comme il avait déjà fondé l'université de Hall, illustrée par le célèbre Tommasius de Leipsick, et, sur le plan de Leibnitz, la Société royale de Berlin, en lui assignant le privilége, qu'elle conserve encore, de la vente des almanachs. On est redevable à ce corps savant de l'introduction des mûriers et des vers à soie dans la Marche de Brandebourg.

Sophie Charlotte, seconde femme de Frédéric III, apporta en Prusse les manières de la société élégante, le goût du savoir et des arts. La comédie, l'opéra italien, les bals, les promenades, la conversation des hommes instruits et des étrangers embellirent la cour, où elle savait maintenir l'harmonie sans recourir à l'intrigue. Belle, elle aimait à s'entourer de jolies femmes; instruite, elle se plaisait à l'entretien de celles qui avaient de l'esprit. Elle entretint avec Leibnitz une correspondance suivie, dont la Théodicée fut le résultat, et favorisa les principaux poëtes allemands. Si nous en croyons Frédéric II, elle refusa à son lit de mort l'assis

1688.

1699.

1711.

Frédéric I

1701.

tance du ministre, en disant: Laissez-moi mourir sans disputer; et s'adressant à une de ses amies qui pleurait, elle ajouta : Ne me plaignez pas; car je vais satisfaire ma curiosité sur des questions que Leibnitz n'a jamais su me résoudre pleinement: l'espace, l'infini, l'étre, le néant; et je fournis à mon époux l'occasion d'une pompe funèbre où il pourra déployer sa magnifi

cence.

Elle faisait ainsi une allusion piquante au peu d'amour de son mari pour elle et à son faste, qui parfois dégénérait en prodigalité insensée, au point de donner par exemple un fief de quarante mille écus à un chasseur. On conçoit dès lors que ce prince brûlait d'envie de porter la couronne, surtout depuis qu'il avait vu le duc de Brunswick-Lunebourg élevé au rang d'électeur, le prince d'Orange monté sur le trône d'Angleterre et l'électeur de Saxe devenu roi de Pologne. Comme il arrive souvent, en effet, que les noms entraînent les choses à leur suite, il lui semblait qu'avec le titre de roi il s'affranchirait « de ce joug de servitude sous lequel la maison d'Autriche tenait tous les princes de l'Allemagne (1). » Il sollicita en conséquence l'assentiment des puissances, et enfin le plus difficile et le plus nécessaire à obtenir, celui de l'empereur Léopold, qu'il obtint en lui promettant de donner toujours son vote pour l'Empire à l'aîné des archiducs. Mais le prince Eugène s'écria: Léopold aurait dú faire pendre les ministres qui lui donnèrent ce conseil imprudent.

Frédéric prit donc le titre, non de roi des Vandales, pour ne pas blesser la Suède, ni celui de roi de Prusse, par égard pour la Pologne; mais celui de roi en Prusse. Il se couronna de sa propre main, avec une pompe sans égale, et mit tout en œuvre pour se faire reconnaître de l'Europe. Mais ni le pape ni le grand maître de l'ordre Teutonique, dont le chef-lieu était à Mergentheim, ne voulurent jamais y consentir, le considérant comme hérétique et usurpateur des possessions ecclésiastiques. Il en fut de même de la France et de l'Espagne, qui voyaient en lui un ennemi; mais les autres puissances l'admirent, afin qu'il pût employer pour leur intérêt son or et ses troupes dans des guerres qui ne le concerneraient pas. « Ce fut un véritable appât que Frédéric jeta à ses successeurs; il sembla leur dire : Je vous ai acquis ce titre; c'est à vous de vous en

(1) FRÉDÉRIC II.

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