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Nanékisme.

1747

1752.

indépendants, tellement que la puissance du Grand Mogol se réduisit presque à confirmer le successeur du nabab défunt, en lui délivrant la patente impériale.

Dans les contrées du nord, entre l'Indus et le Djomnah, était mort en odeur de sainteté, en 1539, dans la province de Lahore, un certain Nanek, au tombeau duquel affluaient avec les dévots les disciples qu'il avait recrutés sans distinction de nation et réunis sous le nom de seïkhs, c'est-à-dire, écoliers. Argiounmal, son successeur, recueillit la doctrine du maître dans le Pothi ou bible, et de là naquiť la secte des seikhs. Répudiant les traditions brahminiques, elle adore un dieu unique et invisible, en faisant de l'amour du prochain la base de la morale; elle recommande du reste de pratiquer la tolérance et d'éviter les discussions; abolit les castes, en conservant néanmoins la distinction des tribus ainsi que la séparation d'avec les étrangers, et permet de manger de la viande, à l'exception de la chair de vache; les idoles et toute espèce d'images sont exclues de ses temples; les femmes jouissent de plus de liberté. On donne à celui qui est initié à cette secte un sabre, un fusil, un arc, une flèche et une lance, en outre une tasse d'eau, où l'on fait fondre le sucre en l'agitant avec un poignard.

Les seikhs devinrent une nation guerrière sous leurs gourous ou maîtres, chefs spirituels qui souvent luttèrent contre le Grand Mogol, se mêlèrent aux guerres civiles, mais perdirent ensuite toute influence séculière. Le pays se divisa alors entre plusieurs sirdars ou chefs, surnommés singhs ou lions. Ils avaient élevé au poste de Grand Mogol Mohammed-Schah, qui régnait en 1739, quand il fut attaqué par Nadir-Schah. Après avoir dévasté Delhi, le restaurateur de l'empire persan laissa le trône à Mohammed; mais il lui enleva les provinces situées sur la rive occidentale de l'Indus.

A peine s'était-il éloigné, que la province de Bérar se détacha de l'empire des Mahrattes, et elle s'est maintenue séparée jusqu'à présent. Aoud se rendit aussi indépendant sous AchmedSchah, successeur de Mohammed; puis il en fut de même du Bengale. Le Mogol se trouvait ainsi réduit à ne plus embrasser qu'une partie des provinces de Delhi et d'Agra.

Sous le règne d'Allemghir II, Hamed, roi des Abdallis, nation afghane du Candalar, assaillit Delhi, pilla tout ce qui y était resté, et renversa jusqu'aux murailles pour en enlever les pierres;

puis cette ville fut dévastée une troisième fois par les Mahrattes, sous Djihan-Shaw, et ils fouillèrent jusqu'aux tombeaux; mais le roi de Candahar les ayant attaqués en tua, dit-on, cinq cent mille.

Parmi les gouverneurs musulmans qui, après l'invasion de Kouli-Khan, aspirèrent à se rendre indépendants, Dawoust AliKhan, nabab de la province d'Arkot, où étaient situées Pondichéry et Madras, se rendit tellement redoutable, que les radjahs implorèrent le secours des Mahrattes.

Cependant des puissances plus redoutables grandissaient sur ces rivages c'étaient les Portugais, les Hollandais et les Français. Nous avons déjà parlé des acquisitions qu'y firent les premiers, et raconté comment ils avaient été dépossédés par les Hollandais, qui avaient alors les plus vastes établissements de l'Asie, des îles de la Sonde aux côtes du Malabar (1).

Dès le règne de François Ier, les Français avaient tenté de s'établir dans l'Inde; mais, repoussés par les tempêtes, ils ne passèrent pas le cap de Bonne-Espérance. Henri IV dirigea aussi de ce côté l'attention de ses sujets, et il établit en Bretagne une compagnie des Indes orientales, qui, après y avoir expédié sans succès quelques navires, ne tarda pas à se dissoudre. D'autres tentatives échouèrent encore, ce qui fit que les armateurs français se portèrent plutôt vers Madagascar. Richelieu essaya de ranimer le commerce des Indes, et forma à cet effet une nouvelle compagnie avec de larges priviléges; mais elle ne put prospérer. Une autre, instituée par Colbert, avec une dotation de 15 millions et un privilége de cinquante ans, grandit peu à peu, au point d'exciter la jalousie des Hollandais. François Martin, qui avait formé un établissement à Pondichéry, sur la côte de Coromandel, se vit forcé de le céder aux Hollandais, qui pensèrent s'y affermir en le changeant en une forteresse redoutable. Cette place fut néanmoins restituée, lors de la paix de Ryswick, à la compagnie française avec les fortifications. Martin y étant retourné en qualité de gouverneur, la rendit une des plus importantes que les Européens eussent en Asie, où elle fut la capitale des possessions françaises; et le nombre de ses habitants s'éleva de cinq cents à vingt mille, tant Européens qu'Indiens et musulmans.

Ces accroissements furent troublés par le désordre de la com

(1) Tome III, ch. 16 et 17.

1604.

1693.

1697.

1735.

1739.

Dupleix. 1742.

pagnie elle-même, qui marchait à sa ruine, quand Law songea à lui rendre la vie en lui adjoignant les compagnies d'Occident, de la Chine et de l'Afrique, sous le nom de compagnie perpétuelle des Indes. Nous avons vu le succès non moins brillant qu'éphémère de cette entreprise ; mais la compagnie survécut au naufrage de Law, et dirigea son attention sur Pondichéry, qui avait continué à prospérer par des efforts particuliers. Elle ne donna jamais cependant de dividendes à ses actionnaires, attendu que tous les bénéfices avaient été employés à embellir et à fortifier Pondichéry, ainsi qu'à se procurer des alliés. Dumas, qui y fut envoyé comme gouverneur, la rendit florissante par son administration tout à la fois habile et vigoureuse. Il obtint du Grand Mogol Mohammed-Schah le privilége de battre monnaie, ce qui fut très-avantageux : l'acquisition de Karikal et de son territoire, acheté d'un prétendant au royaume de Tanjare, moyennant une faible somme d'argent et de promesses de secours, fut encore plus utile.

Les Français avaient formé d'autres établissements dans la péninsule indienne. Ils s'étaient assuré le commerce du poivre sur les côtes du Malabar; ils transportaient à Surate les tissus et les bijouteries de Lyon, et il semblait qu'ils dussent rivaliser avec les colonies des grandes nations maritimes, d'autant plus qu'ils eurent le bonheur d'avoir à la tête de leurs établissements trois hommes d'un grand mérite, Dupleix, la Bourdonnais et Bussy.

On dut à la Bourdonnais la prospérité d'un autre établissement formé par les Français entre Madagascar et les Indes, aux îles de France et de Bourbon (la Réunion).

Chandernagor dans le Bengale, cédé à la compagnie française par Aureng-Zeb, en 1688, pour cent mille livres, florissait sous le gouvernement de Dupleix. Après y avoir séjourné dix ans, il fut nommé gouverneur général à Pondichéry, où il prit le titre de nabab, accordé par le Grand Mogol à son prédécesseur, et il déploya un faste oriental; il se fit aussi reconnaître radjah, et songea à étendre dans le Bengale la puissance et le commerce de la France. Il plaça un directeur général à Chandernagor, et expédia des bâtiments à Siam, à Cambodje, à la Cochinchine, et sur les autres marchés. En même temps il augmenta les troupes de la colonie, les soumit à une exacte discipline et excita leur courage, afin de pouvoir exercer de l'influence dans les dissensions intestines de la péninsule.

La compagnie anglaise s'était également établie au Bengale dans la seconde moitié du siècle précédent, et elle avait obtenu du petit-fils d'Aureng-Zeb l'autorisation d'acheter les trois villages de Govindpour, de Chattanoutty et de Calcutta, où fut élevé le fort Guillaume.

En 1696, la révolte d'un zémindar indien, nommé Souba-Singa, dans le Bengale, fournit un prétexte aux Hollandais de Chinsoura, aux Français de Chandernagor, et aux Anglais de Chattanoutty, pour demander qu'il leur fût permis de se fortifier dans l'intérêt de leur sûreté; et ils profitèrent de la permission pour entourer leurs factoreries d'ouvrages menaçants. Kouli-Khan, qui inquiétait les Anglais, ayant été guéri d'une maladie par le médecin Hamilton, renouvela, l'an 1715, en rèconnaissance de ce service, le privilége de la compagnie, et l'autorisa même à étendre ses acquisitions.

A l'arrivée de Dupleix, les Européens n'étaient considérés dans l'Inde que comme des marchands; mais lorsqu'il connut le pays, il vit la possibilité d'y dominer, et dissimula cette pensée tant qu'elle ne pouvait paraître que folle ou téméraire. Son projet, extrêmement simple, consistait à mettre des corps européens au service des princes indiens, persuadé que bientôt ils y acquerraient de la prépondérance. Il parvint ainsi, en effet, à dominer dans le pays de Karnate, puis dans le Décan, sur trente-cinq millions d'habitants, c'est-à-dire sur presque la moitié de l'empire du Mogol, et il détruisait ou formait à sa volonté des établissements d'étrangers.

Les Anglais voyaient de mauvais œil ceux des Français; et si ceux-ci favorisaient un nabab, c'était un motif' suffisant pour que ceux-là le prissent en inimitié: aussi les deux nations continuaientelles de se faire la guerre dans ces contrées, tandis qu'elles étaient en paix en Europe. Les Anglais ayant repoussé la proposition faite par la France de la considérer comme neutre dans la guerre qui venait d'éclater, les chefs des colonies françaises durent se mettre sur la défensive. Après la paix d'Aix-la-Chapelle, Dupleix reprit ses vastes projets, dans la conviction où il était que la compagnie française serait hors d'état de lutter contre la compagnie anglaise tant qu'elle ne deviendrait pas une puissance continentale. Malheureusement les chefs étaient en désaccord, et jaloux l'un de l'autre; et la Bourdonnais, au lieu de s'unir à Dupleix, qui méditait la conquête de Madras, voulut avoir seul la gloire d'enlever aux Anglais leur plus riche établissement dans le Coromandel.

T. XVII.

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#754.

1746.

Madras était séparée en ville blanche des Européens, et en ville noire des Juifs, des Banians, des Arméniens, des mahométans, idolâtres, nègres, rouges, cuivrés. La Bourdonnais avait ordre du ministère, qui ne connaissait point les localités, de ne conserver aucune des conquêtes qui seraient faites: en conséquence il accepta dix millions de livres pour la rançon de cette ville; mais Dupleix, qui en appréciait l'importance, cassa la capitulation, saccagea et brûla la ville, ce qui fit exécrer le nom français. Puis il opposa à son rival tan td'entraves dans de nouvelles expéditions, que la Bourdonnais se retira; il rentra en France, où il fut mis à la Bastille.

Rien de plus désirable ne pouvait arriver aux Anglais, qui, ayant réuni des forces, non-seulement recouvrèrent Madras, mais encore assiégèrent Pondichéry. La belle défense de Dupleix, qui contraignit les Anglais à battre en retraite, étendit un voile sur les torts qu'il avait pu avoir.

Madras une fois perdu, Dupleix dirigea ses efforts sur le Décan et le Karnate, que des rivaux se disputaient. Au milieu de leurs discordes, il parvint, après des exploits romanesques (1), à installer dans la soubabie de Décan Mousa-Fersing, son protégé, qui augmenta considérablement les territoires de Pondichéry et de Karikal, et lui donna Masulipatnam avec ses environs.

Dans le Karnate, par suite, la compagnie anglaise, sans déclarer ouvertement la guerre, vint en aide à l'adversaire de Dupleix, qui, mal soutenu par ses alliés et par le cabinet pusillanime de Versailles, finit par succomber. Plein de hardiesse au milieu des difficultés et inépuisable en expédients, il sut se relever, et ses victoires avaient excité un enthousiasme inexprimable en Europe: on disait que les seules terres obtenues de Chandasaeb rapportaient 39 millions; il semblait qu'on dût compter annuellement sur un revenu net de 50 millions: c'étaient des chimères, comme celle de Law. Tous comptes faits, les directeurs de la compagnie se trouvèrent en perte de 2 millions, et inculpèrent Dupleix, comme si l'on n'avait pas dû prévoir que ses vastes entreprises devaient coûter beaucoup d'argent, et qu'il en faudrait encore beaucoup pour en recueillir ultérieurement les fruits. Irrités donc

(1) On raconte qu'un officier français, nommé de Latouche, entouré par quatrevingt mille ennemis, pénétra de nuit dans leur camp avec trois cents de ses compatriotes, en tua douze cents, épouvanta les autres, et les dispersa sans avoir perdu plus de deux soldats.

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