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La maison d'Autriche, la plus puissante parmi celles de l'Allemagne, possédait la Hongrie, la Bohême, l'archiduché d'où elle tirait son nom. Elle acquit par le traité d'Utrecht Milan, Mantoue, la Sardaigne, les Pays-Bas ; à la paix de Passarowitz le banat de Temeswar, Belgrade et la Servie; en tout vingt-cinq millions de sujets et soixante-quinze millions de revenus (1).

Certaines provinces étaient détachées et menacées par des ennemis redoutables. Il y avait dans toutes des états provinciaux, sans l'aveu desquels on ne pouvait établir de nouvelles charges. Les revenus des Pays-Bas suffisaient à peine pour l'administration et pour l'entretien des garnisons (2). Tout en augmentant son territoire, l'Autriche perdit de son influence, par suite de la politique étroite de Charles VI et de sa condescendance envers les princes qu'il voulait rendre favorables à sa pragmatique sanction.

Charles VI, dont la bonté personnelle mitigeait l'absolutisme dans le gouvernement (3), d'un caractère emporté, quoique lent, n'avait pas le sentiment de son rang. Il protégea les arts en fondant une académie de peinture, de sculpture et d'architecture; créa la bibliothèque de Vienne et le cabinet des médailles; appela à sa cour Métastase,

(1) On trouve dans l'Histoire de Marie-Thérèse ( 1743, tom. V) l'emploi des revenus du royaume. Indépendamment des employés de l'ordre judiciaire et administratif, quarante mille personnes vivaient à la solde de l'Empire, moyennant neuf millions et demi. On trouve dans les dépenses de la cuisine une mention de quatre mille florins pour persil; dans celles de la cave, douze pintes de Hongrie fournies à l'impératrice veuve pour boire avant de se coucher; deux barriques de vin de Tokai pour tremper le pain des perroquets de l'Empereur, quinze seaux de vin pour un bain; quarante mille écus pour la fauconnerie. (2) Nous pouvons déduire la richesse proportionnée des différents États de la répartition des subsides que demandait l'Empereur en 1730, comme il suit :

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(3) « Bien que l'Empereur soit pieux, juste, clément, le gouvernement est

dans le fait plus tyrannique que celui des Turcs.» ÇOXE.

qui ne fut pas le seul à le proclamer le Titus du siècle. Il aimait surtout la musique, et composa un opéra qui fut chanté sur le théâtre de la cour par les premiers seigneurs, lui-même faisant sa partie dans l'orchestre et les deux archiducs dansant dans le ballet. Mais, soit un malheureux hasard, soit par sa faute, il fut continuellement en guerre; et, après avoir trouvé l'Autriche en voie d'atteindre une grandeur nouvelle, il la laissa épuisée. N'estimant que les Espagnols, il traitait de grossiers les Allemands, qu'il avait pris en haine, parce qu'ils avaient embrassé froidement sa cause et déploré la mort de l'empereur Joseph. Frédéric II dit qu'il avait été élevé pour obéir, et non pour commander. Ses affaires importantes consistaient à épiloguer sur le cérémonial, à scruter les secrets domestiques, à aller à la chasse ou à se livrer à d'autres occupations frivoles. Il abandonnait en même temps l'État à ses ministres, quoiqu'il se gardât bien, comme tous les princes faibles, de se montrer asservi à leurs volontés. Il ne traitait avec eux que par écrit, et l'intermédiaire de cette correspondance était Jean Christophe Bartenstein, qui, tout en le flattant, lui préparait les moyens de confondre le conseil et d'avoir raison en présence de ses ministres, ce qui ne faisait qu'ajouter à leur irrésolution et entraver les délibérations.

Le plus illustre parmi eux fut le prince Eugène, qui arrêta d'un siècle l'Autriche dans sa décadence. Homme modeste, sans détours, rude dans ses manières, mais tenant sa parole avec la fermeté d'un soldat, il n'obtint jamais entièrement la confiance de Charles, qui, mené par des confidents, par des femmes, écoutant l'envie des autres et sa propre jalousie, le mettait à l'écart quand la guerre ne le rendait pas nécessaire. Aussi Eugène disait-il à Villars: Vos ennemis sont à Versailles et les miens à Vienne. Il s'en consola en laissant les affaires pour se donner aux lettres, aux beaux-arts, à la société de femmes aimables, et il atteignit soixante-douze ans avec toute sa liberté d'esprit. Les revers qu'éprouva l'Autriche après sa mort prouvèrent ce que peut un homme sur le sort d'un État.

Eugène avait désapprouvé l'acquisition des Pays-Bas, prévoyant qu'ils seraient un théâtre toujours ouvert aux guerres avec la France, et que, difficiles à conserver, leur perte entraînerait celle de toute la rive gauche du Rhin. Charles VI ne l'écouta pas, et donna une nouvelle organisation à ce royaume en abolissant les trois con

seils d'État, de finances et privé, pour ramener toutes les affaires au seul conseil d'Etat.

Tandis que les ministres s'occupaient des affaires politiques, Charles VI porta son attention sur le commerce. Sachant que deux choses avaient manqué constamment à l'Autriche, des forces maritimes et des richesses, il créa à Vienne une banque et une société pour le commerce de l'Orient. Il fit des traités avec la Porte, ce qui couvrit le Danube de bâtiments; il donna aux Brabançons le droit de naviguer librement aux Indes, et les autres provinces ayant réclamé la même faveur, il institua, à la suggestion du prince Eugène, une compagnie à Ostende, avec un privilége de trente ans et un capital de six millions, divisé en six mille actions, qui furent prises en quarante-huit heures, et montèrent aussitôt de quinze pour cent. Les états généraux lui en portèrent leurs plaintes, comme s'il eût blessé ainsi leur droit au commerce de l'Orient; et il en résulta la guerre que nous avons vue, et que Charles termina avec les autres, en rabattant de ses prétentions pour obtenir la reconnaissance de la pragmatique sanction.

Charles VI était mu aussi dans tout cela par des idées particulières de gain. Il laissa la diplomatie étrangère opérer à prix d'argent. Au lieu que les fermes des impôts fussent adjugées sur les lieux, les aspirants se rendaient à la cour, et en offrant à l'Empereur une somme d'argent ils obtenaient à des conditions avantageuses la perception des droits ou toute autre entreprise qui pouvait être l'objet d'un marché. Les revenus augmentaient ainsi sans profit pour le trésor, le surplus allant grossir le boursicot de sa majesté (1).

En Hongrie, Charles chercha à déterminer d'une manière fixe les corvées, auxquelles les seigneurs obligeaient le bas peuple; à rendre l'armée plus forte en assurant son entretien par un impôt permanent; et à supprimer l'abus, fréquent dans les maisons seigneuriales, de marier leurs cadets dans des familles de paysans, qui se trouvaient ainsi soustraites aux tailles. La noblesse chercha à le détourner de ses projets en multipliant les plaintes au sujet de l'administration; les protestants jetèrent les hauts cris de ce qu'on exigeait d'eux, pour entrer dans la diète, un serment contraire à

(1) L'Histoire secrète de Marco Fossarini (Florence, 1843) est un document fort important sur ce règne. I prouve principalement la vénalité effrontée et la manière déplorable dont l'Italie était gouvernée.

1738.

1710.

leur conscience, et s'opposèrent, mais en vain, à ce que la couronne fùt rendue héréditaire, même dans la ligne féminine.

Charles fit plus; car il détacha un district entre Presbourg, Bude et Odenbourg pour le réunir à l'Autriche. Il annula l'immunité des terres devenues nobles depuis 1680; perçut avec rigueur une dîme des revenus ecclésiastiques accordée par le pape pour fortifier Belgrade et Temeswar, et amena la diète à apporter des limites à la servitude des paysans. Il permit l'exercice du culte protestant en particulier, mais non en public, à l'exception des lieux où il était établi en 1681, et où il détermina toutefois le nombre des ministres; quiconque entrait au barreau fut obligé de prêter un serment où la Vierge et les saints étaient pris à témoin.

Joseph Ragoczy, qui tenta dans ce royaume une révolution au nom de la liberté, ce qui voulait dire les priviléges des nobles, s'était engagé envers le Grand-Seigneur, dont il avait réclamé l'assistance, à lui céder toutes les conquêtes qu'il ferait; mais il mourut de la peste.

Si les débuts de Charles VI avaient été glorieux, il finit d'une manière déplorable. Mécontent de ses ministres, vendu par les agents subalternes, humilié en présence des puissances maritimes, il vit la Lorraine enlevée à l'Empire et à son propre gendre. Il céda une partie du Milanais et le reste de l'Italie, épuisa le trésor et l'armée. Mais tout cela n'était rien à ses yeux, pourvu qu'il arrivât à faire accepter la pragmatique sanction, but unique de sa politique. Survint pour comble la guerre malheureuse contre les Turcs, puis la paix de Belgrade, contre laquelle il protesta en vain, en jetant ses généraux en prison. Une indigestion termina ses jours, à l'âge de cinquante-six ans.

CHAPITRE IV.

GUERRE DE LA SUCCESSION D'AUTRICHE. LA PRUSSE. PAIX D'AIX LA CHAPELLE.

Charles VI ne laissait pas d'héritiers mâles; et durant ses vingtsept années de règne toute sa politique n'avait tendu qu'à assurer à sa fille Marie-Thérèse l'hérédité de ses possessions autrichiennes. Le roi d'Espagne en premier, puis la Russie, le Danemark, les électeurs de Bavière et de Cologne, la Grande-Bretagne, les États

généraux, l'Empire et en dernier Louis XV, avaient accepté cette pragmatique sanction.

C'étaient là des assurances trompeuses; aussi le prince Eugène lui répondit-il, lorsqu'il les lui vantait: Mieux vaudraient deux cent mille baïonnettes. Eugène parlait en soldat; mais il est certain (puisqu'il n'était point question de vœu populaire) qu'il aurait dû préparer à sa fille une bonne armée et de riches économies pour faire valoir, en tous cas, ses droits. Or, c'est à quoi il n'avait pas pourvu; et à peine cut-il fermé les yeux, qu'il surgit une foule de prétendants au patrimoine amassé si laborieusement par l'Autriche.

Dès l'âge de neuf ans, Marie-Thérèse avait été élevée avec François de Lorraine, qui fut ensuite duc de Toscane, et il en résulta entre eux un amour tel qu'il s'en rencontre rarement dans les mariages des princes. A la mort de son père, elle se proclama souveraine des États héréditaires et son mari co-régent, ne lui laissant du reste jamais la moindre part dans le gouvernement. Mais ces pays, il fallait les acquérir, et elle n'avait que cent mille florins en caisse et trente-six mille soldats, outre les garnisons d'Italie et des Pays-Bas; or, la capitale était affamée et des ennemis surgissaient de toutes parts.

Maric, The

rèse.

L'électeur de Bavière, outre qu'il avait épousé la fille puinée Pretendants. de Joseph Ier, descendait de l'archiduchesse Anne, fille de Ferdinand Ier, à laquelle la succession autrichienne avait été garantie à défaut d'héritiers mâles (1); ajoutez à cela que l'archiduché d'Autriche ayant été détaché de la Bavière en 944, celle-ci demandait qu'il lui fit retour à l'extinction de la lignée.

La fille aînée de Joseph Ier avait apporté ses droits à l'électeur de Saxe, roi de Pologne, qui de plus, comme descendant d'Albert le Dégénéré, landgrave de Thuringe, élevait des prétentions sur l'Autriche et sur la Styrie, qu'il disait usurpées sur ses aïeux par Ottokar de Bohême, puis par Rodolphe de Habsbourg.

Le roi d'Espagne réclamait la Hongrie et la Bohême, en vertu d'une convention entre Philippe II et Ferdinand de Gratz; mais son but réel était d'obtenir par transaction une seigneurie en ItaJie pour l'infant don Philippe.

Le roi de Sardaigne s'appuyait sur un statut de Charles-Quint

(1) C'est ce que portait la copie bavaroise du contrat; mais les Autrichiens en produisirent une autre, où on lisait héritiers légitimes.,

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