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1723.

pour le bien du pays. Comme tous les grands ministres, il rechercha l'égalité de l'impôt, et, sous prétexte de routes et de ponts, il s'occupa de faire mesurer et estimer les terres ; il favorisa les droits du saint-siége et les juridictions ecclésiastiques, et réussit à faire accepter en France la bulle Unigenitus. L'acharnement avec lequel il persécuta ceux que la banque avait enrichis fit peut-être exagérer ses vices. On ne prononça point d'oraison funèbre en son honneur; mais la baisse extraordinaire des actions de la compagnie des Indes montra combien il inspirait de confiance.

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Le duc d'Orléans lui succéda aux affaires ; mais lui-même mourut bientôt dans les bras de sa dernière maîtresse, laissant le timon de l'État au duc de Bourbon, aussi dépourvu de talents qu'avide et vindicatif, entouré en outre de favoris et de femmes, mené surtout par madame de Prie, qui s'était donnée à lui par des motifs moins excusables que l'amour et l'ambition.

La Pologne continuait à souffrir du triste système de la république, et elle était devenue le champ des intrigues de toute l'Europe. Stanislas Leczinski, élu roi sous la protection de Charles XII, avait dû céder le trône à Auguste de Saxe; mais on prévoyait qu'à la mort de ce prince la France remettrait en avant Stanislas, dont la fille, Marie, avait épousé Louis XV. Les puissances, renouvelant le scandale qu'elles avaient donné dans les affaires d'Italie, disposaient du royaume du vivant du roi. L'Autriche et la Russie, qui destinaient au trône de Pologne Jean V de Portugal, ayant attiré la Prusse de leur côté, garnirent la frontière de troupes, et expédièrent à Varsovie trente-six mille ducats pour gagner des élec

teurs.

Mais à la mort du roi, son fils Frédéric-Auguste se mit tout à coup sur les rangs. Il avait, comme époux de l'archiduchesse MarieJoséphine, des prétentions à la succession autrichienne. En conséquence, Charles VI offrit de se prononcer en sa faveur, à la condition qu'il renoncerait à celle-ci et reconnaîtrait la pragmatique sanction: autant en fit la Prusse, autant la Russie, s'il renonçait aux titres qu'il mettait en avant sur la république. On répandit de l'argent, on fit entendre des menaces. Leczinski, soutenu par la France et par ses belles manières, obtint la préférence; mais quelques palatins se détachèrent de la diète pour élire Frédéric-Auguste; en même temps quarante mille Russes entrèrent dans le pays « pour protéger la liberté de l'élection, » et mirent à feu et à sang les châteaux

des nobles qui avaient couronné un concitoyen. Charles VI envoya d'autres troupes de son côté. C'est en vain que Louis XV se récria contre cette iniquité d'imposer un roi à un autre pays : le petit corps de troupes qu'il avait envoyé pour soutenir son beau-père trouva les côtes ravagées par les Russes et fut fait prisonnier. Stanislas s'enfuit avec peine de Dantzick, assiégée; il fut reçu par la Prusse, qui refusa de le livrer à l'Autriche et à la Russie.

C'était un cas de guerre. Elle n'était pas redoutée des Russes, à qui Pierre et Mentzikow avaient appris à vaincre en bataille rangée et Munich à emporter des places fortes. En France une faction nombreuse la demandait. Louis XV la considérait comme un devoir pieux; Villars supportait impatiemment de se voir inutile, et les anciens soldats de Louis XIV brûlaient de combattre et de triompher encore. La France déclara donc la guerre à l'Empereur, et l'Espagne s'unit à elle, poussée à le faire par la reine Élisabeth Farnèse, irritée des formalités humiliantes imposées par Charles VI à don Carlos pour l'investiture de Parme et de la Toscane, et aussi de son refus d'accorder à l'infant la main de Marie-Thérèse. La Sardaigne, comprenant qu'elle ne pouvait s'accroître qu'aux dépens de l'Autriche, se joignit à ces deux puissances.

Aussitôt les Français occupèrent la Lorraine, dont le duc, François-Étienne, devait épouser Marie-Thérèse. Villars entra en Italie, et faisant sa jonction avec les Sardes, il envahit le Milanais. Charles VI demanda des secours à l'Angleterre et à la Hollande; mais celle-ci, mécontente de ce qu'il laissait les forteresses des Pays-Bas dégarnies, s'excusa de lui en fournir; le roi George, que son ministre Walpole maintenait dans des dispositions pacifiques, déciara n'être pas obligé de le soutenir dans un acte de violence. La Russie, la seule alliée de Charles, était à cinq cents lieues: la chance des armes lui fut donc contraire au début des hostilités. Lorsque Villars fut mort à Turin, dans la même chambre où il était né, les maréchaux de Maillebois, de Coigny, de Broglie, qui lui succédèrent, passèrent le Pô, et occupèrent le pays jusqu'à la Secchia, en ne laissant à l'Autriche que Mantoue. Don Carlos de Parme s'empara même de Naples, et défit les impériaux à Bitonto; puis, passant dans la Sicile, il s'en rendit maître, et fut proclamé à Palerme roi des Deux-Siciles.

Le prince Eugène de Savoie, général en chef de l'armée impériale, manquant des approvisionnements les plus nécessaires, eut beaucoup de peine à empêcher les Français de s'étendre en

T. XVII.

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Souabe. Lorsque ensuite il fut venu à mourir, Charles VI dut accepter la paix telle que la proposait le cardinal de Fleury, qui avait été promu au ministère. En conséquence Stanislas abdiqua le trône de Pologne, en conservant toutefois sa vie durant le titre de roi et les honneurs souverains; la Lorraine lui fut attribuée en dédommagement, pour revenir à la France après sa mort. Le duc François eut comme indemnité la Toscane avec le petit pays de Falkenstein, afin qu'il ne fût pas considéré comme un étranger lorsqu'il aspirerait à la couronne impériale. Le roi de Sardaigne acquit le territoire de Novare et de Tortone comme fiefs de l'Empire, et la suzeraineté territoriale dans les Langhe: l'empereur eut Parme et Plaisance, en renonçant à Castro et à Ronciglione; mais son vœu le plus ardent fut accompli, car il vit la pragmatique sanction garantie de la manière la plus solennelle.

CHAPITRE III.

L'EMPIRE. CHARLES VI.

Le saint Empire romain, comme on appelait alors l'Allemagne, se composait de trois cent soixante-seize parties inégales (sans compter plus de quinze cents terres immédiates, comprises dans les quatorze cantons équestres ), qui ne relevaient toutes que de l'Empereur. Sur ce nombre deux cent quatre-vingt-seize étaient États de l'Empire (Reichsstände) (1), participant à la souveraineté.

Leur chef, empereur romain, toujours auguste, titres auxquels il ajoutait d'autres qualités qu'il ne posséda jamais que de nom, se trouvait réduit à un bien petit nombre de prérogatives, comme celle de conférer les titres de noblesse. Il ne pouvait exercer les véritables droits souverains, la législation, la paix et la guerre, l'administration générale qu'avec le concours des États. La haute surveillance des tribunaux de l'Empire était annulée par les coutumes, et la nomination du vice-chancelier, sans lequel l'Empereur ne pouvait faire aucun traité, appartenait à l'archevêque de Mayence.

(1) Ce mot commence à être en usage dans le quatorzième siècle pour indiquer les princes, les seigneurs, les nobles.

L'autorité suprême résidait dans la diète, où pouvaient siéger tous les États, faibles ou puissants, divisés en trois colléges, des électeurs, des princes et des villes.

Aux sept électorats avaient été ajoutés ceux de Bavière et de Hanovre, dont le premier fut ensuite réuni à l'électorat palatin. Les électeurs choisissaient le roi, et lui donnaient la capitulation; et, tandis que leur consentement lui était nécessaire, ils pouvaient se réunir sans lui et délibérer sur les affaires publiques. Les rois les traitaient de frères, et l'Empereur, d'oncles et de neveux.

On comptait au commencement du siècle cent princes ayant droit de suffrage, non comme anciennement, par prérogative personnelle, mais à raison de territoires qu'ils possédaient, afin que les Empereurs ne pussent pas disposer d'un trop grand nombre de votes, en élevant leurs créatures au rang d'États de l'Empire. Parmi ces derniers, les rois de Danemark et de Suède avaient chacun un vote, celui de Prusse sept, l'Angleterre six pour le Hanovre, l'archiduc d'Autriche trois. La noblesse immédiate, ou les chevaliers de l'Empire, ne siégeait pas dans la diète, mais relevait de l'Empereur seul. Cinquante et une villes impériales étaient distinguées en deux bancs, celui du Rhin et celui de Souabe. Après avoir été si fortes au moyen âge, elles avaient décliné et se trouvaient régies aristocratiquement. Chacun des trois colléges avait des assemblées distinctes, et ses décisions étaient prises à la majorité. Si leurs résolutions se trouvaient d'accord (placitum), elles devenaient décret (conclusum ), après avoir été confirmées par l'Empereur. Les délibérations de la diète étaient prises à la majorité des voix, excepté dans les affaires religieuses, où les catholiques et les protestants prononçaient à part et s'entendaient à l'amiable (1).

Lorsqu'à partir de 1663 la diète fut devenue permanente à Ratisbonne, l'Empereur et les princes cessèrent d'y paraître en personne, et s'y firent représenter par leurs délégués. Le cérémonial et les prétentions rivales absorbèrent la plus grande partie du temps et la lenteur de l'assemblée devint proverbiale. Les affaires les plus importantes et les plus urgentes se décidèrent dans le conseil privé des princes, qui devinrent indépendants.

Les deux tribunaux suprêmes de la chambre impériale siégeant à Wezlar, près de l'Empereur, décidaient les différends entre

(1) CAZALÈS, Revue des deux mondes, 1840.

États de l'Empire, et pouvaient aussi, en matières civiles, réformer les sentences des princes qui ne jouissaient pas du privilége de non appellando. Leurs droits avaient été réduits à rien; cependant les petits États trouvaient, dans les assemblées et dans les tribunaux, une protection contre les prétentions arbitraires de voisins puissants et les sujets contre celles de leurs seigneurs.

A l'intérieur, les États d'Empire exerçaient la suzeraineté territoriale, peu différente de la souveraineté absolue. Les vassaux de l'Empire possédaient les fiefs par héritage, avec droit de vie et de mort, avec celui de faire les lois, même contraires au droit commun, de lever des impôts, de battre monnaie, de contracter des alliances, d'entretenir des troupes et de les employer à leur gré. Les constitutions, modelées sur celle de l'Empire, avaient fait place à la puissance princière. Il n'y avait point de code commun, point de douanes communes; les monnaies étaient dans la plus grande confusion, à tel point qu'on en comptait cinq cent onze espèces. On tenta d'y opérer une réforme en 1738, et l'on y revint sous le règne suivant, surtout par les soins du Bruxellois Grauman; mais on n'arriva ja mais à l'uniformité.

C'était donc un mélange de gouvernements échappant aux clas sifications préétablies, ou demeurant faibles, éparpillés, vermouJus. Les impôts n'étaient pas payés, l'armée était un sujet de moquerie, sauf dans quelques pays, qui, s'étant adonnés spécialement aux armes, vendaient leurs soldats et eux-mêmes à ceux qui les payaient le mieux; les tribunaux ou ne prononçaient pas ou n'étaient pas écoutés; pendant ce temps chaque membre de ce vaste corps songeait à s'agrandir, tout sentiment de nationalité était perdu; et les puissants, ainsi que les étrangers, pouvaient donner carrière à toutes leurs intrigues, à tous les moyens de corruption.

Sous Louis XIV, l'Allemagne, épuisée par de longues guerres et n'ayant qu'un poids douteux dans la balance politique, reprit son ancien rang avec la paix d'Utrecht. Mais elle fut contrainte, en se trouvant unie à l'Autriche, de se mêler à toutes les querelles de cette maison, sans aucun avantage qui lui fût propre.

Les actes arbitraires de Léopold et de Joseph Ier avaient amené la diète à faire une capitulation perpétuelle, où se trouvaient confirmés les priviléges du corps germanique et restreints ceux de `l'Empereur. Il ne put plus proscrire un électeur sans l'assentiment de la diète, ni désigner de son vivant son successeur.

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