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Burke. 1730-1797.

hardiment et sur toutes choses: le jeune Fox acquit ainsi le génie parlementaire et la stratégie oratoire; il sut démontrer et attaquer, comme il convient de le faire avec une nation positive. Fox et Pitt, rivaux de gloire et de talents, tous deux lettrés, tous deux aimant les sociétés brillantes et les plaisirs de la table, étaient également ambitieux: Fox aimait l'argent; Pitt n'en avait aucun souci. Fox était doué de cette faconde sans ornement qui vient du cœur et qui saisit l'esprit, plein de logique et de jugement; Pitt avait fort peu de connaissances pratiques, et il était presque étranger au droit; mais il était rempli d'audace, sentencieux, fécond en allusions classiques; il produisait un grand effet par des discours simples, qui, à l'occasion, devenaient véhéments et irrésistibles. II savait surtout gagner la confiance et l'affection de la multitude.

Mais parmi les nouveaux whigs figurait Edmond Burke, pauvre Irlandais, qui s'était fait par ses articles de journaux une telle réputation, que le marquis de Rockingham lui fit cadeau de la somme nécessaire pour qu'il pût entrer au parlement. Il y porta une éloquence nouvelle, riche d'images, fleurie, majestueuse. Ennemi du philosophisme et de la souveraineté populaire, la propriété était à ses yeux l'unique source des droits civils; et il pensait qu'il importait, avant tout, de consolider la constitution du pays telle qu'elle était. Fox, au contraire, poussait aux innovations, et il espérait dominer dans les communes non-seulement l'autorité royale, mais encore l'aristocratie.

Dans cette lutte longue et continuelle entre le patriciat des propriétaires et la plèbe des industriels, l'homme d'État trouve des enseignements non moins élevés que dans l'étude de la république romaine. Mais précisément parce qu'il s'agit d'un état de lutte essentiellement anormal, on aurait tort de vouloir juger les mesures et les hommes d'après des idées absolues.

CHAPITRE XVIII.

COLONIES ANGLO-AMÉRICAINES (1).

Le règne de George III réclame de notre part un coup d'œil en Asie et en Amérique, pour y observer des faits d'une extrême importance, non-seulement à cause de la lutte qui se continue entre l'Angleterre et la France, ce qui est le caractère politique de l'histoire européenne dans le siècle passé ; mais aussi parce que ces deux puissances assurent dans ces contrées la supériorité de la civilisation européenne, qui, par le négoce, vient se greffer sur l'antique civilisation de l'Inde, et, par les colonies, se développer avec vigueur sur le sol américain.

L'Angleterre avait pris peu de part à la découverte de l'Amérique, attendu qu'elle était encore faible sur mer en comparaison des Portugais et des Espagnols, dont elle ne voulait pas exciter la jalousie; mais quand Elisabeth se fit l'ennemie de Philippe 11, elle songea à l'humilier aussi, en lui faisant concurrence dans les contrées septentrionales de l'Amérique. Favorables à la culture, ces contrées n'offraient pas néanmoins de métaux précieux, qui alors étaient considérés comme la seule richesse. Il fut donc nécessaire d'y attirer des colons par l'appât de priviléges qu'aucune nation moderne n'avait encore accordés. Aux termes des concessions faites à sir Humphrey Gilbert, qui conduisit une colonie dans les pays découverts par Cabot, chacun put y jouir des avantages attribués au titre de citoyen anglais, la couronne ne se réservant qu'un cinquième du produit des mines d'or et d'argent. Le courage et l'avidité ne suffirent pas pour triompher de ce pays sauvage, et Gilbert lui-même y périt. Walter Raleigh, son beau-frère, dont nous avons vu la bizarre destinée, ayant obtenu le même privilége, envoya Richard

(1) Indépendamment des historiens contemporains, et surtout de DAVID RAMSAY, The history of american revolution (Londres, 1791), voyez : FRED. GENTZ, Die Ursprung und die Grundsätze der Americanischen Revolution; 1800.

MAC GREGOR, Historical and descriptive sketches of the maritime colonies of British America; Londres, 1828.

W. POUSSIN, De la puissance américaine, etc.

BANKROFT et autres Américains, ainsi que les Italiens BOTTA et LONDONIO.

Virginie. 1580.

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Grenville avec des colons, qui abordèrent à l'île de Roanoke; mais, rêvant de l'or partout, ils s'éparpillèrent aux environs, sans s'occuper de se procurer un asile ni de pourvoir à leur sûreté; si bien qu'ils se trouvèrent détruits par l'hiver et par les sauvages. Une seconde expédition envoyée par le même Raleigh n'eut pas un meilleur sort; enfin, dirigeant son attention vers d'autres entreprises, il céda son privilége à une compagnie marchande de Londres.

Cette compagnie, sans chercher à acquérir des possessions, se contenta de faire sur les côtes le commerce avec les sauvages. Mais ce commerce procurait de tels bénéfices, que l'on accourut en foule dans ces parages; après quoi, une compagnie de Londres et une de Plymouth, qui se formèrent, fondèrent des établissements dans les îles d'Élisabeth et Vigne de Marthe. Les colons, favorisés par Jacques Ier, qui établit dans ces parages le gouvernement monarchique qu'il ne pouvait faire accepter en Angleterre, bâtirent JamesTown sur le rivage du Powhatan. Peu nombreux au milieu des sauvages, ils ne surent pas rester unis; et tout allait au plus mal, grâce aux rapines et aux cabales, lorsqu'enfin le capitaine Smith, ayant obtenu l'autorité suprême, sut y mettre ordre, et commença à s'introduire parmi les sauvages, tantôt par les négociations, tantôt les armes à la main (1).

Lorsqu'on eut vu la colonie prospérer, quoiqu'on y cherchât en vain de l'or, la compagnie y fit passer de nouvelles recrues, et le roi lui donna des institutions plus libérales; mais les mauvaises mœurs et les attaques des sauvages la minaient peu à peu. Lord Delaware apporta quelque remède au mal, et dirigea son attention sur l'agriculture en même temps qu'il repoussait vigoureusement les sauvages; mais l'immoralité profonde des colons, uniquement poussés par la soif de l'or, faisait échouer les mesures de prudence et de rigueur. Cependant les sauvages se familiarisèrent peu à peu avec les colons; la culture s'améliora lorsqu'un terrain fut assigné à chacun d'eux en propriété ; on introduisit le tabac dans le pays, où l'on fit venir des nègres pour le cultiver; puis le monopole ayant été allégé, les cultivateurs libres, devenus riches, demandèrent et obtinrent un statut à la manière anglaise. Jacques Ier et plus encore Charles le cherchèrent à restreindre cette forme de gouvernement libre. Cependant les Virginiens restèrent fidèles à

(1) Voy. livre XIV, ch. 13.

ce prince, même lorsque Cromwell triomphait. Le commerce lucratif du tabac attirait du monde dans le pays; on y envoya des jeunes filles de familles honnêtes pour se marier; quelques condamnés, que le roi Jacques y relégua, revinrent à de meilleurs sentiments; mais une trame ourdie par les sauvages faillit exterminer la colonie, où ils massacrèrent un grand nombre d'habitants.

1633.

Sur ces entrefaites, lord Delaware, persécuté en Angleterre et Maryland.) dans la colonie comme catholique, obtint un pays, sur le Potomak, qui fut appelé Maryland et peuplé de catholiques. Ces exilés se concilièrent les sauvages par l'humanité et par la justice; et, malgré les persécutions de l'intolérance puritaine, ils prospérèrent en paix avec un gouvernement à l'anglaise, sous la direction éclairée de Charles Baltimore.

gleterre.

61007.

La compagnie de Plymouth avait pendant ce temps jeté les fon- Nouvelle-A ndements de la Nouvelle-Angleterre. Mais les difficultés faisaient abandonner l'entreprise, quand les dissensions religieuses de l'Angleterre ayant amené la guerre civile, cent vingt puritains, partisans de Brown, vinrent y chercher la tolerance qu'ils ne trouvaient pas en Europe, et achetérent des sauvages un territoire sur lequel ils bâtirent la Nouvelle-Plymouth. Heureux, dans leur condition misérable, de se trouver libres, ils se donnèrent une constitution tout à fait populaire, en poposition à la religion et à la politique de l'Europe. Mais la communauté des biens qu'ils avaient établie supprimait ces élans individuels, si nécessaires pour faire prospérer l'industrie.

1027.1

D'autres puritains, persécutés par Charles Ier, élevèrent sur le Massachusets. Massachusets la ville de Salem, puis Charles-Town, avec un gouvernement à l'anglaise, mais affranchi de la souveraineté du roi, tant politique que sacerdotale. L'acte de cette fondation mérite d'être conservé: « Nous soussignés, qui, pour la gloire de Dieu, le progrès de la foi chrétienne et l'honneur de notre patrie, établissons cette colonie sur des rivages lointains, nous convenons, par consentement mutuel et solennel devant Dieu, de nous former en corps de société politique, dans l'intention de nous gouverner et de travailler à l'accomplissement de nos desseins. Nous convenons, en vertu de ce contrat, de promulguer des lois, des ordonnances, des actes, et, selon le besoin, d'instituer des magistrats auxquels nous promettons soumission et obéissance. C'est le premier cas d'une société politique établie selon les règles strictes

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du droit ; exemple que d'autres suivront, et qui deviendra le germe de la liberté future.

Le fanatisme religieux était une cause perpétuelle de haines. Les sectes, sans cesse en lutte les unes contre les autres, se multipliaient de jour en jour; la croix et le saint George, qui figuraient sur la bannière d'Angleterre, parurent des signes d'idolâtrie à Roger Williams: en conséquence, ses adhérents la déchirèrent; et comme ils furent exilés pour cette cause, ils allèrent former une autre colonie, celle de la Providence. Mistriss Hutchinson, repoussée pour ses doctrines fanatiques, en constitua une nouvelle qui Rhode-island se greffa sur la précédente, sous le nom de Rhode Island. Elle eut un gouvernement tout à fait populaire avec la tolérance des opinions, ce qui contribua à la rendre florissante.

1634.

Connecticut. 1636.

1654,

Acte de navigation. 1663.

Weelwright, beau-frère de mistriss Hutchinson, ayant été banni du Massachusets, s'établit dans les pays du Nouvel-Hampshire et du Maine; mais ces deux provinces, par défaut de concorde entre ceux qui les occupaient précédemment, furent réunies au Massachusets.

Hooker, ministre des congrégationalistes, sortit aussi du Massachusets avec ses disciples, et s'établit sur le Connecticut, dans un territoire fertile et sous un heureux climat: à cette colonie se réunit celle de Newhaven, composée d'Anglais persécutés.

Les sauvages ne cessaient de faire la guerre à ces nouveaux venus; malgré cela, et en dépit des prétentions de Charles Ier, la Nouvelle-Angleterre prospérait. Cromwell enleva aux Français l'Acadie ou Nouvelle-Écosse, au nord de la Nouvelle-Angleterre, pays riche pour la pêche, et pour le commerce des fourrures qu'on y faisait avec les sauvages. Les colonies s'allièrent entre elles pour se défendre en commun; et, profitant des troubles de l'Angleterre, elles se gouvernèrent comme Etats indépendants; elles se seraient dès lors élevées à un haut degré de puissance, si l'intolérance puritaine n'y eût enfanté des maux continuels.

Lorsque la monarchie eut été restaurée en Angleterre, Charles II s'efforça d'affermir dans les colonies l'autorité royale ; il leur imposa des entraves et des taxes, ordonna que les transports entre elles et la mère-patrie ne se fissent que sur bâtiments anglais, et que le tabac, l'indigo, le coton, le riz, le bois de construction, ne pussent être expédiés qu'en Angleterre. En même temps le parlement décréta que les délinquants de toute espèce seraient déportés en

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