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timidité se bornait à des promesses, et par suite de sa confiance dans les intelligences qu'il avait dans le royaume. Tandis que le gouvernement mettait sa tête à prix, il défendait, au contraire, aux siens de faire aucune insulte à George; mais pendant ce temps les Anglais réunissaient des troupes et de l'argent: après l'avoir repoussé de l'Angleterre, ils entrèrent en Écosse, et la guerre se trouva terminée à la bataille de Culloden. Le duc de Cumberland traita si horriblement les blessés, qu'on le surnomma le Boucher de l'Écosse. Le chevalier de Saint-George erra pendant cinq mois dans les montagnes d'Écosse avec des fatigues inouïes, traqué par des assassins, et la mort sans cesse sous les yeux; enfin, il parvint à se réfugier sur le continent. On le prôna comme un héros; et, bien que la vérité ait été embellie, il est certain qu'il risqua sa vie; mais il lui manquait l'énergie nécessaire pour diriger le mouvement. Il ins pirait l'enthousiasme; mais il n'avait ni fermeté pour se relever dans les revers, ni compassion pour adoucir les souffrances de ceux qui défendaient le dernier des Stuarts. Il ne sut pas ensuite soutenir dans Paris la dignité du malheur; et, dans le moment où les têtes tombaient en Écosse pour sa cause, il se montrait dans tous les cercles, et demandait ses distractions à l'intempérance, comme le font souvent les hommes dont l'existence est brisée.

Quand la journée de Culloden eut mis en évidence la nullité du parti qui rêvait une restauration, que la perte de ses espérances eut calmé les haines, et qu'une génération toute nouvelle se fut affermie dans le gouvernement, on s'appliqua sérieusement aux travaux parlementaires ; et comme la révolution n'avait plus besoin d'être protégée, on en vint aux idées pratiques. Alors surgirent les grands orateurs, comme Chatham, Grenville, North à la chambre haute; Cambden, Erskine, Mansheld, parmi les pairs judiciaires; Pitt, Fox, Burke, Windham, Romilly, Wilberforce, Wilkes, Withbread, Dundas, Sheridan; et d'autres encore à la chambre des communes, réunion rare de talents supérieurs.

Déjà Guillaume Pitt et lord Holland (Henri Fox) avaient commencé à se montrer au ministère. Fox avait toujours admiré Walpole; Pitt était parmi ses adversaires. Le premier devint secrétaire d'État; Pitt se mit à la tête de l'opposition, et son élévation, en dépit de Walpole, prouva que l'opinion était plus puissante que la faveur. En effet, Fox se retira, et accepta le poste subalterne, mais lucratif, de payeur général. Rien n'atteste mieux

1746. 27 avril.

1708-1773.

une révolution dans les opinions que l'avénement au pouvoir de Guillaume Pitt. ce Pitt, fils d'un simple écuyer, parvenu si haut à force d'éloquence, de haine contre les Français, de réputation de probité. De ce moment commence l'administration de Pilt, qui, doué d'une âme élevée, d'un caractère énergique, d'un esprit supérieur, d'une éloquence chaleureuse, sut se concilier le roi sans s'asservir à ses volontés, contrariant même parfois ses vues, et qui servit le pays de préférence au monarque. Il révéla l'Angleterre à elle-même, telle qu'elle est sortie d'une lutte séculaire, lutte qui lui a valu la conquête de ses institutions, lutte dont cinquante années ont été employées à consolider la dynastie nouvelle, et qui donna pour base à ces institutions une monarchie acceptée par le pays. Il communiqua à la nation une ardeur intrépide, un caractère inflexible, un patriotisme énergique, presque d'instinct, et la fit triompher de la coalition des souverains de la maison de Bourbon.

1760.

On a dit avec raison qu'il possédait les vertus d'un Romain et l'urbanité d'un Français; car son patriotisme était tout à fait dans le genre antique, c'est-à-dire arrogant, disposé à sacrifier l'avantage des autres nations et la justice. Il voulut conquérir, il voulut envahir la monarchie universelle; il poussa les Anglais à se faire les maîtres de la mer; par lui l'Angleterre domina en/souveraine absolue dans les cabinets et sur les mers; elle maintint la paix dans ses colonies, auxquelles elle ajouta le Canada et la Louisiane, enlevés à la France, dont elle détruisit les comptoirs dans l'Inde; et si la guerre de sept ans eût duré, elle s'emparait de toutes les colonies françaises. Elle s'appliqua du moins à empêcher l'union des Européens, pour les maintenir dans une humiliation commune sous le titre d'équilibre.

Pitt fit cesser les persécutions contre les fauteurs du prétendant, ainsi que la loi de guerre qui pesait sur les Écossais, en admettant dans les rangs de l'armée beaucoup de jacobites en butte à des poursuites. Pendant ce temps les whigs, toujours en possession des hauts emplois, veillaient sans cesse pour empêcher les torys de rendre le gouvernement despotique, et d'un autre côté la démocratie de devenir radicale.

George mourut subitement à l'âge de soixante-sept ans; et si l'Angleterre vit son commerce s'accroître, ses armes prospérer, ce ne fut pas à ce prince qu'elle en fut redevable, mais à l'activité de ses habitants et à la décadence de la marine française. Sous son

règne, le calendrier grégorien fut adopté, et la Société des antiquaires autorisée; le gouvernement acheta le musée de sir Hans Sloane et la collection de manuscrits dite Harléienne, qui fut réunie à celle des manuscrits relatifs à l'histoire d'Angleterre, appelée Cottonienne, et à la bibliothèque du roi.

1752.

Frédéric Louis, prince de Galles, avait été laissé en Hanovre par son père, dans la crainte qu'il ne devint le centre de l'opposition, et plus encore après avoir empêché son mariage avec la princesse de Prusse, par animosité personnelle contre Frédéric-Guillaume. En effet, les opposants et les gens de lettres, comme Swift, Pope, Thompson et autres adversaires de Walpole, se réunirent au prince. Chesterfield, ainsi que Bolingbroke, très-habile à censurer finement les abus des whigs autant qu'incapable de les réformer, l'excitaient contre la cour, ce qui aigrit les dissidences déjà existantes entre le père et le fils: George II le bannit même de sa présence (1738). Le prince de Galles étant mort treize ans après, à l'âge de quarante-sept ans (1751), George II respira plus librement. Comme Frédéric-Louis ne laissait qu'un fils atteignant à peine sa douzième année, on avait pourvu au cas d'une minorité par une loi qui confiait la régence à la mère, assistée d'un conseil. Cette loi resta sans effet, attendu que, lors de la mort de son aïeul, George III George 111. avait vingt-deux ans ; il succéda donc à la couronne. Il avait grandi sans aucune connaissance des affaires; mais on l'aimait parce qu'il était né en Angleterre, parce qu'il y avait été élevé à la manière du pays, dans des idées de piété et de morale, et parce qu'il avait ces droits héréditaires qui souvent tiennent lieu de mérite. L'aversion de beaucoup d'Anglais, l'indifférence de la plupart pour les rois précédents, avaient cessé; il ne pouvait plus être question d'usurpation pour le troisième descendant de cette race; la responsabilité du sang des légitimistes qui avait été versé ne retombait pas sur lui; enfin il avait un caractère ferme, une volonté forte, peu de pénétration d'esprit, il est vrai, mais de l'aptitude aux affaires.

Les torys, qui s'étaient toujours tenus éloignés du trône, quoiqu'ils en fussent les soutiens naturels, revinrent aux sentiments du royalisme. Appuyé donc sur eux, et ne s'apercevant pas que les droits nationaux étaient désormais inattaquables, George III eut quelques velléités d'augmenter sa prérogative royale. C'était le système de Bolingbroke et de ses collègues, qui, instruments de la corruption parlementaire, voyaient qu'un roi patriote pourrait

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1761.

les rendre inutiles en se rendant plus fort que la chambre des communes. Or, lord Bute, courtisan habile autant que politique incapable, et qui avait la confiance de George, s'était inspiré de ces idées; et, bien que Pitt fût demeuré au ministère, il lui enleva son influence. Dans sa pensée continuelle d'agrandissement et dans son amour pour la guerre, qui lui avait si bien réussi en Amérique, dans l'Inde, en Allemague, Pitt voulait la déclarer à l'Espagne, pour prévenir les conséquences du pacte de famille entre ce pays et la France. Mais se trouvant contrarié dans ce dessein, il donna sa démission, et s'ouvrit un champ plus libre dans les rangs de l'opposition, dont il ne partagea pas du reste les dégoûtantes intrigues, de même qu'il avait détesté celles de la cour.

Le triomphe populaire qui le récompensa de sa chute grandit encore lorsque bientôt on reconnut qu'il avait prévu juste ; car Charles III, très-mal disposé envers les Anglais depuis qu'ils avaient menacé Naples, commença les hostilités; et il fallut déclarer la guerre à l'Espagne et à la France.

Le ministère de lord Bute, le premier qui eût été pris dans les rangs torys depuis l'avénement de la maison guelfe, s'etait proposé de relever l'autorité royale, de faire cesser la corruption et les cabales oligarchiques, de détacher l'Angleterre de ses alliances coûteuses sur le continent, et de mettre fin à la guerre avec la France. Mais s'il réussit dans cette dernière tâche, la corruption devint plus profonde, par la nécessité de soutenir le ministère contre la haine et le mépris, populaire. On était indigné contre ce ministre, qui s'était élevé sans autre mérite que la faveur du roi, et qui, Écossais luimême, remplissait tous les emplois publics d'Écossais, dans un temps où la fusion entre les deux nations n'était pas encore complète, et où les blessures de 1745 étaient à peine cicatrisées. L'irritation était donc universelle. A entendre les journalistes, l'Angleterre était plongée dans la misère et livrée au despotisme. En effet, la position des ministres devenait de plus en plus difficile depuis que la presse reproduisait chacun de leurs actes. Sauvegarde précieuse de la liberté, elle était une entrave au gouvernement.

Parmi les pamphlets du temps, les Lettres de Junius, publiées par un auteur inconnu, à divers intervalles, de 1769 à 1772, furent surtout célèbres. Pleines d'une froide et inexorable ironie contre les actes des ministres, ces lettres, à en juger par l'éloquence et

l'esprit qui y règnent, et par la connaissance qu'on y montre des secrets des divers cabinets, devaient avoir pour auteur un personnage de haut rang; mais jamais il ne se fit connaître. Il y avait plus d'acharnement dans le North-Briton, que rédigeait Jean Wilkes avec une impudence spirituelle. Arrêté pour délit de presse, il se défendit avec hardiesse, se sentant appuyé par l'opinion publique, qui soutenait qu'en sa qualité de membre des communes on ne pouvait procéder contre lui. Le parlement déclara ses livres, et un poëme sur les femmes, séditieux et infâmes; ils furent brûlés par la main du bourreau, et Wilkes s'enfuit. A son retour, il fut condamné. Par trois fois le peuple de Londres l'élut député, et par trois fois la chambre le repoussa. Au milieu de tant d'attaques, lord Bute vit qu'il n'y avait pour lui d'autre moyen de résister qu'en recourant à la corruption. Il acheta Henri Fox, whig acharné, qui se mit alors à recruter des votes pour le ministère; de telle sorte que le traité de paix par lequel la Grande-Bretagne acquérait le Canada fut adopté.

Pitt, qui avait fait tous ses efforts pour que les conditions en fussent rejetées, continua, favorisé par l'opinion publique, de s'opposer à lord Bute, qui poussait le roi à l'absolutisme. Quoique George III et ses ministres cherchassent à plusieurs reprises à se débarrasser de son opposition en l'appelant à prendre part à la direction des affaires, il refusa constamment, à moins qu'on n'admît les conditions qu'il jugeait nécessaires pour garantir les libertés publiques. L'opposition en obtint alors une des plus importantes, dans l'inamovibilité des juges.

Lord Bute fit place au ministère de lord Grenville, qui, non moins impopulaire que son prédécesseur, jeta le roi dans l'impuissance en voulant le rendre absolu. Il dut alors avoir recours aux whigs en conséquence on vit s'élever avec le duc de Cumberland et avec lord Rockingham d'autres wighs plus moraux, s'ils étaient moins habiles, et qui se refusaient aux expédients que l'honneur ne pouvait avouer.

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Alors figurèrent dans le parlement de nouvelles illustrations. De ce lord Holland, que nous avons vu ardent soutien de Walpole et du pouvoir arbitraire, naquit Charles-Jacques Fox, qui, entré au parlement à dix-neuf ans, fut le contradicteur perpétuel de Pitt et le défenseur des doctrines populaires. Son père, qui possédait d'énormes richesses mal acquises, l'avait habitué à les employer au jeu et en plaisirs; mais en même temps il l'avait élevé à parler

Ch. J. Fox. 1749-1806.

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