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Ministres beaux-frères,

Cependant, afin de rétablir le crédit public, Walpole présenta un bill de réduction de la dette, dont le résultat fut avantageux à la nation; il chercha aussi à relever le commerce, et à affranchir l'Angleterre de la nécessité de tirer du Nord les matières premières. Le gouvernement britannique se montra moins rigoureux dans les exclusions commerciales: il abolit les monopoles, à l'exception de celui de la compagnie des Indes, et intervint le moins possible dans les intérêts du commerce. Sans renoncer au système mercantile, il reconnut qu'une constitution où les forces individuelles ont leur plus libre développement est bonne, et qu'il est utile aux gouvernants de favoriser l'action de l'industrie, et de la dégager d'entraves. En conséquence, les lois de douane furent modifiées dans un sens favorable au commerce, ce qui accrut la richesse publique, et, avec elle, la gloire et la prospérité du pays.

Walpole s'était élevé, parce qu'il était favorable à la maison de Hanovre et lié avec les agioteurs; il aimait le pouvoir; et, pour le conserver, prudent et téméraire tour à tour, il se laissa aller à des actes contradictoires. Doux, insinuant, et pourtant énergique au besoin, il n'était nullement lettré, il ne savait que peu d'histoire, il était grossier de manières et dépravé dans ses mœurs; mais il possédait un esprit pratique, et une connaissance profonde des hommes, de la cour, de la nation. Se détachant même de ses amis toutes les fois qu'ils pouvaient balancer son influence, ne voulant point de rivaux et préférant des ennemis, il fut le premier qui ait conservé pendant vingt ans la direction des affaires avec l'appui de la majorité dans les chambres. Il avait pour collègue Townshend, son beau-frère, homme hardi, impétueux, aux mesures vigoureuses, dont la femme savait les maintenir d'accord sur les maximes fondamentales. Sous un roi qui ne comprenait pas l'anglais, et qui, par suite, n'assistait pas au conseil des ministres, le gouvernement était dans la main de ces agents, et leur rôle principal consistait à faire mouvoir la chambre des communes. Or, Walpole l'entraînait par sa parole, et séduisait la nation par des projets qui offraient de gros bénéfices. Il disait savoir le prix de tout Anglais, attendu qu'il n'en était pas un dont il n'eût marchandé le vote. Il est certain que ce système de corruption dont on a fait un crime à Walpole était un mal nécessaire, alors que les membres du parlement n'avaient, pour la plupart, d'autre intérêt à soutenir le gouvernement que leur intérêt personnel. Aussi Shippen, le chef des jacobites, s'écriait-il : Robert

et moi, nous sommes d'honnêtes gens, lui pour le roi George, moi pour le roi Jacques; mais tous ceux-là ne veulent que des emplois, soit de George, soit des jacobites. Walpole fit donc ce que le temps réclamait, et il le fit bien, attendu que, sous des rois nuls et vicieux, il organisa la paix et prépara la guerre; qu'il atteignit le double but de consolider les institutions anglaises avec la dynastie hanovrienne, et d'agrandir l'influence des classes moyennes en augmentant les richesses par une administration habile.

Une indigestion de melon mit au tombeau le roi George Ier, qui laissa une dette de 30,267,000 livres sterling, des négociations embarrassées, des obligations de subsides à remplir, et la constitution menacée. Il avait toujours négligé sa femme et traité très-durement le prince de Galles, qui lui succéda à l'âge de quarante-deux ans. Le nouveau roi, inférieur à son père en talent et en connaissances politiques, était obstiné, colérique, observateur sévère de l'étiquette il se plaisait aux parades militaires, et il n'avait, comme son père, aucun goût pour les arts et pour les sciences. Il considérait son intérêt comme le bien public; et, choisissant pour ministres les hommes qui lui convenaient personnellement, il prenait ses aversions ou ses sympathies pour règle de sa politique, où il laissait s'immiscer les maîtresses, qu'il entretenait par faste et sans passion. La Walmoden, entre autres, assistait aux conseils; mais la force de la constitution réduisit cette influence féminine à n'avoir d'action que sur les faibles, à faire distribuer seulement quelques emplois et des décorations de la Jarretière. George II avait beaucoup de confiance dans sa femme Caroline de BrandebourgAnspach, belle, spirituelle, amie des gens de lettres, notamment de Leibnitz et de Samuel Clarke. Tout en cachant son désir de dominer, elle exerçait son empire sur son mari et sur ses maîtresses en titre, et gouvernait comme régente toutes les fois que George s'absentait.

Walpole continua à soutenir la faction des whigs et leurs opinions, c'est-à-dire le principe de la liberté. Ce ministre, le plus grand peut-être qu'ait eu l'Angleterre, chargé d'affermir le gouvernement contre ceux qui voulaient le faire rétrograder, aussi bien que contre ceux qui voulaient le précipiter dans l'anarchie, encourut l'animadversion des deux partis, qui ameutèrent contre lui le vulgaire. La paix seule pouvait sauver l'Angleterre; et il sut la maintenir, malgré le penchant du roi, les criailleries de

1727.

George II.

la foule, l'impertinence française, l'astuce espagnole, l'ambition de l'Autriche, et la puissance naissante de la Prusse. Malheureusement les vingt années qu'il passa au ministère lui firent mépriser les hommes, dont il avait vu les bassesses et les mobiles secrets. Attaqué journellement dans des libelles virulents, il se faisait défendre par des gazettes salariées; il toléra des conspirations, inspira la patience au gouvernement, et vainquit l'opposition à laquelle on donnait le nom de Jacobite, quoiqu'elle fût composée d'un amas d'éléments divers.

Il avait obtenu ou secondé la réhabilitation de l'abject Bolingbroke, qui, après l'avoir achetée à prix d'argent et de bassesses, ne cessait d'exciter l'opposition à présenter des bills populaires, dont le rejet pût rendre le ministère odieux. Townshend se retira alors; et Walpole s'immisça de plus en plus dans la politique continentale. I rendit le cabinet autrichien, de français qu'il était, en s'alliant avec l'empereur et avec la Hollande; il put ainsi faire obtenir, sans guerre, à la Grande-Bretagne ce que le traité d'Utrecht lui laissait à désirer: par là il augmenta son autorité et s'acquit la faveur populaire. Il ne fit prendre part à l'Angleterre que par voie de médiation à la guerre de Pologne; entraîné par les criailleries de la multitude à celle contre l'Espagne, il la conduisit avec lenteur et sans succès.

L'opposition, qui voyait avec déplaisir l'argent et le sang anglais prodigués en Allemagne, et des soldats étrangers entretenus au péril de la liberté, se déchaîna contre Walpole avec une violence extrême, dans de dégoûtants libelles sous la direction de l'habile orateur Guillaume Pulteney. Il se vit done contraint, pour se relever du discrédit où il était tombé, à des mesures en désaccord avec ses idées, et il altéra son beau système d'amortissement, créé pour diminuer les taxes. Il pensait avec les économistes que les contributions indirectes étaient plus avantageuses que les impôts directs; et il voulait les simplifier, contre l'avis du parlement, en abolissant les petites taxes vexatoires et gênantes, et en substituant aux droits de douanes l'accise ou impôt sur la consommation, dont il espérait tirer assez pour pouvoir supprimer la taxe territoriale. Il commença à grever le café, le thé, le cacao, puis le sel, le tabac, le vin; et, quoiqu'il procédât pas à pas; afin de ne pas effrayer les consommateurs, l'opposition dévoila l'artifice et cria aux armes. Le calomnieux Craftsman et les autres feuilles de l'opposition firent du

mot accise un objet d'épouvante, comme s'il devait renverser la constitution; et, la plèbe une fois irritée, Walpole ne put plus arriver à ses fins. Mais lorsque l'opposition se flattait que George se dégoûterait de sou ministre, il se fâcha, au contraire, contre les lords qui le combattaient ; et, en dépit des marionnettes de Bolingbroke, Walpole resta à son poste.

Si la révolution avait rendu le pouvoir exécutif responsable, la chambre, que menait un petit nombre de membres, et des débats de laquelle il était défendu aux journaux de rendre compte, la chambre ne l'était pas. Mais cette corruption systématique montrait la puissance du parlement; car les ministres n'auraient pas acheté des votes impuissants. Or, on ne pouvait y remédier qu'en rendant le pouvoir exécutif absolu, ou en donnant de la publicité aux débats, pour que chacun comparût au tribunal de l'opinion. Cela n'était possible qu'en ayant recours à des moyens détournés : ainsi l'un les rapportait comme ayant eu lieu dans le pays de Lilliput, un autre dans un conventicule tenu par les Romains, ou en employant d'autres allégories. Mais, durant le long ministère de cet homme d'État qui méprisait la littérature, les protections corruptrices cessèrent envers les lettres : il en résulta que les écrivains s'adressèrent au public,' et que les créations de l'esprit devinrent une propriété.

L'opposition inventa les machinations les plus adroites pour renverser Walpole. Tantôt il résistait, tantôt il pliait; enfin ayant négligé, dans sa confiance, de briguer l'élection de ses favoris, il eut le dessous, et remit son portefeuille à George II, qui en versa des larmes. Le grave archidiacre Coxe (1) fait de lui un héros, un saint; d'autres en font un Séjan et le père de la corruption; ce qui prouve combien il est difficile de gouverner après une révolution. Mais, pour se soutenir pendant vingt-cinq ans au pouvoir, l'immoralité ne suffit pas: pour tenir tête aussi longtemps aux passions extrêmes, à la loyauté généreuse des jacobites et au républicanisme idéal des calvinistes; pour réussir enfin à vaincre les partis comme Marlborough avait vaincu les ennemis, il fallait réunir le caractère, la sagacité et le courage. On ne trouva rien d'irrégulier dans sa conduite lorsqu'elle eut été examinée attentivement, et il conserva son influence sur le roi, tandis que la discorde régnait dans le (1) Memoir of life and administration of sir Robert Walpole, with original correspondence and authentic papers. 1798.

1745.

ministère formé par Pulteney et présidé par Pelham. Les torys, qui s'étaient toujours maintenus, recouvrèrent la faveur de la cour, bien que le manque de fortes têtes dans leur parti fit conserver encore aux whigs les principaux emplois de l'administration. Les deux partis firent taire leurs haines, précisément peut-être parce que les choses avaient été poussées à l'extrême sous Walpole, et que le peuple s'aperçut que le changement du ministère n'amenait pas un changement de système.

Le prétendant Charles-Édouard, connu sous le nom de chevalier de Saint-George, n'avait cessé d'entretenir des intelligences dans le pays. Les attaques terribles dirigées contre le ministère, les discussions orageuses dont le bruit parvenait jusqu'à lui, firent que le mécontentement était au comble, et qu'il ne fallait qu'une étincelle pour faire éclater la guerre civile. Il fit done, aidé des subsides de la France, un débarquement sur la côte de Lochaber, où il arriva avec 200,000 livres à peine, deux mille fusils et six mille sabres. Le peuple se jetait à ses pieds; mais, Que pouvons-nous faire? s'écriaient les Écossais; nous sommes pauvres, désarmés; nous ne mangeons que du pain noir. · Je le mangerai avec vous, répondait Édouard, je serai pauvre comme vous, et je vous apporte des armes. Se trouvant bientôt à la tête des clans des Caméron et des Macdonald, il fit proclamer son père, et entra dans Édimbourg. Bien qu'il n'eût pas plus de deux mille cinq cents montagnards, sans cavalerie ni canons, le courage désespéré avec lequel ils combattaient mit les Anglais en fuite, et le rendit maître de tout le royaume. Les Écossais de la plaine admiraient un prince « qui couchait par terre, dinait en quatre minutes, et battait l'ennemi en cinq. Ils composaient des hymnes en son honneur et des satires contre John Cope, général des ennemis; tous avaient son portrait sur leurs tabatières; quelques-uns donnaient même de l'argent; mais les montagnes seules répondaient à l'appel de la cornemuse.

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Cependant Charles-Édouard se proposa de conquérir l'Angleterre, qui, ayant perdu l'élite de ses soldats à Fontenay, se trouvait dégarnie de troupes. A la nouvelle de sa marche, les magasins et la bourse furent fermés à Londres; George tint des bateaux tout prêts pour fuir avec ses trésors; et si Édouard eût marché droit sur la capitale, il aurait mis en grand péril la fortune de la maison de Hanovre. Il différa, dans l'espoir d'être rallié par ceux dont la

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